De Sivas à Erzurum ICON_SEP Print ICON_SEP
DATE_FORMAT_LC2

Dimanche 4 Juillet 2010

Tu as donc pris la route après être passé dire au revoir à Gun Han et à Ibraham.

Tu as fait d'une traite la route entre Sivas et Erzincan, soit 250km. Elle est le plus souvent excellente, et tu as bien profité du paysage. La route passe plusieurs cols au dessus de 2000 mètres. A chaque fois, la végétation, la température, tout change avec l'altitude. Tu passes de la Suisse à l'Afrique du Nord en quelques dizaines de minutes. Tu n'as pas le temps de t'ennuyer. Tu crains la chaleur ? Tu frissonnes de froid en haut des cols. Tu as vraiment froid ? Voilà que la route redescend et que tu ressens bientôt l'air chaud qui rentre dans les ouvertures de ta veste et qui te réchauffe vite. Parfois trop. Tu commences alors à te soucier de ta soif.

 

Pour les poids lourds, le rythme est différent. Les plus chargés montent à 10km/h jusqu'au col, puis redescendent à la même vitesse. Ils ont le temps d'analyser en détail chaque variante du paysage. Le pire pour eux est de regarder passer les voitures – et la moto – qui avalent à la même vitesse cols ou plaines.

 

Le plus souvent, la route suit une rivière, qui est parfois un torrent dans des gorges, parfois un large cours d'eau perdu dans une plaine large de plusieurs kilomètres. Que tu sois en plaine, ou près d'un col, les terres sont toujours cultivées. La Turquie est non seulement très industrialisée, mais son aménagement du territoire ferait rêver les hauts fonctionnaires Français.

 

A Erzincan, tu t'accordes un déjeuner frugal dans un grand restaurant. Tu demandes une brochette et une assiette de salade. Puis, dans un autre coin du restaurant, tu aperçois un tas de riz. Tu en demandes pour accompagner ta brochette. Tu t'installes, et arrivent les plats. Il y en a pour trois. La brochette, que tu avais demandée « small », est dans une assiette énorme, accompagnée de riz, de fromage blanc et de quelques légumes. L'assiette de salade est bien là, mais il y a aussi une assiette de riz, et une assiette de ragout pour manger avec le riz. Toutes les 2 mn, un serveur vient de demander si tout est bon. Tout est excellent, et tu n'oses pas en laisser. Tu trouvais que toeuf toeuf était trop chargée, mais les kilos qui augmentent chaque semaine ne viennent ni des vêtements, ni de l'équipement.

 

Tu as donc bien du mal à terminer ton repas, et tu décides de t'attarder pour digérer. Tu ouvres ton PC et, comme dans tous les hôtels, tous les restaurants, et la plupart des stations services où tu essayes, tu trouves de suite une connexion gratuite. Tu en profites donc pour récupérer tes mails et y répondre. Comparé à l'Europe occidentale, Internet est beaucoup plus développé, plus disponible, et presque toujours gratuit.

 

Chaque jour, tu reçois des mails d'amis, de ta famille pour te dire qu'ils te lisent régulièrement et avec plaisir. Tu n'as jamais été littéraire, et tu ne pensais pas écrire autant, aussi facilement. Mais tu es bien content de partager tes découvertes et tes rencontres. Tu te sens ainsi plus proche d'eux que dans l'avant-voyage.

 

Tu repars d'Erzincan direction Erzurum. La chaleur est tout à fait supportable, mais tu t'arrêtes prendre un thé à mi-chemin, à une petite buvette installée près d'une fontaine. Il y a deux tables posées près de la baraque. Autour de l'une d'elle, quatre jeunes hommes discutent en finissant leur repas. Ils t'invitent à leur table, et te posent les questions habituelles : « Where are you from ? »... La seconde question est souvent pour te demander où tu vas, et tu as pris désormais le parti de répondre « Japan », car tout le monde connait, et tu es sûr d'être compris. La réponse fait toujours son effet. Et comme souvent, on t'offre le thé.

 

Trois des jeunes (tu dis « jeunes » car ils sont plus jeunes que toi) sont professeurs de maths à Erzurum, et le quatrième est dentiste. Comme souvent, ils sont franchement impressionnés d'un tel voyage, te parlent de ton courage, des risques, ...

 

Du courage ? Tu ne crois pas que le voyageur soit particulièrement courageux. Il sait simplement que si tous les endroits sont différents, la probabilité de tomber sur un endroit dangereux est bien faible. Aller en Iran pour un Turc fait peur. Comme aller en Turquie pour un Belge, ou aller en Ouzbekistan pour un Iranien. Mais tu ne croises pourtant jamais personne qui te dise que sa région ou sa ville soient dangereuses. Le danger est toujours associé à l'inconnu, à l'autre coté de la montagne, ou de la frontière. Il y a pourtant des risques. Jusqu'à présent, le plus gros risque que tu pressens est l'accident de la route. Mais tu ne te sens pas moins en sécurité sur les routes turques que sur les routes françaises.

 

On aperçoit Erzurum de très loin, d'environ 50 km, tellement la plaine est large à cet endroit. La ville est grande, surélevée, adossée sur des coteaux. Tu vas directement vers le centre, et trouves de suite l'hôtel idéal. Deux étoiles pour 25 euros. Tu commences à mieux savoir aborder les villes. Tu ressors vite de ta chambre pour te balader et profites des dernières heures ensoleillées. Si Erzurum est, comme Sivas, une capitale régionale, les deux villes ne se ressemblent pas. Sivas est plus soignée, mieux entretenue. Erzurum est plus négligée : des chaussées mal entretenues, des papiers dans les rues... Sivas serait plus riche, mais tu ne comprends pas pourquoi. En revanche, Erzurum est bien mieux pourvue que Sivas en monuments à visiter. Tu rentres dans plusieurs mosquées, et tu admires leur beauté.

 

Dans le centre ville, plusieurs immeubles ont un panneau à chaque fenêtre pour indiquer un avocat. Les Turcs ne semblent pourtant pas particulièrement procéduriers, et, à nouveau, tu ne comprends pas... Peut-être les formalités administratives demandent elles l'intervention d'avocats ? Tu as remarqué que l'Etat est très présent. Au moindre achat, le vendeur ne te laisse pas partir sans un ticket de caisse, que tu lui laisserais bien. Lorsque tu fais le plein d'essence, le pompiste enregistre ton numéro d'immatriculation sur un terminal informatique. L'Etat semble bien curieux… Peut être le conflit avec la rébellion kurde y est il pour quelque chose.

 

P1000522
P1000522
P1000525
P1000526
P1000528
P1000530
bwd  Serie 1/6  fwd

Tu ne souhaites pas t'attarder à Erzurum. Demain route sur Van, où tu passeras deux nuits avant d'entrer en Iran.

 

LAST_UPDATED2