Home Premier voyage : 2010-2011 Histoires de voyage

Automatic translation by GTranslate

Claire
Argentine-Uruguay

 

Jeudi 13 Janvier 2011

 

Il pleut ce matin à Antillanca. Comme un peu partout en Patagonie. Tu savais qu'il devait pleuvoir, mais tu espérais des petites pluies fines, passagères... Ce n'est pas cela du tout. Mais vraiment pas ça! Une grosse pluie, un grand vent.

 

Claire arrive demain matin. Il n'y a que quatre heures de route jusqu'à Bariloche. Plus une douane. Tu peux donc attendre un peu, que la pluie soit moins forte. Tu te donnes jusqu'à 14h.

 

La météo n'est pas fameuse pour les jours qui viennent. Beau demain, puis averses et vent pendant cinq jours. Elle n'a pas de chance la Clarinette... Alors qu'il fait anormalement beau depuis un mois, voilà que les cieux veulent rééquilibrer les moyennes de précipitations annuelles!

 

11h30. La pluie s'est arrêtée. Tu fais tes adieux à Pastora qui t'offre en souvenir une écharpe aux couleurs d'Antillanca. Tu aurais bien aimé passer plus de temps à discuter avec elle. Lui montrer tes photos. Mais comme dab, il faut continuer ton chemin. Peut-être repasseras-tu avec Claire dans deux semaines?

 

12h30. La pluie s'est vraiment arrêtée et tu arrives sec au poste frontière. Devant toi trois motos. Numa, John et Mike sont américains. Numa vit la moitié de l'année à Buenos Aires, l'autre moitié dans l'Arkansas. John vient du Colorado et Mike de Chicago. Les trois Mousquetaires. Numa a vécu en France et à Genève. Il parle parfaitement Français.

 

Après avoir passé la douane, vous roulez ensemble jusqu'à Villa La Augostura. Seulement 80km de Bariloche. Tu peux rester là pour la nuit.

 

Tu reçois régulièrement des nouvelles de Claire. Son dernier SMS dit que son premier avion a deux heures quinze de retard...Tout se complique. Elle avait trois heures pour changer de terminal à Madrid. Trois quarts d'heure, voilà qui fait bien juste.

 

Avec les trois Mousquetaires, vous recherchez d'abord un hostel -tous pleins -, puis un hôtel avec une chambre pour quatre. Etre quatre complique un peu les choses... il faut se concerter, comprendre ce que souhaitent les autres. Voyager seul est bien plus simple.

 

Tu es avec tes compagnons du jour, mais ta tête est avec Claire. Son mobile ne fonctionne pas à l'étranger, et tu ne sauras si tout s'est bien passé qu'à l'arrivée du vol à Bariloche. Tu t'inquiètes. Mais elle est débrouillarde. Elle arrivera à bon port.

 

Vous vous promenez dans les environs. Sur une plage, un groupe de jeunes vous demande de les photographier. Numa discute un peu avec eux. Vous arrivez du Chili? Comment trouvez vous le Chili? N'est ce pas beaucoup moins bien que l'Argentine?

 

Tu es surpris de cette compétition permanente entre Argentins et Chiliens. Elle est d'ailleurs plus sensible ici, de ce coté de la montagne. Les Argentins sont plus fiers, et tiennent à une hiérarchie qui les placerait au dessus. Toi, tu aimes bien les deux cotés de la montagne. Les différences sont si minimes... Deux très beaux pays.

 

Vous rentrez en ville pour faire quelques courses. La chambre que vous avez trouvé a un coin cuisine. Vous vous lancez dans du poisson en papillote. Numa aime bien ce mot qu'il avait oublié... papillote.

 

Pour la première fois, tu es le plus jeune du groupe avec lequel tu voyages. Tes compagnons te racontent un peu leur voyage. Un de leurs amis a eu un accident au Mexique. Il s'en est plutôt bien tiré, mais plusieurs côtes cassées l'ont obligé à abandonner. Ils sont descendus vite... Tu te renseignes aussi sur les dangers des pays traversés. Le Mexique? Pas de souci... les trafiquants de drogue s'entretuent à la frontière, et il faut simplement ne pas s'attarder dans les grandes villes proches de la frontière. Ni à Mexico.

 

Claire est elle dans l'avion pour Buenos Aires? Pas moyen de le savoir. Tu essayeras de récupérer tes mails demain matin pour voir si elle a réussi à te passer un message.

 

P1030983
P1030983
P1030984
P1030988
P1030994
P1030998
bwd  Serie 1/3  fwd

 

Vendredi 14 Janvier 2011

 

Tu arrives à l'aéroport avec une demi heure d'avance. L'avion est annoncé avec seulement un quart d'heure de retard. Pas trop mal...

 

Tu es inquiet, mais tu sais qu'objectivement tu ne devrais pas l'être. Claire doit changer d'aéroport à Buenos Aires ? Vous avez écarté le risque du chauffeur de taxi gangster en commandant un taxi par une société. Ta fille est vulnérable ? Pas beaucoup plus que toutes ces jeunes voyageuses que tu as croisées. Souviens toi de ces jeunes étudiantes allemandes qui vivent à Lima...

 

Il y a toujours les risques de grèves et de manifestations qui bloquent l'aéroport.. mais si elle rate sa correspondance, il y a plusieurs autres avions de la même compagnie qui suivront.

 

La salle de retrait des bagages est séparée par une vitre du hall d'arrivée. Tu vois les passagers arriver... un bon nombre déjà. Puis Claire, avec son sac et ses vêtements de moto tous neufs! Pas si clown que cela.

 

Plus de six mois que tu n'as pas vu tes enfants. Tu as eu droit à des séances Skype, mais ce n'est pas pareil. Jamais tu n'avais été loin d'eux aussi longtemps.

 

Claire passe la douane rapidement. Elle te rejoint. C'est émouvant de vous retrouver, de la serrer dans tes bras. Tu te souviendras longtemps de ces instants.

 

Vous passez le reste de la journée à Bariloche et dans les environs. Une ville riche, comme Villa La Angostura. Rien à voir avec l'Argentine que tu connaissais. Tu croyais les Argentins pauvres, mais ils ne le sont pas tous. Ici, les chalets Tyroliens sont plus grands que dans le Tyrol. Et les problèmes de sécurité de Buenos Airès semblent loin. Pas ou peu de barreaux, mais des grandes baies vitrées qui ouvrent sur des paysages magnifiques.

 

P1040044
P1040044
P1040046
P1040052
P1040054
P1040062
bwd  Serie 1/2  fwd

 

 

 
Que la montagne est belle!
Argentine-Uruguay

Mardi 28 Décembre 2010

 

Avant de partir, tu replaces le fusible court-circuité par un neuf. Tu aurais du chercher l'origine de la panne, mais tu as la flemme. Tu regarderas plus tard. Tu suspectes un souci dans les câbles que tu as rajouté pour l'alimentation du GPS et du compteur kilométrique. Comme cela semble fonctionner, tu espères que cela tiendra encore quelques jours. Marc t'apportera un nouveau compteur, un nouveau support plastique, et tu feras le grand ménage sous le bloc phare à cette occasion.

 

En cherchant le distributeur de billets – qui est à sec -, tu rencontres le couple propriétaire de la moto en panne que tu as croisée hier. Un couple franco-allemand. Tu comprends qu'ils ont cassé un roulement de la roue arrière, qu'ils espèrent en trouver un sur place. En attendant, ils sont bloqués et ont perdu le contact avec leurs compagnons de voyage. Tu aurais aimé pouvoir les aider mais tu ne peux rien faire pour eux.

 

Tu fais ensuite le plein avant de prendre « la piste ». Au moment de démarrer, le fusible grille à nouveau. Cette fois, il faut vraiment trouver l'origine du problème avant de remplacer le fusible. Tu retires tous les câbles et connecteurs que tu as rajouté. Et tu trouves le court-circuit sur l'un de ces câbles! A force de frotter sous le bloc phare qui se balade, une paire de fil d'alimentation avait perdu son isolant.

 

Tu remontes le bloc phare. Tu peux enfin remplacer le fusible et partir serein. Tu croises ou doubles plusieurs fois des motos. Un couple de Roumains qui a loué des BMW sur place, et toujours des Italiens, plus nombreux que jamais.

 

En arrivant à la bifurcation vers El Chaten, tu t'arrêtes. Tu hésitais à t'y rendre, mais tu as décidé d'aller plutôt sur El Calafate. Alors que tu vas repartir, un cycliste s'arrête derrière toi. Il regarde ta plaque d'immatriculation qui l'intrigue... Il est Français, de Grenoble et travaille à l'Observatoire de Grenoble (UJF). Plusieurs de tes amis y travaillent, ou y travaillaient. Le monde est petit!

 

Robert est en long déplacement dans le Nord du Chili, où il démarre une importante expérience d'observation. Pour ses congés, il a pris à vélo la Carretera Australe, est passé du Chili en Argentine à « Villa O'Higgins » pour arriver à El Chaten. Tu avais regardé sur Internet, mais ce passage n'est pas pour les motos. Même pas pour Toeuf Toeuf...

 

Tu lui demandes conseil : mieux vaut-il aller à El Chaten, ou à El Calafate ? Il serait pour El Chaten. Tu lui fais confiance. Donc direction El Chaten, et le magnifique massif du Fitz Roy que l'on voit, à 100 km de distance, depuis l'embranchement.

 

Là, tu profites de la fin de journée pour faire les balades rapides. Tu n'as pas le temps d'approcher le Fiz Roy. Tu l'admires à distance.

 

A l'hostel où tu as pris un lit dans un dortoir, tu papotes avec Amanda, une jeune américaine du Montana. Elle est pour six mois en Argentine, où elle travaille dans des fermes « bio ». Tu es impressionné. Un peu surpris aussi qu'une jeune fille du Montana ait une telle idée. Un 'a priori' stupide. Depuis que tu voyages, tu croises souvent des filles qui font ainsi des expériences originales en solitaire. Pratiquement jamais de garçons. Est-ce le hasard?

 

En écrivant tes récits, tu réalises que ce jour est Mardi, et non Mercredi. Tu es donc moins en retard que tu ne le croyais. Tu as le temps de passer aussi par El Calafate, pour voir le glacier du Pereto Moreno.

 

P1020477
P1020477
P1020478
P1020485
P1020486
P1020488
bwd  Serie 1/8  fwd

 

 

Mercredi 29 Décembre 2010

 

Le lendemain matin, tu vois Amanda partir pour prendre son bus. Elle remonte dans le Nord de l'Argentine pour travailler dans une nouvelle ferme.

 

Tu discutes aussi un peu avec un jeune garçon. Une fois parti, tu le retrouves sur le bord de la route en train de faire du stop. Cela ne marche pas trop fort, mais tu ne peux pas le prendre sans casque sur une longue distance. Finalement, les jeunes garçons aussi voyagent en solitaire, mais de façon plus désorganisée. Mais il reste vrai que tu auras surtout croisé des filles.

 

A l'intersection avec la Ruta 40, un motard italien. Il attend les motards que tu as vus à El Chaten. Ils forment un groupe de 18 motos! Un voyage chaotique car, sur 18, il y en a souvent un qui a des soucis... Il n'a pas l'air de beaucoup estimer certains de ses compagnons. Tu lui parle d'un gars qui te snobait à la station essence avec sa grosse BMW (R1200-GS). Un gars grand, un peu fort... « Gros et stupide » résume-t-il. Tu n'aurais pas osé, mais ce doit-être la même personne.

 

Un peu plus tard, tu t'arrêtes pour papoter à nouveau avec Robert, l'astrophysicien de Grenoble. Il te raconte un peu plus son voyage, et aussi son boulot. L'astronomie est un sujet passionnant. Un sujet pur, peu contaminé par les ambitions industrielles. Aussi un sujet où trouver les fonds est difficile. Sauf à partager les coûts avec les laboratoires du monde entier. Mais cet aspect apporte un certain charme.

 

Tu aurais pu rencontrer Robert à Grenoble, par l'intermédiaire d'amis communs. C'est marrant de le rencontrer là, seul, sur cette route déserte, au milieu de nul part. En tous cas, il te conforte dans l'idée que tu pourrais aussi un jour voyager en vélo. Mais seulement si Toeuf Toeuf tombait malade...

 

A El Calafate, tu poses à nouveau tes affaires dans un hostel, puis te rends au glacier Pepito Moreno. Tu retrouves les motards Tchèques avec qui tu avais rapidement discuté à El Chaten, puis le couple Franco Allemand qui était en panne à Gobernador Gregores. Ils ont pu réparer, et retrouver leurs amis. Tout va pour le mieux. Ils ont même collé ton sticker « Route-Estivale » sur leur moto. Tu es surpris et honoré.

 

Le glacier est impressionnant. Toutes les cinq minutes, un vacarme signale la chute d'un bloc qui voulait devenir Iceberg. Tu restes deux heures face à ce glacier. Juste pour admirer, attendre les rayons de soleil, prendre des photos.

 

P1020604
P1020604
P1020605
P1020607
P1020608
P1020610
bwd  Serie 1/7  fwd

 

 

 

 
Les routes de Patagonie
Argentine-Uruguay

Dimanche 26 Décembre 2010

 

Depuis plusieurs jours, tu hésites sur ta route. A quel moment quitter la côte pour se diriger vers la montagne, vers la Ruta 40? Tu as rendez vous à Puerto Natales pour la fin du mois avec Marc, un copain d'école. La longue attente de Toeuf Toeuf à Buenos Aires fait que tu n'as pas le temps de flâner comme tu l'aurais voulu. Prendre son temps, ce sera pour plus tard, lors de la remontée du Chili, ou de la Bolivie.

 

La route côtière est bonne, souvent en ligne droite. Elle te permet d'assurer. Tu pourrais être au rendez vous en deux jours... La ruta 40 est plus belle, plus intéressante, et comporte des sections de pistes. Mais tu avanceras certainement moins vite que sur la route côtière. Finalement, tu coupes la poire en deux. Tu descendras jusqu'au Parc National de « La Forêt Pétrifiée », puis tu iras rejoindre la Ruta 40 par des pistes.

 

Tu quittes Puerto Madryn et tes amis Brésiliens tôt. La route est fatigante à cause du vent. Il est le plus souvent de face, au mieux de coté. A une pause pour l'essence, la station service est en rupture de stock. La prochaine station sera à Comodoro Rivadavia, soit 160km plus loin. Il faudra utiliser ton jerrycan.

 

80km avant Comodoro, tu tombes effectivement en panne d'essence. Du moins sur ton réservoir principal. Le vent est si fort, qu'il te faut tout tenir, pour éviter de voir s'envoler tes affaires. Quant à l'essence, tu réalises que vider le jerrycan avec ce vent ne sera pas une mince affaire. Tu construis une sorte de tente avec un grand sac poubelle, et plonges dedans pour vide ton jerrycan. Cela marche à peu près...

 

Tu poursuis jusqu'à Caleta Olivia. Le vent te fatigues, et tu n'iras pas plus loin. Comme Comodoro, Caleta Olivia est une ville pétrolière. Une ville riche. Tu te demandais comment l'Argentine pouvait arriver à un taux de croissance de 10% dans un bazar pareil, mais tu comprends désormais : les ressources naturelles. Comme en Australie, comme en Mongolie.

 

Lundi 27 Décembre 2010

 

Tu traînes un peu le matin. Au moment de partir, tu inspectes rapidement Toeuf Toeuf. Le disque arrière brille bizarrement. Il est bien attaqué. En voulant regarder les plaquettes, tu réalises que le disque passe à l'extérieur des plaquettes! Tu te souviens, dans le hangar des douanes... Tu n'arrivais pas à monter la roue arrière. Les plaquettes sortaient de leur logement... Tu n'aurais pas imaginé que tu puisses monter le disque ainsi. Et voilà trois jours que tu roules en freinant métal sur métal... Ton disque est bien abimé. Pas de quoi être fier.

 

Tu remets tout en place. Défaire les bagages, les outils, sortir la roue, la replacer, remettre les bagages,... et il est déjà 10h30.

 

Cent cinquante kilomètres vers le Sud, et tu prends une piste vers l'Ouest, direction le Parc National des « Bosques Petrificados ». La piste est magnifique. Un décor de western, tous plus beaux les uns que les autres. Et la piste serpente ainsi, entre des reliefs tous plus étranges les uns que les autres. Sans nul doute la plus belle piste depuis le début du voyage. C'est juste dommage que la lumière ne soit pas terrible aujourd'hui.

 

Dans le « Parc National », un petit musée et un parcours pédestre au milieu des arbres pétrifiés. Des arbres géants, plus de cinquante mètres. Au loin, le volcan responsable de cette pétrification. Ces pierres, ou ces arbres, sont beaux, mais l'endroit en lui même est magnifique. Il aurait mérité d'être « Parc National » même sans les arbres pétrifiés.

 

Tu reprends la piste vers l'Ouest. Sur trois cartes, la piste n'existe que sur une seule, mais elle est bien présente, et retrouvera la « Ruta Provincial 12 ». Le spectacle continue. Un décor somptueux, et une petite piste bien agréable.

 

80km plus loin, la « 12 ». Une piste large, recouverte de gravier. Ces grosses pistes sont faciles en Argentine. En Mongolie, il fallait les fuir. Les « unpaved roads » d'Australie étaient aussi bien moins bonnes.

 

La « 12 » doit rejoindre une autre grande piste, la « 25 », qui dessert la ville minière de « Gobernador Gregores ». A nouveau un superbe décor. Tu pensais rencontrer du monde sur la « 12 », mais toujours personne. Pas une seule voiture... Sauf le vent, imperturbable. Pourquoi des pistes aussi larges si personne ne les emprunte ?

 

Tu vois de nombreux animaux. Des centaines de guanacos, mais aussi des gros oiseaux qui ressemblent un peu aux emus d'Australie, oiu encore à des autruches. Et puis des chevaux, des oiseaux, un renard, ... La Patagonie est, comme l'Australie, un refuge pour les animaux sauvages.

 

Tu rejoins la 25 en fin d'après midi. Tu as roulé jusque là 250km sur des pistes sans croiser personne. La 25, elle, est un axe de circulation. En dix minutes, tu croises un bus et plusieurs pickups.

 

A trente kilomètres de Gregores, Toeuf Toeuf s'arrête. Plus rien... Ce n'est pas un problème d'essence car tu viens de vider le jerrycan. Et tu n'as pas senti de perte de puissance progressive. Ce doit être un souci d'allumage. Tu t'immobilises sur le bas coté. Plus de tension. Serait-ce à nouveau la cosse de la batterie? Tu pensais que le moteur pouvait tourner sans batterie. Si ce n'est pas le cas, c'est une mauvaise surprise.

 

Tu n'es pas inquiet. Tu ne risques pas d'être abandonné sur cette piste. Toutes les cinq minutes, un pickup passe et te demande si tu as besoin d'aide. Et un problème reste le meilleur moyen de rencontrer du monde. Il faudrait juste que ce ne soit pas trop sérieux...

 

Tu commences à démonter. Non seulement le vent te casse les oreilles, mais il renverse tout. Le vent est à la Patagonie ce que la mouche est à l'Australie. Te voilà à rechercher tes boulons au milieu des graviers. Tu les retrouves toutes. Tu arrives finalement à atteindre la batterie. Tout est ok... Tu regardes les fusibles. Le premier semble bon, et le second n'est pas facilement accessible, coincé par le tube du porte bagages.

 

Un nouveau pickup arrive. II s'arrête près de toi, son conducteur sort : Diego. Il te propose de mettre Toeuf Toeuf sur le plateau du pickup et de te conduire à Gobernador Gregores. Pourquoi pas! Tu n'as pas fini tes inspections, mais si le problème nécessite une immobilisation de plusieurs jours, tu seras mieux en ville. Surtout que tu n'as rien à manger et que tu commences à avoir un creux.

 

Vous montez Toeuf Toeuf sur le pickup. C'est plutôt plus facile que tu ne l'aurais imaginé. Pour la fixer, il te reste les cordes que tu avais utilisé pour l'attacher dans sa caisse.

 

Vous roulez doucement jusqu'à la ville. Diego n'aurait pas du te prendre... son règlement le lui interdit. Mais il s'assoit dessus. Diego est heureux de parler voyage.

 

Arrivés à Gregores, vous croisez une dépanneuse avec... une moto dessus! Son conducteur est assis près de sa moto, sur le plateau de la dépanneuse. C'est la journée des soucis pour les motards. Tu vois aussi plusieurs motos immatriculées en Italie. Elles semblent rouler normalement.

 

Diego l'emmènes à son hôtel. Pas de chambre de libre, mais ils t'en trouveront une dans un hôtel voisin. En attendant, vous empruntez un contrôleur au garage voisin : la batterie est bonne. Vous essayez d'extraire le second fusible, et vous y arrivez. Le fusible est mort... Tu n'as même pas de fusible de rechange, mais Toeuf Toeuf redémarre en le court-circuitant. Bonne nouvelle! Il reste à trouver des fusibles. Vous passez dans un magasin. Il est fermé, mais Diego connait son propriétaire qui vous ouvre, et te vend trois fusibles.

 

C'est bon pour ce soir... Tu remplaceras le fusible demain matin. En attendant, une bonne douche et tu invites Diego au restaurant. Tu finiras les réparations demain matin.

 

Diego travaille dans une mine à ciel ouvert d'or et d'argent. Il est responsable d'une petite équipe de maintenance qui entretient les pelles mécaniques de la mine. Des pelles mécaniques qui doivent fonctionner 24h sur 24. Sa famille, sa copine, habitent le Nord de l'Argentine. Il n'aime pas trop le Sud, trop de vent. Mais c'est ici que le travaille se trouve. Si son boulot lui plait, sa vie est compliquée. Il rentre à Puerto San Julian, sur la côte, chaque weekend. Beaucoup de voiture. Quant à monter dans le Nord retrouver sa copine, sa famille, c'est encore plus difficile. Les Argentins ont peu de vacances et pas de rtt.

 

P1020353
P1020353
P1020356
P1020358
P1020367
P1020376
bwd  Serie 1/9  fwd

 

 
Noël
Argentine-Uruguay

 

Vendredi 24 Décembre 2010

 

Noël en Argentine ne ressemble pas à Noël en Europe. Bien-sûr, l'été et sa chaleur changent le contexte, mais ce n'est pas que cela.

 

Ici Noël est surtout la grande fête chrétienne. La très grande majorité de la population est chrétienne. Certainement plus croyante et plus pratiquante qu'en France.

 

C'est aussi une fête familiale. Mais contrairement à l'Europe, ce n'est pas la grande fête des enfants. Les cadeaux et les jouets ne sont pas aussi présents. Dans les magasins, les décorations de Noël existent, mais elles sont légères, beaucoup moins exubérantes qu'en France. Tu ne retrouves pas non plus la frénésie consommatrice qui te déplait tant d'habitude. Ici, Noël est avant tout un moment à vivre avec les siens.

 

Vous vous retrouvez avec Jairo et Andrea à 21h pour diner. Manque de chance, la plupart des restaurants ferment justement à cette heure là. C'est pourtant l'heure habituelle du diner pour les Argentins... Le personnel des restaurants fêtent aussi Noël en famille. Mais ils rouvriront tous après minuit...

 

Comme toi, Andrea et Jairo sont fatigués, et vous partez quand même à la recherche d'un restaurant ouvert. Vous en trouvez un, qui propose un menu unique de réveillon. Un peu luxueux, mais ce n'est pas tous les jours Noël.

 

L'ambiance est à parler famille. Vous parlez chacun de vos enfants respectifs. En bien, naturellement! Jairo et Andrea ont des enfants de 25 et 23 ans. L'aîné vient de finir ses études de médecine, et Jairo raconte qu'il a pleuré comme une madeleine à la remise du diplôme de son fils. C'était juste avant leur départ. Ces motards sont des tendres.

 

A minuit, des feux d'artifices sont lancés un peu partout sur la plage. Chacun embrasse son voisin. Lorsque vous rentrez vers l'hôtel, vous croisez de nombreuses personnes qui font une promenade digestive. Bras dessus, bras dessous.

 

P1020157
P1020157
P1020158
P1020163
P1020164
P1020166
bwd  Serie 1/2  fwd

 

 

Samedi 25 Décembre 2010

 

Puerto Madryn est la porte du Parc National de la Péninsule de Valdès. Là, on peut voir des oiseaux, et aussi de nombreux animaux; parmi lesquels des baleines... La saison du passage des baleines se terminent normalement mi-décembre. Mais cette année, pour la première fois, elles se seraient attardées.

 

Avec Andrea et Jairo, vous prenez donc des billets pour faire un tour de bateau au milieu des baleines. Il n'est pas garanti que vous en trouviez, mais il y en avait encore hier. C'est plutôt encourageant.

 

Tu pars un peu devant pour te promener. Tu te rends sur un promontoire d'où l'on peut voir des Lions de Mer. Tu aurais voulu profiter davantage de la péninsule de Valdès, mais l'obligation d'être au bateau en milieu d'après midi t'empêche d'aller trop loin.

 

L'embarcation est un gros zodiac sur lequel vous montez à cinquante. A coté de toi, une famille française. Tu deviens copain avec l'un des enfants.

 

Rapidement, vous rejoignez un groupe de quelques baleines franches. Des mères, qui nagent chacune avec un petit baleineau qu'elles allaitent. Les petits en question font déjà entre cinq et dix mètres de long. Tu es ému. Tu prends des photos, des films. Il faudrait que tu prennes le temps de publier les quelques séances des films que tu as commencés à prendre depuis l'Australie.

 

Vous restez une bonne heure ainsi aux milieux des baleines. Parfois, elles plongent à la recherche de plancton et le bateau se déplace alors vers un autre couple mère/baleineau. Parfois, le baleineau est si proche que vous pourriez presque le toucher. Une fois, il plonge juste devant vous pour passer sous le bateau. Tu regardes le guide... il n'a pas l'air particulièrement inquiet. Bon.

 

De retour sur la terre ferme, tu dis adieu à ton copain de bateau, et tu retrouves Jairo et Andrea. Lors du retour, tu t'arrêtes près d'un petit groupe de guanacos, des lamas sauvages. Lorsque tu t'approches pour les photographier, ils prennent peur et sautent au dessus d'une barrière qui dépasse la hauteur de leur corps. Tu es soufflé par la grâce et la facilité qu'ils ont pour sauter cette barrière. C'est comme si un cheval sautait au dessus d'un autre cheval, sans élan et sans effort.

 

Tu n'oses pas trop t'arrêter pour ne pas retarder tes amis. Mais depuis que tu descends dans le Sud, la lumière est chaque jour de plus en plus belle. Tu auras plaisir à prendre des photos dans les semaines qui viennent. Cela faisait quelques temps que tu ne prenais presque plus de photos.

 

P1020175
P1020175
P1020178
P1020179
P1020180
P1020181
bwd  Serie 1/12  fwd

 

 

 

De retour à l'hôtel, tu réponds à tes mails, et tu lis ceux qui viennent d'arriver. Des nouvelles d'Andrej, rencontré au Kazakhstan, d'autres de Tomasz, et puis encore de Massimo rencontré en Turquie ou de Graham croisé à Vladivostok. Et tes amis Français qui ne t'oublient pas non plus. C'est bien les voyages!

 

Souvent, on te demande comment tu vis ce voyage. On trouve que tu ne te livres pas assez dans ton blog. Raphaêl te disait que l'interview que la revue des anciens de ton école avait publié était justement intéressant car moins factuel. Effectivement, il raconte moins le voyage, et un peu plus le bonhomme. Le voici donc, et merci à Stéphane d'avoir posé ces questions :


Bientôt 6 mois que tu es parti, le milieu de ton voyage, quel est le moment, le souvenir, qui te vient le premier à l’esprit?

Le départ. C'est si simple de partir, de mettre la clé sous le paillasson. Les circonstance sont voulu que je parte un après-midi, en catimini. Après avoir fait une dernière fête la veille. Mes enfants passaient les concours, le bac.

Cet instant du départ a donc été un non événement. Le premier jour de l'été. La pluie. Quelques heures plus tard j'arrivais à Gênes, où il faisait beau.

J'avais été très occupé les semaines qui précédaient. D'un seul coup, le temps de réfléchir, de réaliser qu'il se passait quelque chose d'inhabituel. Une décompression soudaine. Peu importait la pluie, la fraîcheur. Le temps et la liberté devant soi.


Quels étaient tes objectifs, tes envies au départ et comment se sont-ils transformés au bout de 6 mois?

J'avais besoin de changements, de casser la routine. De manière plus positive, j'avais aussi l'envie d'apprendre, de découvrir, de rencontrer des gens.

Petit à petit, je m'installe dans la position du voyageur. Mais il me faut beaucoup de temps pour me détacher de ma vie dite «active». Aujourd'hui, le besoin de changement s'atténue. Je commence enfin à réaliser que je suis vraiment loin du boulot. Mais j'ai toujours aussi faim de découvertes et de rencontres. Simplement, je deviens plus sélectif, plus exigeant.Plus gourmet.


Qu’as-tu appris sur l’homme? Des dizaines de cultures traversées, de peuples côtoyés, ces gens te semblent-ils appartenir à la même race? Qu’ont-ils en commun? Y-a-t-il des valeurs universelles? Les valeurs occidentales de démocratie te semblent-elles celles qui portent le mieux la dignité de l’homme?

Une seule race : certainement. Hier, une Australienne me disait – à moitié sur le ton de la plaisanterie –que les habitants du South-Australia haïssaient ceux du Victoria, l'état voisin. Avant d'arriver en Australie, j'ignorais tout de l'organisation pays par états. Je crois que je quitterai l'Australie en étant incapable de dire ce qui peut distinguer leurs habitants.

Mais il y a indubitablement des différences : les Mongols sont plus forts, les Coréens plus disciplinés, les Indonésiens plus doux, etc. La culture et l'histoire,mais aussi le climat, modèlent l'homme.

Une valeur universelle:le besoin d'aider, d'offrir, d'échanger. Mais il s'exprime surtout dans les campagnes. En cela,j'ai l'impression que le monde occidental – ou plutôt la vie citadine – écarte l'homme de lui-même. On transforme en «services» ce que les sociétés traditionnelles exigeaient que l'on offre. En premier lieu l'hospitalité et le dialogue.

Un sentiment universel est aussi la méfiance en vers l'inconnu. On m'a souvent dit: «Méfie-toi des habitants de l'autre coté de la montagne... Ici, tu ne crains rien, les gens sont gentils, mais là bas, mieux vaut passer ton chemin sans t'arrêter.» Et de l'autre coté de la montagne, je trouvais à nouveau des gens adorables.


Qu’as-tu appris sur toi-même ? A ce stade de ton voyage, penses-tu que de retour en France tu vivras de la même façon? Un tel voyage renforce-t-il les liens avec ceux qu’on aime? Tes valeurs se sont-elles modifiées?

Qu'ai-je appris sur moi? Rien de bien fondamental. Que je suis un homme comme un autre. Que j'ai beaucoup de chance de pouvoir m'offrir ce voyage. Que je vis dans un pays, la France, qui est très privilégié.

Je constate aussi, mais je le savais, que je suis trop prudent, ou trop timide.

Je crois qu'il faudrait prendre une dose supérieure de risques pour apprendre davantage. On apprend davantage- et l'on rencontre plus de monde - dans les difficultés.

Le retour?J'essaye de ne pas trop y penser, mais, effectivement, je crois que je vivrai différemment. Mais j'ignore pour l'instant comment. Il est certain que je ne pourrai pas clore simplement ce voyage et revenir douze mois en arrière.

Mes liens avec mes proches? Je ne crois pas que les relations avec mes enfants soient affectées par ce voyage.

Ils sont heureux pour moi, et je suis heureux de leur montrer une voie intéressante,de leur donner des idées.

Je me suis lancé un peu par hasard dans l'édition du site web, et j'ai été très agréablement surpris par le nombre d'amis qui le lisaient régulièrement. Là, je crois que je me suis rapproché d'un grand nombre de personnes que je n'avais pas le temps de voir. Et je suis vraiment heureux de ces rapprochements et de ce partage.


Comment envisages-tu de passer Noël et la fin d’année? Pas d’appréhension d’être éloigné des tiens ?

Non, pas d'appréhension. Il y a d'autres moments, comme la rentrée scolaire, auxquels j'attache davantage d'importance, et que j'aurais aimé vivre avec les miens. Mais je n'ai jamais bien apprécié la période de Noël. Et puis, Noël est en France l'une des journées les plus courtes de l'année. En Terre de Feu, ce sera la plus longue de ma vie!


Pendant que tu y es... tu repenses à un aspect du voyage dont tu n'aurais pas parlé, si ce n'étaient ces questions. Tu y réfléchissais aujourd'hui, en roulant...

 

La plupart du temps, le voyage est facile, et tu n'as aucune raison d'être inquiet. Parfois, cependant, il arrive que tu t'inquiètes pour un mauvais ronronnement de Toeuf Toeuf, pour le mauvais temps, ou pour quelque chose que tu n'as pas anticipé : la fin de tes réserves d'eau, le risque d'une panne d'essence, ...

 

Dans ces moments là, tu te rassures en pensant à tes amis, à tes proches. Tu te dis qu'ils sont avec toi, que cette présence te renforce.

 

Tu n'as jamais été superstitieux, mais tu conserves pourtant avec toi le trèfle à quatre feuilles que t'a donné ta mère, ou encore les cailloux que t'a offerts une amie qui t'expliquait justement que tu pourrais avoir besoin de l'aide de ceux qui pensent à toi. Et finalement tu y crois, à cette aide, à leur présence.

 

Les voyageurs sont souvent superstitieux. Te souviens tu des routiers Mongols, si forts, qui se posent en haut des cols pour prier. Tu ne crois pas que tu t'arrêteras jamais pour prier, mais penser à tes proches t'aide. Tu le sais.

 

Voilà... tu fermes la parenthèse.

 
« StartPrev11121314151617SuivantEnd »

JPAGE_CURRENT_OF_TOTAL