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Iran
Arrivée en Iran PDF  ICON_SEP Print ICON_SEP  E-mail

Vendredi 9 Juillet

L'entrée en Iran se passe sans encombre. Personne ne viendra regarder ni la moto, ni son chargement. Tu as abandonné ton cognac pour rien! Tout se passe d'un bureau à l'autre. Il fait trop chaud pour sortir, et les chaises semblent confortables. Comme à Paris pour le Visa, on te prend tes empreintes digitales. Mais cette fois, c'est au tampon encreur. Tu as le bout des dix doigts tout bleu. Au dernier poste, tu vois un petit bâtiment des Assurances d'Iran. Tu prends ton assurance frontière pour 40 euros. Pour un mois. Tu liras le soir même dans le Lonely Planet que tu aurais payer deux fois moins cher dans un autre bureau de la même compagnie, 500 mètres plus loin. Mais, quand tu passes devant, tu le vois fermé pour le week-end.

 

Au poste frontière, tu te renseignes pour l'essence. Comment récupérer une carte? Les parapentistes iraniens t'ont indiqué qu'il fallait une carte pour acheter de l'essence. Il faut que tu ailles au Road Office, un kilomètre plus bas. Tu prends la route, à la recherche de ce Road Office. Tu sais qu'il ne sera pas annoncé en Anglais. Après un kilomètre tu te renseignes auprès des passants. L'un comprend vaguement l'Anglais. C'est plus loin et tu continues. Tu redemandes. Personne ne sait de quoi tu parles. Mais une station essence est juste là. Le pompiste ne sait pas ce qu'est le Road Office. Avec l'aide d'un client, il t'explique que tu n'as pas besoin d'une carte pour une « motocycletta ». Il peut te faire le plein de suite. Tu n'en avait pas vraiment besoin, mais pourquoi pas... Il remplit ton réservoir, au prix de 30 cents d'euros le litre. C'est quatre fois ce que payent les iraniens, mais c'est cinq fois moins cher que ce que tu payais en Turquie. Seul doute : tu ne sais pas si il t'a vendu du sans-plomb. Mais « unleaded », personne ne comprend ici.

 

Il fait chaud, et, avec un nouveau décalage horaire, il est déjà 14h, heure locale, 12h30 heure turque. A Maku, tu pars à la recherche d'un restaurant. Tu feras 10 km avant d'en trouver un. Il semble que les restaurants soient bien rares, ou alors bien cachés. A Tabriz, tu auras le même souci. Des dizaines de vendeurs d'épices, autant pour vendre des jus de fruits, des vis, des téléphones mobiles, des téléviseurs, des lunettes de soleil, mais point de restaurant. En fait, les restaurants sont dans le quartier des restaurants.

 

La route jusqu'à Tabriz est excellente. Il n'y a que 250 km, mais tu souffres beaucoup de la chaleur. Tu t'arrêtes tous les 50 km, épuisé, desséché. La température doit être seulement autour de 42 degrés, mais tu as vraiment du mal. Cela remet en question ta descente jusqu'à Ispahan. Le paysage est super, mais tu ne t'arrêtes pas pour les photos. Tant pis pour tes amis lecteurs. Seule la chaleur te préoccupe. Tu arrives en fin d'après midi à Tabriz. Tu vois un magasin de moto. Tu y rentres. On te fait assoir, on t'offre le thé. Tu racontes ton voyage. Vous parlez motos. Un jeune, Reza, te guidera jusqu'à un hôtel. Reza est heureux de t'aider, et tu sais que tu en as bien besoin.

 

Mais tous les hôtels de la ville sont pleins. Cela ne te surprend pas, car nous sommes en Juillet, en plein milieu du week-end. Tu ignores alors qu'il s'agit d'un week-end de trois jours. Un réceptionniste vous propose d'essayer les « Motels ». Tu repenses à Bagdad Café. Pourquoi pas? Tu crains de devoir sortir du centre ville, mais on ne fait que 100 mètres. On monte un escalier. Un « motel » n'est ici qu'un hôtel de basse catégorie, avec douche et toilettes sur le palier. On trouve une chambre. 8 euros. Elle est très propre. Reza, avant de te quitter te prend en photo. Il est digne, mais ton voyage l'impressionne. Il te faut une bonne heure pour décharger, puis mettre la moto dans un parking gardé, et retrouver ton chemin jusqu'à l'hôtel. Avant de rentrer, tu rachètes une bouteille d'eau. Le vendeur, Soleyman, parle Français, avec un bel accent du Sud Ouest. Il a vécu plusieurs années à Toulouse. Il est très chaleureux, mais tu ne t'attardes pas : tu as besoin de t'allonger. Malheureusement, son magasin sera fermé le lendemain, et tu as perdu une bonne occasion de poser toutes les questions que tu souhaitais poser.

 

Tu prends une douche, bois un nouveau litre d'eau et t'allonges enfin. Jusqu'au matin. A 21h, l'appel à la prière du muezzin. Tu n'en as jamais entendu de pareil. Une complainte chantée, vraiment très belle. Il faudrait que tu penses à l'enregistrer, pour la mettre sur le site.

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Tabriz PDF  ICON_SEP Print ICON_SEP  E-mail

Vendredi 9 Juillet 2010

Tabriz n'est pas une belle ville. C'est vrai que tu as Ispahan en tête, et qu'il est difficile de supporter la comparaison. Il y a certainement des belles choses à voir dans les alentours, mais pas à Tabriz. Et tu n'as pas le courage d'affronter le soleil pour t'y rendre.

 

Les gens que tu rencontres te dises parler Turc, et ne pas bien comprendre le Perse. Certains se disent Turcs. Tu ne sais pas trop ce qu'ils entendent par là. Possèdent-ils la nationalité turque, ou sont ils juste Turcs ethniquement?

 

Le Vendredi, tu te balades, te perds souvent. Rares sont les gens qui connaissent un mot d'Anglais. Mis à part : « Where are you from? ». Mais tu gardes précieusement la carte de l'hôtel et tu la montres à un passant quand tu crains d'être trop éloigné. Certains de disent Yes. D'autres te disent No. Enfin, certains te parlent 5 minutes avant de lever le bras pour te montrer une direction.

 

Tu vois une mosquée. Tu t'en approches. Les portes sont fermées. Un homme discute à travers le portail avec un autre, à l'intérieur. Tu leur demandes si tu peux rentrer pour visiter. L'homme de l'intérieur parle un peu Anglais. Il t'ouvre le portail. Il t'explique que tu es dans un institut de théologie. Tu fais le tour seul, mais les accès à la mosquée sont fermés. Tu traverses des cours, des jardins. L'endroit est bien agréable. L'homme te rejoint quand tu souhaites ressortir, et te propose de prendre le thé. Vous rentrez dans la partie réservée à l'enseignement, après avoir retiré vos chaussures. Vous allez dans une petite salle où se trouvent des tapis, un samovar et une télévision. Vous êtes rejoints par deux autres étudiants en religion. Ils ont 21, 28 et 35 ans. Celui qui a 35 ans fait plus vieux que toi. Celui qui parle un peu Anglais a 28 ans. Il est fin, toujours souriant, le regard illuminé. Ils souhaitent tous discuter, te poser des questions.

 

Leur sujet de prédilection est bien-sûr la religion, que tu connais encore moins que le théâtre dramaturgique. Quelle est ta religion? Es tu musulman? Tu te souviens qu'expliquer l'athéisme est difficile. Que dans les pays musulmans, on n'imagine pas ce concept. Une religion est comme une nationalité, et l'apatride n'existe pas. Tu te souviens aussi que tu as été baptisé pour faire plaisir à la grand-mère. Tu ne veux pas les choquer et te déclares donc, pour la première fois de ta vie, catholique.

 

Ils veulent tout savoir sur les livres saints catholiques. Ta seule culture chrétienne provient du film « Jésus de Montréal ». Tu essayes d'éluder les questions, mais le sujet les intéresse trop. Ils attendent chaque réponse avec un grand intérêt. Toi, tu sors des généralités. A chaque question, à chaque réponse, celui qui parle un peu Anglais traduit pour les deux autres. Ils ont l'air passionnés, mais le sujet te fatigue.

 

On change de sujet. As-tu un leader ? Eux avaient l'iman Khomeyni, ils ont maintenant l'ayatollah Khameyni. Leurs guides, leurs leaders. Tu réalises combien ces leaders sont importants pour eux. Combien ces hommes sont puissants. Combien le pape est, en comparaison, un acteur de second rôle. Non, tu n'as aucun leader. Tu ne leur dis pas, mais tu te sens heureux de ne pas en avoir.

 

Zidane est-il musulman? Ils l'adorent, mais il ne sont pas certains qu'il soit musulman. Tu n'en sais rien, sauf que ses parents étaient de bons musulmans pour l'avoir appelé Zinedine. Tu expliques qu'en France, les religions sont multiples et font partie de la sphère privée. Ils sont déçus de ne pas avoir une réponse ferme. Aimes-tu Zidane? Tu l'aimais bien jusqu'à ce qu'il perde la tête. Ils sont encore déçus.

 

Le thé est bon, mais tu t'échappes. Tu sens qu'ils auraient passé la journée à te poser des questions. Tu erres un peu dans le bazar qui se vide, te perds de nouvelles fois, puis rentres, faire une longue sieste.

 

Finalement tu ne resteras pas deux nuits, mais trois à Tabriz. Tu souhaites donner encore un peu de repos à ton corps, à tes intestins. Tu veux aussi discuter avec Soleyman, le Toulousain, et visiter la Mosquée Kabud, seule attraction touristique de la ville. Et puis, tu n'as toujours pas décidé la suite de ton parcours. Tu renonces à Ispahan, trop chaud, trop loin, mais tu hésites entre aller chercher la fraîcheur sur la côte de la mer Caspienne ou descendre au moins jusqu'à Hamadan avant de rejoindre Téhéran. Tu dois encore étudier le Lonely Planet.

 

Tu sais désormais qu'il te faut t'organiser pour rouler le plus tôt possible. Ou de nuit?

 

Dans Tabriz, la majorité des femmes portent un voile noir, couvrant l'intégralité du corps, sauf le visage. Tu ne te souvenais pas que ce type de voile soit si fréquent en Iran. Peut être est-ce typique de Tabriz.

 

Sur le palier de l'hôtel, un seul lavabo, à coté de la porte de ta chambre. Hommes et femmes se succèdent. Les femmes viennent y faire leur toilette en conservant le voile. La loi oblige de couvrir le corps et la chevelure dans les lieux publics. Tu te souvenais qu'à Shiraz, la majorité des femmes s'habillaient à l'européenne, et seul un foulard fantaisie, pas toujours bien positionné, était ajouté sur les cheveux pour raison légale. Ici, les bonnes mœurs semblent beaucoup plus exigeantes.

 

Samedi 10 Juillet

Tu te lèves tôt, pour prendre le rythme. Tu lis quelques pages de l' « Usage du Monde ». Nicolas Bouvier, après le poste frontière de Maku, avait séjourné six mois à Tabriz. Tu apprends que Tabriz faisait alors partie de l'Azerbaïdjan, dont la frontière est aujourd'hui à 80km. La ville est iranienne, mais elle a souvent changé de tutelle. Elle est proche de l'Arménie, de la Turquie, et de l'Azerbaïdjan. La langue qu'on y parle, un dérivé du Turc, est utilisée jusqu'en Asie Centrale.

 

Tu te rends à la mosquée Kabud. Tu commences enfin à moins te perdre. La mosquée fut une merveille, mais les multiples tremblements de terre, et les multiples guerres l'on trop souvent détruite. La ville fut d'ailleurs bombardée puis occupée par les irakiens lors de la guerre Iran-Irak (les années 1980). Sur les murs de la mosquées, intérieurs et extérieurs, il reste les vestiges de belles céramiques bleues qui couvraient jadis intégralement la mosquée.

 

Tu passes ensuite au musée de Tabriz. Une seule salle, pas bien grande, et au sous sol, l'exposition d'un sculpteur contemporain. Le sculpteur a vécu en France où il sculptait les marionnettes des Guignols de l'Info pour Canal plus. C'est indiqué en Français... Mais l'exposition correspond à une période bien plus tourmentée : la guerre principalement.

 

En ville, le traumatisme de la guerre semble s'effacer petit à petit. Tu ne verras qu'une seule peinture murale sur ce sujet. La guerre Iran-Irak fut terrible, une guerre de tranchées comme 14-18. Coté Iranien, des millions de morts et l'Ouest du pays ravagé par les bombardements. A cette époque, Sadam Hussein avait avec lui toute la « Communauté Internationale ».

 

A nouveau, tu rentres dans le bazar. Le bazar a conservé son architecture, mais, mis à part les marchands d'épices, les produits sont aussi modernes et aussi variés que chez les commerçants de la rue. Dans le bazar, les allées forment un véritable labyrinthe. Parfois, des cours intérieures. Parfois, des salles voutées géantes. Tu te perds.

 

Dans le centre de Tabriz, une personne sur deux, voire davantage, est un commerçant. Il y a ceux du bazar, ceux qui ont un magasin sur rue, et puis ceux qui vendent sur le trottoir. Là encore, une grande diversité. Les plus déshérités, des personnes âgées, n'ont à vendre que deux ou trois boîtes de Kleenex. Ils ont souvent le regard ailleurs. Attendent-ils des clients, ou un geste charitable?

 

Tu rejoins l'hôtel en passant saluer Soleyman. Il répond à tes questions matérielles, sur le prix de l'essence, sur les taux de changes. Il t'explique que ce Samedi les banques sont fermées car nous sommes un jour férié.

 

Soleyman vivait à Toulouse où il avait suivi des études de ressources humaines. Il a dû rentrer à Tabriz lors du décès de son père, pour reprendre les affaires de ce dernier : une fromagerie et cette épicerie. Depuis, il revient régulièrement en France. A Tabriz, il vit en famille et, pour ne pas s'ennuyer, joue au tennis, fréquente un cercle d'amis.

 

Il t'explique aussi que les 40°C sont bien au dessus des températures habituelles. Qu'il fait très chaud au Sud, mais que Tabriz est connue pour sa douceur. Voire pour ses températures très négatives l'hiver. Que tu n'as pas de chance de trouver une telle température ici.

 

Tu commences à moins souffrir de la chaleur. Déjà parce que tu t'y adaptes. Tu es sorti tôt. Tu fais la sieste aux heures les plus chaudes, et tu ne ressortiras qu'en fin d'après midi. Peut-être aussi fait-il un peu moins chaud que Jeudi. Tu apprends aussi à longer les murs, toujours à l'ombre.

 

Soleyman t'a écrit sur un papier « Je pars demain à 5h, à quelle heure ouvrez vous ? ». Tu utilises ce papier à la fois pour l'hôtel et pour le parking. L'homme qui garde l'hôtel jour et nuit ne parle pas un mot d'Anglais. Le premier jour, vous avez eu bien des difficultés à remplir la fiche. Il restait une information « Pédar » que tu ne comprenais pas, malgré des gestes et mimiques variés. Il s'agissait au final du prénom du père. Tu avais oublié que cette caractéristique apparaissait sur toutes les formalités en Iran. Probablement pour éviter les homonymies, car le lieu de naissance est rarement utilisé.

 

Tu demandes à Soleyman où se trouve le quartier des cybercafés, pour pouvoir poster ces textes. En fait, pas très loin du centre, mais au sud, la seule direction que tu n'avais pas explorée. A Tabriz, on ne capte pratiquement jamais de signaux wifi. Tu écriras et publieras moins souvent lors de ton séjour en Iran.

 

Finalement, tu t'es décidé pour faire une petite étape de 300km demain matin. Départ le plus tôt possible... Tu atteindras Zanjan, et, là, tu décideras de la suite : montée sur la Caspienne, ou descente sur Hamedan.

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Zanjan, sa jeunesse. PDF  ICON_SEP Print ICON_SEP  E-mail

Dimanche 11 Juillet 2010

 

Tu voulais quitter Tabriz à 5h pour profiter de la fraîcheur, mais le temps de récupérer toeuf-toeuf, de la charger et de faire le plein, tu as pris une heure de retard.


Tu as peur de retrouver trop rapidement la chaleur. Mais, très vite, tu as froid quand tu traverses des zones humides. Tu as froid! Ce froid te rend d'abord euphorique. Tu le savoures dans tout ton corps. Au bout d'un quart d'heure, ton euphorie est refroidie et tu décides quand même de t'arrêter pour mettre ta veste coupe-vent. Suffisant pour que le froid soit ramené à une agréable fraîcheur.


Peu de monde sur l'autoroute. Aux péages, les motos sont théoriquement interdites. La tienne est hors catégorie car les motos en Iran sont limitées à 200 cm3. Mais on te laisse passer à chaque péage, un geste pour te dire d'y aller. Sans jamais te faire payer. Sans jamais te rappeler l'interdiction pourtant bien affichée sur des grands panneaux.


L'autoroute est vraiment facile. Tu roules plus vite que d'habitude. Les paysages sont magnifiques, mais tu es pressé par la crainte d'être rattrapé par le soleil. Tu as 300 km à faire. 3 heures. Une heure de froid, une heure de douceur, et une heure de chaleur tout à fait acceptable.


L'autoroute n'a pas été clôturée. Parfois, elle passe près de vieux villages. Sur le dernier tiers, tu décides de rentrer dans l'un ces villages, aux maisons en terre, dont la moitié semblent abandonnées. Tu n'oses pas avancer trop profondément. Un jeune homme sur une moto. Tu arrêtes ton moteur. Tout ce que tu sais dire est « Salam ». Pas de réponse. Le temps que tu poses ton casque, l'homme démarre et s'en va. Un chien maigre arrive, puis un deuxième. Ils aboient mais restent à distance, bien plus inquiets que toi. Un enfant sort, mais rentre aussitôt. La plupart des hommes doivent être déjà aux champs. Les femmes ne sortiront pas et tu dois inquiéter. Les chiens aboient toujours. Tu décides de repartir.


Tu arrives comme prévu à Zanjan peu après 9h. Tu fais un tour de la ville, à la recherche d'un hôtel. Tu en as bien vu un à l'entrée, mais le centre ville doit en proposer d'autres. Tu as le temps pour choisir. Tu tournes, sans rien trouver. Zanjan est une ville bien agréable, beaucoup de verdure. Mais elle semble limitée pour l'hébergement.


Tu décides de demander aux passants, mais aucun ne répond aux critères « Anglais très probable ». Tu essayes deux policiers. Ils se regardent, rigolent. Ils sont jeunes et bien gênés que tu les aies choisis. Ils semblent te dire « Pourquoi nous? ». Ils finissent par comprendre « hôtel ». Ils t'indiquent une direction. Tu redémarres, remontes ta béquille. Un bruit... le ressort de rappel de ta béquille est sur le trottoir. Fixation supérieure cassée, en deux morceaux. Tu grimaces. L'un des policiers va chercher une ficelle dans un magasin proche. L'autre est en quête d'un anglophone.


Tu rencontres « Ali », un commerçant retraité qui parle Anglais. Ali te guide chez un mécanicien moto. 10 minutes plus tard, la patte est ressoudée, tout est réglé. Magique! Tu ne pensais pas t'en sortir à si bon compte.


Ali se propose de te conduire à un hôtel, et t'offre de passer d'abord chez lui prendre le thé. Tu acceptes. Sa maison est belle et grande, mais en travaux. Il est accueillant et bienveillant. Il t'aurait bien hébergé si il n'y avait eu ces travaux. Ali appelle son frère qui peut te loger dans sa maison de campagne, à proximité de la ville. Ali est heureux de parler Anglais, mais surtout de te présenter à ses neveux, à ses petits enfants. Que tu leur parles de ton voyage. Tous apprennent l'Anglais et ont rarement l'occasion de le pratiquer. Ali souhaiterait qu'ils aillent poursuivre leurs études à l'étranger. Eux aussi le souhaiteraient..


La famille d'Ali est très soudée. Les cousins sont très proches. Ils sont heureux de découvrir ton voyage. Ils te parlent de l'Iran.


Ali ne s'appelle pas Ali. Tu as changé son nom car tu crains de lui créer des soucis, à lui ou à ses neveux. Ils sont, dans leurs paroles, opposés au régime actuel. Surtout les neveux. Mais cette opposition peut encore être dangereuse, un an après la répression des manifestations post-électorales. Tu ne donneras pas de nom ni ne publieras pas de photos de cette famille accueillante.


Tu passes la journée avec les cousins. Le matin, vous vous promenez dans les champs en contrebas de la maison. Tu es heureux de retrouver un peu la nature. A midi, le frère d'Ali a préparé un bon repas. Puis vous retournez en ville, faire un peu de tourisme.


Le musée n'a pas grand intérêt, si ce n'est le bâtiment. Le centre ville est aussi très commercial. Ici, quelques femmes portent encore le tchador, comme à Tabriz, mais beaucoup sont dans des tenues plus fantaisistes, maquillées avec soin. L'atmosphère semble beaucoup moins stricte. Seul le foulard imposé par la loi est omniprésent.


Tu aimes bien Zanjan. Tu t'y sens bien. Tu n'es plus gêné par la chaleur. En fin d'après midi, vous faites le tour du bazar. Plus petit que celui de Tabriz, mais plus agréable et plus joli. Tu prends beaucoup de photos. Dans une cour, tu aperçois une belle salle, avec de magnifiques mosaïques anciennes. Tu prends une photo de l'extérieur, mais les occupants vous autorisent à rentrer. Le plafond est impressionnant. Les cousins t'expliqueront que ce bureau est occupé par des bassijis. Une organisation proche du pouvoir qui joue un rôle d'assistance sociale, mais aussi de contrôle. Les bassijis sont les ennemis des jeunes de la mouvance verte, et réciproquement.


Vous rentrez dans un ancien caravansérail pour prendre un thé. Les salles sont belles. La table voisine n'est occupée que par des femmes : une suédoise qui semble malade, probablement surprise par la chaleur, une iranienne vivant en Suède et deux Iraniennes. Elles ont commandé une pipe à narguilé, mais les serveurs refusent de l'apporter car il n'y a aucun homme avec elles. Les deux Iraniennes ne sont pas timides. Elles viennent malicieusement nous trouver pour que l'on en commande une, pour elles. Le subterfuge fonctionne, mais le serveur est furieux. Après elles, après nous. L'un des cousin est convoqué à la caisse. Tout cela n'est pas bien grave, mais on décide de faire table commune pour sauver les apparences. On papote un peu. Seul le serveur reste furieux de s'être fait berné.


On quitte le bazar, et on remonte les « Champs-Elysées » locaux. Nombreuses sont les personnes avec un portable en main. Les cousins reçoivent souvent des appels. Le plus âgé, « N », t'explique qu'il parle à ses amies. La soirée s'organise. Nous allons retrouver sa « Girl Friend », irons dans un fast-food, puis assisterons à la finale de la Coupe du Monde devant un écran géant, dans un amphithéâtre extérieur, tout en haut de la ville. Et nous finirons la journée avec un verre de whisky. Tu es d'accord pour tout, sauf pour le dernier verre. Tu préfères leur laisser ce breuvage rare qui ne te manque pas. L'alcool est interdit, il est très dangereux de se faire prendre avec, mais la prohibition engendre l'envie de la braver. Et tu regrettes de t'être délesté de ton Cognac.


Le téléphone est devenu essentiel dans la vie des jeunes. Garçons filles s'échangent leurs numéros. Ils peuvent ainsi se parler autant qu'ils le souhaitent. Se fixer des rendez-vous dans les quartiers résidentiels où il est simple d'échanger quelques paroles. Enfin, ils peuvent aussi se retrouver dans les endroits branchés, tels que les « fast food » où ils montent dans les salles en étage pour éviter d'être aperçus par la famille, les voisins.


Pour un garçon, aborder une jeune fille pour lui demander son numéro de portable est devenu un geste presque anodin. Les relations entre jeunes se sont donc beaucoup développées avec la technologie, mais le contact physique est encore proscrit.


Tout se passe comme prévu. La Girl Friend de « N » est infirmière, comme l'amie avec qui elle est venue. Elles ont toutes les deux de magnifiques coiffures sur lesquels les foulards réglementaires semblent être des ornements secondaires. Elles te parlent des difficultés de l'hôpital, de l'obligation de travailler en tenue islamique. L'amie est un peu plus âgée. Elle est mariée. Son mari vit aux USA d'où elle a été refoulée, faute de carte verte. Les Iraniens ne sont pas en odeur de sainteté aux Etats Unis.


Vous quittez les infirmières pour aller regarder la finale de la Coupe du Monde de foot, qui ne les passionne pas. Pourtant, nombreuses sont les femmes installées dans l'enceinte où se déroule la projection. L'ambiance est animée, et le public partage son soutien entre l'Espagne et la Hollande.


Le match terminé, il vous faut bien une demi-heure pour sortir de la jungle du parking. Vous rentrez. Il est bientôt trois heures quand vous rejoignez la maison de campagne, et tu commences à bien ressentir la fatigue d'une longue journée. Tu laisses les jeunes discuter jusqu'au petit jour, et tu vas dormir.


Tu as l'impression de comprendre un peu mieux la fracture iranienne. Entre les riches d'un coté, et les pauvres de l'autre. Entre ceux, souvent les plus jeunes, qui réclament du changement et ceux qui s'accrochent au passé. Entre ceux qui revendiquent la liberté de penser, et les plus pieux qui souhaitent rester unis derrière la hiérarchie cléricale. Entre ceux qui réussissent et les plus fragiles : personnes âgées, pauvres, illettrés.


Mais tes amis voient surtout la restriction des libertés, les freins aux progrès, une gestion du pays qui n'est pas optimale. Ils ressentent aussi la répression, craignent les bassijis. Accueillir un Européen n'est pas sans risque. Tu espères qu'ils ne souffriront pas de ton passage.


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Hamedan et l'improbable rencontre PDF  ICON_SEP Print ICON_SEP  E-mail

Mardi 13 Juillet 2010

 

Partir à 5h est idéal. La lumière est suffisante, et la fraicheur se maintient jusqu'à 9h. Tu pourrais même sans grande gêne rouler jusqu'à 10 ou 11 heures.

Cinquante kilomètres après Zanjan, Soltanieh, un petit bourg perdu au milieu de nulle-part. Soltanieh abrite une merveilleuse mosquée connue pour son dôme construit lors de l'occupation Mongole. L'un des plus grands qui soient, aussi grand que celui de la grande Mosquée bleue d'Istanbul. On ne voit que lui à des kilomètres lorsque l'on arrive par la route.


Tu t'arrêtes prendre quelques photos de l'extérieur du dôme. Il est 6 heures, et le gardien, à moitié endormi, te laisse entrer dans le parc, mais la mosquée elle-même est malheureusement fermée. Trop tôt. Des campeurs iraniens sont aussi installés devant le bureau du gardien. Dormir à l'hôtel coûte cher, et la tolérance pour le camping sauvage est grande : dans les jardins publics, aux abords des villes. Ici, sur la pelouse de l'entrée du site.


Rouler avec le soleil rasant rend aussi le paysage merveilleux. Les ondulations des collines jouent avec les ombres. Les blés, les herbes, toute la végétation brillent de recevoir le soleil rasant. Mais tu t'arrêtes peu pour les photos. Il faut avancer...le temps de fraîcheur est compté.


Tu as en tête de passer l'après midi et la nuit à Hamadan, puis de repartir le lendemain à la même heure sur Ispahan.


Arrivé à Hamedan, tu recherches un hôtel pour y déposer tes affaires et laisser Toeuf toeuf se reposer. Le joint spi de la fourche fuit davantage, et cela t'inquiète un peu. La tôle ondulée des pistes de Mongolie te ferait perdre beaucoup plus d'huile. Il faudrait au moins trouver un bidon d'huile « suspension » à Téhéran.


Hamedan est une ville moyenne, d'un million d'habitants. On t'envoie un peu dans toutes les directions, mais toujours pas d'hôtel en vue. Dans une petite rue, deux hommes t'arrêtent : « Eh Toi! ». Ils semblent parler Anglais et pourraient peut être t'aider. Je répète pour la dixième fois : « Hôtel ». L'un d'eux retire ses lunettes de soleil, et te parle de Turquie, de parapentes... C'est Saied que tu avais rencontré dix jours plus tôt, dans l'hôtel des parapentistes. Une aiguille dans une botte de foin.


Il est avec Sajad, un ami qui parle très bien Anglais. Ils te proposent de te loger, de te montrer la ville. Le hasard est tel que tu acceptes de suite. Finalement, Saied est très occupé et tu passes davantage de temps avec Sajad et son frère Amir.


L'après midi, tu te promènes en ville. Tu visites successivement une église avec Sajad, puis, seul, une synagogue et une mosquée. Le gardien de la synagogue parle Français. Il gère sa visite comme si vous étiez deux groupes : une dizaine d'Iraniens d'un coté à qui il fournit ses explications en persan, puis toi qui a droit aux mêmes discours, mais en Français.


Les juifs étaient nombreux à Hamedan. L'Iran accueille toujours la plus forte communauté juive du Moyen Orient hors Israël. Mais cette communauté est désormais concentrée sur Téhéran. A Hamedan, la plupart des juifs ont émigrés vers Israël et aujourd'hui ne subsiste qu'une quinzaine de familles dans la ville, soit une petite cinquantaine d'individus. Quant aux Arméniens, ils sont pratiquement tous partis.


Hamedan est surtout connue pour être la ville d'Abu Ali, connu en Europe sous le nom d'Avicenne. Avicenne est le créateur de la médecine moderne. Un bienfaiteur de l'humanité. A Hamedan, la principale avenue, la principale place, l'Université, tout porte son nom. Tu visites aussi son mausolée.


Le soir, tu retrouves Sajad et croisez un couple de ses amis. Vous passez un moment avec eux. Surprise! Ce couple vit en concubinage, dans le même appartement, ce que tu croyais impossible ici. L'un et l'autre travaillent. Tu les observes. Avec son foulard rouge, sa robe légère et ample, elle ressemble à une Marianne de 1789. Ceux là ont vraiment l'air de s'aimer. Sajad t'expliquera que ce couple prend des gros risques. Peut être les risques les unissent-ils davantage. Tu penses à Roméo et Juliette.


Plus tard, vous retrouvez pour diner Saeid et trois amies de Sajad, étudiantes à l'université de Hamedan. Elles vivent en colocation. L'une d'elle étudie le Français. Elles sont bien effrontées. Elles s'amusent à capter ton regard le plus longtemps possible. « You beautiful! ». Elles ont l'âge de tes enfants. Tu leur expliques que tu es déjà un vieil homme, mais rien n'y fait. Tu les laisses s'amuser.


Les Iraniens sont toujours surpris par ton âge. Ils te donneraient dix ans de moins. Tout d'abord, tu mettais cela sur le compte de la flatterie, mais tu comprends finalement qu'ils sont sincères. Peut-être tes derniers cheveux blonds les trompent-ils. Peut-être les hommes iraniens vieillissent-ils plus vite : les plus riches s'empâtent, faute d'activité physique, et les plus pauvres sont abimés par trop d'activité physique.


Le lendemain, vous allez avec Sajad visiter des grottes d'Ali Sadr, à une cinquantaine de kilomètres de la ville. Ces grottes sont inondées : un lac sous-terrain géant, qui s'étend sur des kilomètres. En surface, le sol est lisse, sec, et seules des collines peu élevées trompent un peu la monotonie du paysage. En dessous, des galeries larges, des salles immenses, un réseau de canaux naturels qui n'a pas été complètement exploré. Un monde incroyable que l'on ne peut imaginer à la surface. Une autre entrée dans ce réseau est à 50 km de là, plus au nord. Le chemin pour passer de l'un à l'autre n'a pas été découvert, mais le niveau d'eau reste identique. Il s'agit du même réseau.


Les Iraniens adorent l'eau. Cet endroit est un site merveilleux qui reçoit un grand nombre de touristes venus de tout le pays. Des milliers de visiteurs chaque jour. La visite dure près de trois heures. A deux reprises, il faut prendre des petits bateaux tirés par des guides en pédalo. Tout est bien organisé. Les visiteurs sont heureux.


Vous rentrez sur Hamedan, passez rapidement chez les parents de Sajad. Tous deux anciens instituteurs, sages et chaleureux.


Tu pars le lendemain sur Téhéran. Les jours dans l'Ouest ont filé plus vite que prévu, et tu voudrais essayer de régler ton souci de fuite d'huile sur la fourche. Tu as aussi un rendez vous à Téhéran chez un dentiste. Donc tu n'iras pas à Ispahan la magnifique. Tu le regrettes. Mais tu ne peux pas tout voir, et tu es heureux des rencontres faites à Hamedan.


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Arrivée sur Téhéran PDF  ICON_SEP Print ICON_SEP  E-mail

Jeudi 15 Juillet 2010

 

Comme dab, tu démarres à 5 heures. Tu sais désormais que c'est la seule façon possible de voyager. Pour la première fois, la route te semble triste. Depuis la veille, le vent s'est levé et le ciel porte une épaisse couche de poussière. La nuit se prolonge par une semi-obscurité. Seul moment d'une grande beauté : le soleil levant apparaît subitement comme une boule blanche, créant derrière les collines des ombres chinoises qui se répètent un peu partout. Mais ce moment est éphémère ; après quelques minutes, le soleil a pris suffisamment de hauteur pour redevenir celui que l'on ne regarde pas.

Sur l'autoroute, tu t'arrêtes pour faire le plein. Comme tu n'as pas de carte, tu dois attendre que le pompiste apporte celle de la station. Une carte personnelle permet aux iraniens de payer l'essence au prix de 8 cents d'euros au lieu de 30 cents. A la pompe voisine, un paysan termine son plein. Il te propose de remplir ton réservoir. Tu refuses : tu veux payer ton plein. Le paysan se gare un peu plus loin, et revient avec un gros melon qu'il te met dans les mains. Puis s'en va, s'en rien dire. Il souhaite juste te faire un cadeau, te dire « Bienvenu dans mon pays! ». Tu as l'air malin avec ton melon, et il faut lui trouver sa place dans tes bagages.


Tu arrives peu après neuf heures sur Téhéran. Une très grande ville. Tu veux te rendre chez la mère de Behnaz et Pirouz, tes amis de Grenoble. Tu as déjà séjourné chez elle il y a cinq ans de cela, mais tu circulais alors en taxi, accompagné par Vincent, le mari de Behnaz, qui parle persan. Se déplacer était plus facile.


La circulation en Iran est exotique. Les véhicules ne suivent pas des lignes droites, mais chacun slalome à la recherche d'un passage. Aux carrefours, les voitures ralentissent, trouvent une trajectoire entre piétons et voitures, et les choses fonctionnent en général. Mais tu vois chaque jour des accidents. Souvent de la tôle froissée, mais pas seulement.


Tu n'as pas le choix : tu conduis à la méthode locale. Essayer de conduire à l'Européenne n'a pas de sens ici, et serait dangereux. A chaque instant, il faut être vigilant et sentir les véhicules tout autour de soi. Ne pas chercher à garder trop de distance car de suite, quelqu'un s'intercale dans l'espace que tu maintiens, et tu te retrouves encore plus à l'étroit.


Heureusement, les autres véhicules savent que tu es un conducteur à part. Toeuf toeuf est plus grosse que les 200 cm3 locales, les seules autorisées à la vente, et son chargement fait d'elle un convoi exceptionnel. Personne ne cherche à te frôler et, au contraire, tu te sens observé, plutôt en sécurité.


Tu t'arrêtes sur le bas coté pour demander ton chemin. Les passants essayent toujours de t'aider. Tu entends un gros choc. Un nouvel accident sur l'une des voies centrales, à ta hauteur. Probablement le conducteur regardait-il toeuf-toeuf et s'est-il fait surprendre par un ralentissement. Pas de blessé, mais les deux véhicules semblent bien abimés. Tu repars tête basse.


Tu cherches à te rendre au Nord-Est de Téhéran, dans le quartier de Pasdaran. Arrivé par le Sud, tu as longtemps roulé vers l'Est, puis une dizaine de minutes plein Nord. Tu t'arrêtes prendre un thé dans une gargotte. Tu demandes ton chemin. « 6 km au Nord ». Tu repars donc pour 6 km et redemandes « Pasdaran » : toujours au Nord, mais ton interlocuteur comprend l'anglais et évalue cette fois la distance restante à 20 km. Téhéran est vraiment étendue.


Tu passes dans une avenue où se succèdent les magasins de motos. Tu as toujours ton souci de fourche en tête, et tu décides de t'arrêter pour acheter un litre d'huile. Éventuellement, mais tu n'y crois pas, trouver les pièces détachées. Mais après trois ou quatre demandes dans des magasins, on t'explique que tu es dans la rue des vendeurs de motos iraniennes. Pas de fournisseurs de pièces détachées, ni de réparateur, ni de vendeur d'huile ici. On t'indique sur ton plan une autre rue, à 4-5 kilomètres à vol d'oiseau. Tu ne sais pas comment tu fais, mais tu trouves ce quartier... Après quelques demandes, un jeune homme te demande de le suivre. Cinq cents mètres plus loin, vous posez les motos, montez dans un immeuble. L'immeuble est comme un bazar. A chaque étage, les couloirs donnent sur des portes ouvertes qui mènent à autant de vendeurs de pièces détachées pour motos. Vous passez l'une des portes, et un peu partout, des pièces Yamaha, mais aussi d'autres marques japonaises. L'un des vendeurs descend avec un pied à coulisse pour mesurer le diamètre du tube intérieur de la fourche. Il cherche un joint équivalent, mais tu sais que cette côte n'est pas suffisante. Il faut aussi connaître le diamètre extérieur et la hauteur du joint. Par internet, il a accès aux nomenclatures des motos Yamaha, mais toeuf-toeuf n'est pas répertoriée. Le moteur est bien un mono-cylindre Yamaha, mais l'assemblage de la moto est l'œuvre de Yamaha-Italie. Et la diffusion s'est principalement faite par le réseau européen de Yamaha. La fourche, comme la majorité des composants de la partie cycle, est européenne. Cela complique les choses.


Le vendeur parvient à trouver un joint dont le diamètre intérieur correspond. Tu cherchais de l'huile, et eux semblent persuadés qu'il faut remplacer le joint spi. Tu ne sais plus quoi penser, mais tu ne peux pas déposer ton chargement et démonter la fourche en pleine rue. Tu reviendras en taxi avec le tube dans la main. Le lendemain, Vendredi, est férié, donc ce sera Samedi. Tu repars, direction « Pasdaran ».


Téhéran c'est un peu Los Angeles, en plus compliqué. Les distances se comptent en dizaines de kilomètres et la ville est parcourue par des « Express Ways » de deux fois 4-5 voies. Mais les Express ways ne forment pas un quadrillage. A cause du relief, elles vont un peu en tous sens, comme des spaghettis. Elles se croisent par des échangeurs géants, parfois perchés au dessus de la ville. Se fixer une direction n'est pas simple. Il faut connaître les noms, savoir quelle succession d'Express Ways prendre pour arriver à destination.


Il te faudra une heure et demi pour atteindre le quartier Pasdaran. Là, un homme en petite moto à qui tu montres l'adresse écrite en persan te propose de le suivre. Ta destination est de l'autre coté d'une Express Way, et rares sont les ponts qui passent d'un coté à l'autre. Le seul dans la zone est en sens interdit, sur deux voies, deux files continues de voitures. Vous le prenez donc, en contre-sens. Tu n'es pas fier.


Tu crois rapidement reconnaître l'impasse. Tu remercies ton guide. Mais tu n'oses pas sonner à la maison qui correspond à ton souvenir, car le numéro est différent de celui que Behnaz t'a indiqué. Tu demandes à la seule personne présente dans la rue. Vous cherchez le bon numéro. Vous comprenez au bout d'un moment que la numérotation a été refaite, vous sonnez et la mère de Behnaz ouvre. Il est 14h, tu es arrivé vers 9h à Téhéran. Cinq heures d'embouteillages, de pollution, de poussière, sous un soleil de plomb.


L'homme te dit qu'il ne faut pas laisser la moto dehors. Vous la rentrez, difficilement car tu ne peux pas attaquer les marches de face. A chaque fois, les gens t'aident autant qu'ils le peuvent. Puis s'effacent. Tu ne comptes plus les gens qui te rendent service, aujourd'hui, chaque jour.


La mère de Behnaz t'attendait et commençait à s'inquiéter. Vous êtes heureux de vous retrouver.

 

 
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