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Iran

Tu y entres depuis la Turquie, et en ressors pour le Turkmenistan



Shorud PDF Print E-mail
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Jeudi 22 Juillet 2010

Après une semaine de pause à Téhéran, tu as l'impression d'avoir perdu l'habitude de rouler. Pour rattraper un peu de retard, tu décides de partir sur l'Est de l'Iran, vers Mashhad, par la route du désert. Plus rapide mais plus chaude que la route de la montagne qui t'aurait amené sur les rives de la Caspienne.

A 5h, il fait déjà chaud sur les voies rapides de Téhéran, mais la circulation est encore fluide. Les autres villes iraniennes n'ont pas de banlieues, et des limites bien marquées. Mais quitter Téhéran et sa banlieue est interminable. Il faut du temps pour que la route soit vraiment désertique.

De Téhéran à Mashhad, il y a près de mille kilomètres. Tu coupes le trajet en deux tronçons, avec une pause à Shorud. Comme la plupart des villes iraniennes à la limite entre désert et montagnes, Shorud est une ville d'eau qui s'est construite en dessous une source généreuse. De loin, elle apparaît comme une oasis. Tu y arrives un peu avant 11 heures. Comme souvent, des passants à qui tu demandes 'Hôtel' te prennent en charge et tu n'as plus qu'à les suivre. Cette fois-ci, un vieux monsieur sur une petite moto.

Tu poses tes affaires et pars en balade, à la recherche d'un restaurant. A Téhéran, tu as pris l'habitude de beaucoup manger, et tu as déjà un peu faim. Tu fais vite le tour du bazar, à la dimension de cette petite ville. Tu continues de te promener, mais les restaurants sont rares, et semblent tous fermés. En revenant vers l'hôtel, des commerçants t'interpellent. Mais à la sempiternelle question « Where are you from? », succèdent, pas vraiment en Anglais, d'autres questions. Sans trop comprendre, tu réponds « Japan ». Tu cites aussi les autres pays traversés, ou à traverser.

Les Iraniens sont bon public. Ils s'extasient toujours quand tu présentes ton voyage. Dire à un Français que tu pars au Japon en moto le surprend souvent, mais pour un Iranien, c'est bien plus saugrenu. Peut-être parce que les motos sont limitées à 200 cm3. Peut-être que peu d'Iraniens voyagent par la route en dehors des frontières. Peut-être l'Iran est-il, du fait de son isolement politique, peu ouvert à l'idée de tels voyages. Pourtant, la Route de la Soie traverse le pays, et les caravanes étaient autrefois légions.

Les personnes avec qui tu discutes travaillent toutes dans une crèmerie en gros. La plupart des employés font partie d'une même famille, ou sont cousins plus ou moins éloignés. L'ambiance est joyeuse. Les plaisanteries, les moqueries fusent, mais semblent toujours gentilles. Filles et garçons participent indifféremment aux discussions. Tu voudrais comprendre pour rire aussi. Tant pis. Mais tu es bien avec eux.

On t'amène, à l'arrière d'un vieux scooter, visiter les sources qui surplombent la ville. Ali, le propriétaire du commerce t'invites ensuite à déjeuner chez lui. Tu découvres ses fils. Les deux ainés, 15 et 12 ans apprennent l'anglais. Ils sont subjugués par ton voyage. Tu as honte de passer pour un héros. Après le repas, chacun montre ses photos. Ali vous conduit ensuite dans les vieux quartiers du moins dans les ruelles où passe sa 505 Peugeot.

Comme partout, la plupart des vieilles maisons, faites de briques et de torchis, sont à l'abandon. Elles sont remplacées progressivement par des murs en matériaux modernes. Autant ces vieilles maisons étaient belles, harmonieuses, et donnaient une âme à l'ensemble d'un quartier, autant les constructions nouvelles, toutes différentes, faîtes de bric et de broc, sont une désolation.

Parfois, des arbres centenaires. Leurs troncs ont un diamètre supérieur à 2 mètres. Cette ville devait être d'une grande beauté il y a encore cinquante ans.

En soirée, vous vous rendez à Bastam, une ville voisine. Une ancienne mosquée, belle, qui sert aussi de mausolée pour le fils d'un Imam dont tu as oublié le nom. Vous croisez une procession. Tu crois tout d'abord à une manifestation, mais non, tout ce monde se rend à la mosquée. Le jardin de la mosquée est noir de monde. Vous rentrez et visitez. Tu fais quelques photos. L'heure est à la prière, donc vous ne vous attardez pas.

Vous revenez à Shorud. Les enfants d'Ali t'attendaient. Ils souhaitent que tu restes un jour de plus, mais tu partiras le lendemain sur Mashhad.

Il est tard et tu es fatigué. En dehors de Téhéran, la sieste est de rigueur l'après midi, et la vie reprend en soirée, pour se terminer tard dans la nuit. Mais en te levant à 4 heures, tu es complètement décalé. Tes nuits sont trop courtes, et tu manques de sommeil.

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Vendredi 24 Juillet 2010

Tes amis t'ont prévenu que la route sera chaude. Tu gardes le souvenir de ton arrivée en Iran et tu ne traînes pas. Après une centaine de kilomètres, tu trouves un vent de face très violent. La démarche bien difficile des passants, le flottement de leurs vêtements, te confirment que si Toeuf Toeuf a des difficultés à rouler à plus de 80 km:h, c'est que le vent la contrarie franchement. Et tu fatigues autant qu'elle. Tenir le guidon, les vibrations, se tenir droit, le bruit dans le casque, tout est pénible.

Tu t'arrêtes à Sabsevar pour prendre un thé. La ville est triste, voire sordide. Au moment de repartir, plus d'électricité, donc plus de démarreur... Il est 8h30, la chaleur commence à se faire sentir. Ta première réflexion : heureusement que cela t'arrive ici, devant des restaurants et des marchands de boissons.

Tu crois tout d'abord à un faux contact sous le compteur. Tu avais démonté le bloc « phare » à Téhéran, pour essayer de réparer ton compteur journalier qui ne fonctionne plus. Mais tout à l'air normal. Tu déposes ton chargement pour accéder à la batterie qui serait peut être morte. Tu as hésité avant de partir à prendre une batterie de secours. Mais tu ne l'as pas fait et ce n'est pas en Iran que tu trouveras une batterie qui convient.

Le problème est là, et simple à régler : la vis de fixation d'une cosse de batterie a perdu son écrou. Tu le remplaces, mais le nouveau n'a pas la bonne forme pour s'auto-bloquer. Tu le serres comme tu peux, mais mal. Tu sais que tu le perdras à nouveau dans quelques jours. Tant pis, il faut avancer avant que le soleil et la fatigue ne t'assomment. En attendant, Toeuf-Toeuf repart au quart de tour.

Pendant tout ce temps, un gamin t'a aidé. Tu dis « un gamin » parce que tu lui donnerais au plus 10 ans et qu'il est haut comme trois pommes. Mais il travaille dans le restaurant voisin. Il te passe les outils, vérifie les contacts, fait tout ce qu'il peut pour t'aider. A un moment, il monte sur une 125, et part à la recherche d'un mécano. Même si sa moto est basse, ses pieds ne doivent pas toucher le sol... Un drôle de gamin.

Après avoir rechargé Toeuf-Toeuf, tu repars, soulagé. Le vent est un peu moins fort, et il ne fait pas plus chaud. Mais la route est toujours aussi monotone.

Tu arrives à Mashhad en début d'après midi. Tu trouves un hôtel, fais quelques courses, un repas, puis une bonne sieste. Il y a des centaines d'hôtels à Mashhad qui est la ville d'Iran qui reçoit le plus grand nombre de touristes. C'est la principale ville de pèlerinage. Après la Mecque, le deuxième lieu saint le plus important pour les Iraniens.

Le soir, tu te rends au lieu de pèlerinage : le Mausolée de Reza. Le site est monumental. Un carré de 500 mètres de coté. Toute la ville est organisée autour. Les rues sont noires de monde. Lorsque tu veux pénétrer dans le site, la sécurité t'intercepte. On t'amène à 'l'office de pèlerinage', et on te trouve un guide. Gratuit. Les rares visiteurs Européens ont droit à un guide particulier. Tu es content de trouver quelqu'un à qui parler.

Le Mausolée; les nombreuses salles de prière sont organisées autour de 8 cours gigantesques, toutes noires du monde. Reza était le huitième Imam. Tu estimes à 30 ou 40 mille le nombre de pèlerins présents. Mais il semble que tu sois le seul touriste non musulman. D'après ton guide, il y en aurait quand même une dizaine chaque jour. Pour probablement plus de cent mille pèlerins.

Les photos sont interdites. L'ambiance est à la prière, et non au tourisme. Dans l'une des cours, huit musiciens sont perchés en haut d'une tour. Mais leur musique n'est pas de la musique. Ils ont chacun un tambour et une longue trompe. Ils passent tour à tour de l'un à l'autre pour émettre des sons répétitifs, primitifs et lents. Une sorte de lamentation lancinante.

Chaque cour est richement décorée. Les minarets sont recouverts d'or pour la plupart. Certains portiques aussi. Partout des céramiques d'une grande beauté. Tant de richesse sur un espace si grand... Tu es heureux d'être là. Tu regrettes juste de ne pouvoir prendre des photos pour tes amis, mais tu comprends l'interdiction.

Ton guide est aussi agréable. Il est bénévole pour les week-ends dans le but de pratiquer l'Anglais. Il a autant de questions, sinon plus, que toi. Après la visite, vous vous rendez dans des somptueux bureaux. Sa future épouse le rejoint et vous discutez d'Europe, d'émigration

Quand vous quittez les lieux, la prière est terminée. Une foule compacte essaye de quitter les lieux en même temps que vous. Dehors, des milliers de commerçants vendent des souvenirs, des photos et à manger. Tu rentres à l'hôtel pour dîner et te coucher tôt.

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Téhéran

Mardi 20 Juillet 2010

 

Ton séjour à Téhéran est reposant. Tu vis au rythme de la mère de Behnaz et Pirouz qui t'héberge. Tu prends aussi le temps d'écrire à tes amis, de préparer la suite du voyage.

 

Tu es retourné dans le quartier des réparateurs de motos, au Sud de la ville, pour ton souci de fourche. Le réparateur t'a expliqué que les joints étaient en bon état, mais que le tube était rayé, abimé. Probablement le manque d'entretien, puis l'oxydation par le sel des routes hivernales. Il a donc repoli le tube autant qu'il a pu. Tu risques encore de légères fuites, mais rien de grave. Tu es rassuré.

 

Omid t'a accompagné à l'aller, pour que tu ne te perdes pas dans Téhéran. Omid est le gardien d'un chantier pour la construction d'une nouvelle ligne de métro, situé à coté de la maison où tu loges. Chaque jour, la mère de Behnaz apporte un seau de glaçons à Omid et à ses camarades de chantier. Il fait chaud, et ce seau de glace est le bienvenu. Elle connait tout le monde dans le quartier. Elle essaye de rendre service autant qu'elle le peut, et ses voisins essayent aussi de l'aider.

 

Depuis ton arrivée en Iran, tout le monde s'inquiète pour toi. Que tu te perdes, que l'on te vole quelque chose, que tu ne payes pas le juste prix,... Tout le monde te dit « Attention, en Iran, il y a beaucoup de gens 'pas bien'! ». Mais jusque là, toutes les personnes à qui tu t'es adressé se sont pliées en quatre pour t'aider. Il doit bien y avoir un peu de délinquance, mais on se sent bien plus en sécurité qu'à Grenoble.

 

Tu vas aussi, accompagné par ton hôtesse, chez le dentiste. Tu as une petite infection récurrente, et tu préfères traiter le problème ici. Tu crains qu'il ne resurgisse en Mongolie, loin de tout dentiste.

 

Le cabinet du dentiste se trouve à deux kilomètres. Vous vous y rendez à pieds. Le quartier, comme l'ensemble du Nord de Téhéran est riche. De nombreux immeubles de luxe, genre XVI ème arrondissement. Le rez de chaussée est souvent réservé au garage. Un jardin, bien arrosé, occupe le devant de l'immeuble. Parfois, des hôtels particuliers. L'enceinte est toujours fermée, et le portail d'accès est généralement une œuvre d'art.

 

Les Iraniens attachent beaucoup d'importance aux portails. Les portes des anciennes mosquées, des anciens palais sont toujours d'une grande beauté. Aujourd'hui, les portails modernes restent des objets très travaillés, parfois surchargés de décoration. Il n'y en a jamais deux identiques. Combien d'ateliers de ferronnerie à Téhéran?

 

En revanche, les trottoirs sont souvent négligés. Dans des rues où certaines maisons coûtent des millions de dollars, les trottoirs sont souvent inachevés et servent de dépôt pour les matériaux de construction. Sans parler des bacs poubelles qui ont tous perdu leurs couvercles et qui font le plaisir des chats, pas celui des passants.

 

Nombreux sont les Iraniens très riches : avocats, hommes d'affaires, commerçants, industriels,... Nombreux sont aussi les Iraniens très pauvres. A Téhéran, les riches sont au Nord, au frais sur les hauteurs de la ville, près des montagnes d'où coulent les rivières. Les pauvres sont au Sud, près du désert, de la chaleur, de la sécheresse.

 

La politique de redistribution du régime actuel est certainement une bonne chose. Peut-être la manière dont la redistribution est effectuée – souvent par les organisations religieuses – est elle plus discutable? Tu n'en sais rien, mais elle est très discutée.

 

Les dentistes, père et fils, semblent particulièrement compétents. Leurs affaires semblent florissantes. L'aménagement de leur cabinet est impressionnant. L'équipement est moderne, la décoration très recherchée. La clientèle semble aussi très riche. Lundi, vous discutez dans la salle d'attente avec une psychologue. Très chic. Elle possède plusieurs cabinets ou cliniques à Vancouver, Dubaï et Téhéran. Elle s'est spécialisée dans la désintoxication des drogués. La drogue fait des ravages chez la jeunesse huppée de Téhéran, et c'est là que se trouve son principal marché. Dans un premier temps, cette psychologue t'avait pris pour le mari de la mère de tes amis, plus âgée que ta propre mère. Cela a bien fait rire tout le monde. Elle pensait que la mère de tes amis était encore plus riche qu'elle même, et qu'elle s'était acheté un mari original. Dallas.

 

Tu trouves l'Iran bien plus proche des États-Unis que de l'Europe. L'Anglais a d'ailleurs été choisi comme seconde langue. Les noms des rues, les descriptifs des produits sont en Persan, puis en Anglais. Pourtant, rares sont les anglophones et ni les Turcophones, ni les nombreux réfugiés afghans ne parlent l'Anglais.

 

Téhéran ressemble à une grande ville Américaine. Ses tours, ses voies rapides, … Seuls ses embouteillages anarchiques, et les foulards obligatoires des femmes vous ramènent en Orient.

 

Si les Etats-Unis boycottent toujours ce pays de l'axe du mal, l'Iran est le seul pays au monde où l'on trouve les mêmes bouteilles de Coca-Cola que partout ailleurs, mais avec une mention ajoutée : « Original ». Peut être un clin d'œil pour préciser qu'il s'agit d'une copie d'excellente qualité, plus originale que l'originale.

 

Les tensions avec les Etats-Unis ou Israël semblent bien loin du quotidien des habitants de Téhéran. Le coût des voitures, des motos, ou de la vie en général est de loin la préoccupation première. Même le souvenir de la guerre contre l'Irak semble s'effacer. Les peintures murales sont désormais des fresques fleuries, où coulent des rivières enchanteresses. Les fresques « anti-américaines » sont défraichies. Elles sont d'une autre époque.

 

Le soir, Bérouz, le frère de Behnaz rapporte un quotidien : la première page titre sur « La France en flammes! ». Tu crois tout d'abord à des incendies de forêts, mais non : le journal décrit les émeutes qui se déroulent dans ta bonne ville de Grenoble. Étonnant de voir que la petite ville de province que tu as quitté il y a un mois puisse faire la une des journaux de Téhéran la gigantesque.

 

Il y a-t-il un lien entre ces émeutes? A Grenoble les jeunes des quartiers déshérités brûlent 85 voitures et tirent sur la police. A Téhéran, ce sont les étudiants, les jeunes des classes aisées qui manifestent pacifiquement. Dans les deux cas, la jeunesse est seule capable de prendre des risques. Dans les deux cas, un malaise. Un petit goût de revanche pour les iraniens qui s'opposaient aux manifestations post- électorales.

 

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Mercredi 21 Juillet 2010

Les montagnes sont juste au dessus de Téhéran. Elles montent jusqu'à 5700 mètres. Mais on les devine seulement. La poussière du désert se mêle aux gaz d'échappement pour recouvrir la ville d'un nuage brunâtre. La pollution est redoutable mais elle n'intéresse pas grand monde. Les habitants de Téhéran oublient ce qu'ils respirent.

 

A 8 cents d'euro par litre, le prix de l'essence est le premier responsable. Personne ne songe à limiter sa consommation. Mais ce n'est pas un gouvernement populiste qui peut agir sur ce prix. Donc la principale mesure en cours semble être l'extension des lignes de métro.

 

Tu repartiras demain matin, direction Mashhad, la grande ville sainte de l'Est du pays. Voici déjà un mois que tu es parti. Pour l'instant, ce voyage est plutôt tranquille. Plus tranquille que tu ne l'avais imaginé. Peut-être l'Asie Centrale, dans trois jours, va-t-elle un peu pimenter ton parcours.

 

 

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Arrivée sur Téhéran PDF Print E-mail
Written by toi   
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Jeudi 15 Juillet 2010

 

Comme dab, tu démarres à 5 heures. Tu sais désormais que c'est la seule façon possible de voyager. Pour la première fois, la route te semble triste. Depuis la veille, le vent s'est levé et le ciel porte une épaisse couche de poussière. La nuit se prolonge par une semi-obscurité. Seul moment d'une grande beauté : le soleil levant apparaît subitement comme une boule blanche, créant derrière les collines des ombres chinoises qui se répètent un peu partout. Mais ce moment est éphémère ; après quelques minutes, le soleil a pris suffisamment de hauteur pour redevenir celui que l'on ne regarde pas.

Sur l'autoroute, tu t'arrêtes pour faire le plein. Comme tu n'as pas de carte, tu dois attendre que le pompiste apporte celle de la station. Une carte personnelle permet aux iraniens de payer l'essence au prix de 8 cents d'euros au lieu de 30 cents. A la pompe voisine, un paysan termine son plein. Il te propose de remplir ton réservoir. Tu refuses : tu veux payer ton plein. Le paysan se gare un peu plus loin, et revient avec un gros melon qu'il te met dans les mains. Puis s'en va, s'en rien dire. Il souhaite juste te faire un cadeau, te dire « Bienvenu dans mon pays! ». Tu as l'air malin avec ton melon, et il faut lui trouver sa place dans tes bagages.


Tu arrives peu après neuf heures sur Téhéran. Une très grande ville. Tu veux te rendre chez la mère de Behnaz et Pirouz, tes amis de Grenoble. Tu as déjà séjourné chez elle il y a cinq ans de cela, mais tu circulais alors en taxi, accompagné par Vincent, le mari de Behnaz, qui parle persan. Se déplacer était plus facile.


La circulation en Iran est exotique. Les véhicules ne suivent pas des lignes droites, mais chacun slalome à la recherche d'un passage. Aux carrefours, les voitures ralentissent, trouvent une trajectoire entre piétons et voitures, et les choses fonctionnent en général. Mais tu vois chaque jour des accidents. Souvent de la tôle froissée, mais pas seulement.


Tu n'as pas le choix : tu conduis à la méthode locale. Essayer de conduire à l'Européenne n'a pas de sens ici, et serait dangereux. A chaque instant, il faut être vigilant et sentir les véhicules tout autour de soi. Ne pas chercher à garder trop de distance car de suite, quelqu'un s'intercale dans l'espace que tu maintiens, et tu te retrouves encore plus à l'étroit.


Heureusement, les autres véhicules savent que tu es un conducteur à part. Toeuf toeuf est plus grosse que les 200 cm3 locales, les seules autorisées à la vente, et son chargement fait d'elle un convoi exceptionnel. Personne ne cherche à te frôler et, au contraire, tu te sens observé, plutôt en sécurité.


Tu t'arrêtes sur le bas coté pour demander ton chemin. Les passants essayent toujours de t'aider. Tu entends un gros choc. Un nouvel accident sur l'une des voies centrales, à ta hauteur. Probablement le conducteur regardait-il toeuf-toeuf et s'est-il fait surprendre par un ralentissement. Pas de blessé, mais les deux véhicules semblent bien abimés. Tu repars tête basse.


Tu cherches à te rendre au Nord-Est de Téhéran, dans le quartier de Pasdaran. Arrivé par le Sud, tu as longtemps roulé vers l'Est, puis une dizaine de minutes plein Nord. Tu t'arrêtes prendre un thé dans une gargotte. Tu demandes ton chemin. « 6 km au Nord ». Tu repars donc pour 6 km et redemandes « Pasdaran » : toujours au Nord, mais ton interlocuteur comprend l'anglais et évalue cette fois la distance restante à 20 km. Téhéran est vraiment étendue.


Tu passes dans une avenue où se succèdent les magasins de motos. Tu as toujours ton souci de fourche en tête, et tu décides de t'arrêter pour acheter un litre d'huile. Éventuellement, mais tu n'y crois pas, trouver les pièces détachées. Mais après trois ou quatre demandes dans des magasins, on t'explique que tu es dans la rue des vendeurs de motos iraniennes. Pas de fournisseurs de pièces détachées, ni de réparateur, ni de vendeur d'huile ici. On t'indique sur ton plan une autre rue, à 4-5 kilomètres à vol d'oiseau. Tu ne sais pas comment tu fais, mais tu trouves ce quartier... Après quelques demandes, un jeune homme te demande de le suivre. Cinq cents mètres plus loin, vous posez les motos, montez dans un immeuble. L'immeuble est comme un bazar. A chaque étage, les couloirs donnent sur des portes ouvertes qui mènent à autant de vendeurs de pièces détachées pour motos. Vous passez l'une des portes, et un peu partout, des pièces Yamaha, mais aussi d'autres marques japonaises. L'un des vendeurs descend avec un pied à coulisse pour mesurer le diamètre du tube intérieur de la fourche. Il cherche un joint équivalent, mais tu sais que cette côte n'est pas suffisante. Il faut aussi connaître le diamètre extérieur et la hauteur du joint. Par internet, il a accès aux nomenclatures des motos Yamaha, mais toeuf-toeuf n'est pas répertoriée. Le moteur est bien un mono-cylindre Yamaha, mais l'assemblage de la moto est l'œuvre de Yamaha-Italie. Et la diffusion s'est principalement faite par le réseau européen de Yamaha. La fourche, comme la majorité des composants de la partie cycle, est européenne. Cela complique les choses.


Le vendeur parvient à trouver un joint dont le diamètre intérieur correspond. Tu cherchais de l'huile, et eux semblent persuadés qu'il faut remplacer le joint spi. Tu ne sais plus quoi penser, mais tu ne peux pas déposer ton chargement et démonter la fourche en pleine rue. Tu reviendras en taxi avec le tube dans la main. Le lendemain, Vendredi, est férié, donc ce sera Samedi. Tu repars, direction « Pasdaran ».


Téhéran c'est un peu Los Angeles, en plus compliqué. Les distances se comptent en dizaines de kilomètres et la ville est parcourue par des « Express Ways » de deux fois 4-5 voies. Mais les Express ways ne forment pas un quadrillage. A cause du relief, elles vont un peu en tous sens, comme des spaghettis. Elles se croisent par des échangeurs géants, parfois perchés au dessus de la ville. Se fixer une direction n'est pas simple. Il faut connaître les noms, savoir quelle succession d'Express Ways prendre pour arriver à destination.


Il te faudra une heure et demi pour atteindre le quartier Pasdaran. Là, un homme en petite moto à qui tu montres l'adresse écrite en persan te propose de le suivre. Ta destination est de l'autre coté d'une Express Way, et rares sont les ponts qui passent d'un coté à l'autre. Le seul dans la zone est en sens interdit, sur deux voies, deux files continues de voitures. Vous le prenez donc, en contre-sens. Tu n'es pas fier.


Tu crois rapidement reconnaître l'impasse. Tu remercies ton guide. Mais tu n'oses pas sonner à la maison qui correspond à ton souvenir, car le numéro est différent de celui que Behnaz t'a indiqué. Tu demandes à la seule personne présente dans la rue. Vous cherchez le bon numéro. Vous comprenez au bout d'un moment que la numérotation a été refaite, vous sonnez et la mère de Behnaz ouvre. Il est 14h, tu es arrivé vers 9h à Téhéran. Cinq heures d'embouteillages, de pollution, de poussière, sous un soleil de plomb.


L'homme te dit qu'il ne faut pas laisser la moto dehors. Vous la rentrez, difficilement car tu ne peux pas attaquer les marches de face. A chaque fois, les gens t'aident autant qu'ils le peuvent. Puis s'effacent. Tu ne comptes plus les gens qui te rendent service, aujourd'hui, chaque jour.


La mère de Behnaz t'attendait et commençait à s'inquiéter. Vous êtes heureux de vous retrouver.

 

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Hamedan et l'improbable rencontre PDF Print E-mail
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Mardi 13 Juillet 2010

 

Partir à 5h est idéal. La lumière est suffisante, et la fraicheur se maintient jusqu'à 9h. Tu pourrais même sans grande gêne rouler jusqu'à 10 ou 11 heures.

Cinquante kilomètres après Zanjan, Soltanieh, un petit bourg perdu au milieu de nulle-part. Soltanieh abrite une merveilleuse mosquée connue pour son dôme construit lors de l'occupation Mongole. L'un des plus grands qui soient, aussi grand que celui de la grande Mosquée bleue d'Istanbul. On ne voit que lui à des kilomètres lorsque l'on arrive par la route.


Tu t'arrêtes prendre quelques photos de l'extérieur du dôme. Il est 6 heures, et le gardien, à moitié endormi, te laisse entrer dans le parc, mais la mosquée elle-même est malheureusement fermée. Trop tôt. Des campeurs iraniens sont aussi installés devant le bureau du gardien. Dormir à l'hôtel coûte cher, et la tolérance pour le camping sauvage est grande : dans les jardins publics, aux abords des villes. Ici, sur la pelouse de l'entrée du site.


Rouler avec le soleil rasant rend aussi le paysage merveilleux. Les ondulations des collines jouent avec les ombres. Les blés, les herbes, toute la végétation brillent de recevoir le soleil rasant. Mais tu t'arrêtes peu pour les photos. Il faut avancer...le temps de fraîcheur est compté.


Tu as en tête de passer l'après midi et la nuit à Hamadan, puis de repartir le lendemain à la même heure sur Ispahan.


Arrivé à Hamedan, tu recherches un hôtel pour y déposer tes affaires et laisser Toeuf toeuf se reposer. Le joint spi de la fourche fuit davantage, et cela t'inquiète un peu. La tôle ondulée des pistes de Mongolie te ferait perdre beaucoup plus d'huile. Il faudrait au moins trouver un bidon d'huile « suspension » à Téhéran.


Hamedan est une ville moyenne, d'un million d'habitants. On t'envoie un peu dans toutes les directions, mais toujours pas d'hôtel en vue. Dans une petite rue, deux hommes t'arrêtent : « Eh Toi! ». Ils semblent parler Anglais et pourraient peut être t'aider. Je répète pour la dixième fois : « Hôtel ». L'un d'eux retire ses lunettes de soleil, et te parle de Turquie, de parapentes... C'est Saied que tu avais rencontré dix jours plus tôt, dans l'hôtel des parapentistes. Une aiguille dans une botte de foin.


Il est avec Sajad, un ami qui parle très bien Anglais. Ils te proposent de te loger, de te montrer la ville. Le hasard est tel que tu acceptes de suite. Finalement, Saied est très occupé et tu passes davantage de temps avec Sajad et son frère Amir.


L'après midi, tu te promènes en ville. Tu visites successivement une église avec Sajad, puis, seul, une synagogue et une mosquée. Le gardien de la synagogue parle Français. Il gère sa visite comme si vous étiez deux groupes : une dizaine d'Iraniens d'un coté à qui il fournit ses explications en persan, puis toi qui a droit aux mêmes discours, mais en Français.


Les juifs étaient nombreux à Hamedan. L'Iran accueille toujours la plus forte communauté juive du Moyen Orient hors Israël. Mais cette communauté est désormais concentrée sur Téhéran. A Hamedan, la plupart des juifs ont émigrés vers Israël et aujourd'hui ne subsiste qu'une quinzaine de familles dans la ville, soit une petite cinquantaine d'individus. Quant aux Arméniens, ils sont pratiquement tous partis.


Hamedan est surtout connue pour être la ville d'Abu Ali, connu en Europe sous le nom d'Avicenne. Avicenne est le créateur de la médecine moderne. Un bienfaiteur de l'humanité. A Hamedan, la principale avenue, la principale place, l'Université, tout porte son nom. Tu visites aussi son mausolée.


Le soir, tu retrouves Sajad et croisez un couple de ses amis. Vous passez un moment avec eux. Surprise! Ce couple vit en concubinage, dans le même appartement, ce que tu croyais impossible ici. L'un et l'autre travaillent. Tu les observes. Avec son foulard rouge, sa robe légère et ample, elle ressemble à une Marianne de 1789. Ceux là ont vraiment l'air de s'aimer. Sajad t'expliquera que ce couple prend des gros risques. Peut être les risques les unissent-ils davantage. Tu penses à Roméo et Juliette.


Plus tard, vous retrouvez pour diner Saeid et trois amies de Sajad, étudiantes à l'université de Hamedan. Elles vivent en colocation. L'une d'elle étudie le Français. Elles sont bien effrontées. Elles s'amusent à capter ton regard le plus longtemps possible. « You beautiful! ». Elles ont l'âge de tes enfants. Tu leur expliques que tu es déjà un vieil homme, mais rien n'y fait. Tu les laisses s'amuser.


Les Iraniens sont toujours surpris par ton âge. Ils te donneraient dix ans de moins. Tout d'abord, tu mettais cela sur le compte de la flatterie, mais tu comprends finalement qu'ils sont sincères. Peut-être tes derniers cheveux blonds les trompent-ils. Peut-être les hommes iraniens vieillissent-ils plus vite : les plus riches s'empâtent, faute d'activité physique, et les plus pauvres sont abimés par trop d'activité physique.


Le lendemain, vous allez avec Sajad visiter des grottes d'Ali Sadr, à une cinquantaine de kilomètres de la ville. Ces grottes sont inondées : un lac sous-terrain géant, qui s'étend sur des kilomètres. En surface, le sol est lisse, sec, et seules des collines peu élevées trompent un peu la monotonie du paysage. En dessous, des galeries larges, des salles immenses, un réseau de canaux naturels qui n'a pas été complètement exploré. Un monde incroyable que l'on ne peut imaginer à la surface. Une autre entrée dans ce réseau est à 50 km de là, plus au nord. Le chemin pour passer de l'un à l'autre n'a pas été découvert, mais le niveau d'eau reste identique. Il s'agit du même réseau.


Les Iraniens adorent l'eau. Cet endroit est un site merveilleux qui reçoit un grand nombre de touristes venus de tout le pays. Des milliers de visiteurs chaque jour. La visite dure près de trois heures. A deux reprises, il faut prendre des petits bateaux tirés par des guides en pédalo. Tout est bien organisé. Les visiteurs sont heureux.


Vous rentrez sur Hamedan, passez rapidement chez les parents de Sajad. Tous deux anciens instituteurs, sages et chaleureux.


Tu pars le lendemain sur Téhéran. Les jours dans l'Ouest ont filé plus vite que prévu, et tu voudrais essayer de régler ton souci de fuite d'huile sur la fourche. Tu as aussi un rendez vous à Téhéran chez un dentiste. Donc tu n'iras pas à Ispahan la magnifique. Tu le regrettes. Mais tu ne peux pas tout voir, et tu es heureux des rencontres faites à Hamedan.


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