Entrée au Turkménistan Print
Written by toi   
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Samedi 24 Juillet 2010

Tu pars tranquillement à 8h vers la frontière. Tu crois te souvenir que tu n'as qu'une cinquantaine de kilomètres. Mais les premiers panneaux indiquent finalement près de deux cents kilomètres pour aller à Saraghs, la ville frontière. Tant pis... tu supportes mieux la chaleur, et tu as le temps.

La route est belle. Une ambiance 'western'. Tu cherches les indiens, sur les crêtes. Tu croises un convoi d'une dizaine de camping cars. Tu n'avais plus vu d'Européens depuis au moins quinze jours, à Zanjan. En approchant de la frontière, plus de monde. Mais tu as quitté la montagne pour une morne plaine. Désertique. Tu arrives près de champs d'extraction de gaz naturel. Tu te souviens que ton guide de la veille travaille pour l'extraction du gaz. Peut-être près d'ici... Tu croises encore un Européen en plein désert : un cycliste voyageur. Tu le salues, mais ne t'arrêtes pas. Rapidement, tu regrettes.. tu aurais dû t'arrêter! Tant pis... la traversée de la frontière t'attend.

A Saraghs, tu fais de l'essence puis pars à la recherche du poste frontière. La ville est petite, traversée par des grandes avenues, mais nulle part on ne parle de frontière. Au bout d'un moment, tu demandes, et à nouveau on te guide. Vers une petite rue, qui part de coté, juste à l'entrée de la route de Mashhad. Tu prends cette ruelle, dont la chaussée est défoncée. A une centaine de mètres, l'entrée d'un parking où sont posés deux poids lourds. Des hommes t'appellent... tu te diriges vers eux. La frontière, c'est là!

Coté iranien, les formalités se passent bien. Dans chacun des quatre ou cinq bureaux, tout le monde est chaleureux avec toi. En une heure tout est bouclé : tu peux traverser le pont étroit qui mène au Turkménistan.

Là t'accueillent des soldats en tenue de camouflage. L'officier, un solide gaillard qui n'est pas un rigolo demande ton passeport et cherche ton visa. Pas de visa! Mais tu as un papier de l'ambassade à Paris qui doit te servir à établir ton visa à l'entrée. Il passe deux coups de téléphone, et te rend ton passeport. Demi-tour!

Une explication ? Sur ton papier, il est indiqué que tu dois rentrer par l'autre poste frontière, distant de trois cent kilomètres. Aïe... Tu te méfiais et avais essayé de repérer ce genre d'information, mais tu ne l''avais pas vue. Tu as du mal à décoder le Turkmène. Tu n'es pas plus surpris que cela, et tu fais demi-tour. Ton sergent n'a pas l'air commode, et tu ne l'imagines pas te laisser passer.

Une crainte : si tu rentres une seconde fois en Iran, les Iraniens vont peut-être aussi te refuser car ton visa Iranien est pour une simple entrée. Mais non, tout le monde est triste pour toi, et après avoir expliqué ton histoire, on te remplit à nouveau ton Carnet de Passage en Douanes. Et toutes les formalités d'entrée sont expédiées en une demi-heure.

Tu reprends la route, direction Mashhad. Cette mésaventure va te faire perdre trois jours, rouler un bon millier de kilomètres en plus, mais tu es philosophe... et peut-être reverras-tu le cycliste?

Effectivement. A deux heures de l'après midi, tu rattrapes ton cycliste. En fait, tu crois bien le rattraper à l'endroit même où tu l'as croisé trois heures plus tôt. Mais tu dois confondre : en plein désert, rien ne ressemble plus à un endroit qu'un autre endroit, distant de trente ou quarante kilomètres. Et ton cycliste est tellement chargé qu'il avance doucement.

Vous vous présentez. Tomasz est polonais. Il a la trentaine, un sourire radieux. Il a commencé sont tour du monde en 2006. Vous échangez des infos. Tu parles de l'Iran, de ce que tu en connais. Il te parle du monde entier. Le Kirghizistan où il était en Juin, lors de la guerre civile et dont il gardera un excellent souvenir. L'Indonésie, sont pays préféré. La Colombie, l'un des pays les plus accueillants et les plus sûrs d'Amérique du Sud. L'Amérique Centrale : superbe! Il te déconseille la forêt amazonienne où Michel et Pascale te poussaient pourtant à aller. Te déconseille aussi l'Australie. Les deux sont bien trop monotones.

Vous échangez aussi quelques détails pratiques (sur les monnaies, …). Tu lui laisses ta carte d'Iran qui n'est plus en très bon état, mais tu sais que les cartes d'Iran sont pratiquement introuvables. Il en aura besoin.

Vous échangez aussi les adresses de vos sites web, prenez chacun l'autre en photo. Mais il faut partir. Le soleil tape toujours, vous vous déshydratez et il reste de la route à Tomasz.

Tu es bien content de cette rencontre. Elle valait le détour inutile. Plus jamais tu ne te plaindras de la chaleur. Plus jamais tu ne trouveras la route trop longue. Et quand des personnes te diront que tu es courageux, tu leur parleras de Tomasz. Tomasz qui vient de traverser « à fond » le désert Turkmène, en plein été, avec, comme tout le monde, un visa de transit de cinq jours. Tomasz qui a pu traverser la Chine sans Permis de Conduire Chinois. Tomasz qui monte les cols à quelques kilomètres par heure... Et tu penses à la petite chaîne qui le sépare de Mashhad. Il doit encore y être, avec ses bidons d'eau dont tu n'oserais même pas charger Toeuf-Toeuf.

Toeuf-Toeuf aussi se sent ridicule à coté du vélo de Tomasz. Sa fourche, qui fuit toujours? Les tubes du vélo de Tomasz sont couverts de rouille. Ton pneu arrière est rectangulaire? Ses pneus étaient usés jusqu'au tissu.

Trois heures plus tard, tu retrouves l'hôtel que tu as quitté le matin à Mashhad. Tomasz s'installe, à la belle étoile, comme dab. Toi et Toeuf Toeuf, êtes des petits jeunes bien délicats.

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Dimanche 25 Juillet 2010

Retour vers l'Ouest, par la grande route du Nord. Beaucoup de monde, des usines, des champs, de la circulation. A Quchan, tu montes plein Nord. Sur les cinquante derniers kilomètres, plus personne. Puis, peu de temps avant d'arrivée, quelques poids lourds : la frontière vient d'ouvrir.

La frontière est posée sur un col, près d'un petit village qui aurait disparu, si il n'était devenu le principal poste frontière entre l'Iran et le Turkménistan. Sur les 5-6 derniers kilomètres, une file de poids lourds. Tu les doubles. Tu sais que personne ne t'en voudras, mais tu es triste pour eux. Passer une telle frontière pour ces gens peut prendre plusieurs jours. Deux heures pour toi?

Coté Iranien, les formalités se passent à nouveau sans encombre. Tu commences à connaître la procédure. Tout le monde est courtois, s'intéresse à ton parcours. Au premier bureau, qui est le dernier pour ceux qui rentrent, le policier te demande de t'installer, pour prendre le thé et papoter un moment. Tu n'as pas encore pris de thé ce matin, et tu es ravi. Les chauffeurs routiers qui arrivent du Turkménistan viennent remettre leur formulaire de passage tamponné par chacun des bureaux. Avec le formulaire, chacun d'eux laisse un billet de 1 dollar. Sans qu'on lui demande. Le bakchich que, tu imagines, se partageront les policiers. Tu te demandes si on te réclamera un bakchich. Mais non, ce serait déplacé! Tu aurais presque préféré.

Coté Turkmène, l'ambiance est militaire. Partout les uniformes. Au premier abord, les visages sont fermés, strictes. Mais rapidement, on ose parler un peu avec toi. Mais pas trop, même si ce n'est pas tous les jours que passe un motard Européen. Tu as aussi l'impression d'avoir changé de continent en passant les trois mètres de frontière. Nombreux sont les visages asiatiques, presque 'chinois' pour certains.

On t'établit ton visa sans souci. Pour 69 USD. Tu as lu dans le Lonely Planet qu'il y aura aussi divers taxes routières, assurances, frais de dossier, frais de désinfection, droit d'entrée, … Tu avais calculé environ une centaine de dollars, mais tu ne paieras que 61 USD. Tu t'en sors bien!

A l'un des bureau (la désinfection?), tu arrives derrière un routier qui paye son bakchich. Le montant doit être insuffisant et la tension monte. Mais l'officier sait qu'il aura le dernier mot, et d'autres billets finissent par sortir. Tu restes seul avec l'officier, et l'atmosphère redevient presque chaleureuse. Enfin presque... Mais, à nouveau, on ne te demande de bakchich.

Tu quittes le poste frontière. Tu as du passer par une bonne douzaine de bureaux différents. Deux fois plus que pour l'Iran... On te disait que les choses sont compliquées au Turkménistan!

Le Turkménistan est un désert, le Karakoum avec quelques villes autour. Mais le pays regorge de gaz. Plus qu'il n'en faut pour chauffer la population pendant des millions d'années, tellement il fait chaud, et tellement la population est peu nombreuse. Un dictateur gère à sa manière les affaires du pays. Son portrait est partout. Son empreinte aussi.

Tu descends de la montagne sur Achkabat, seule ville en limite du désert. Une ville fantôme, de science-fiction. Des avenues larges comme des autoroutes, bordées d'immeubles futuristes. Un stade immense. Partout des espaces vides démesurés. Et personne... Tu t'arrêtes sous un pont d'autoroute. Pas un bruit. Un bus passe. Personne à l'intérieur si ce n'est le chauffeur. Pendant que tu lis le Lonely Planet, deux ou trois voitures passent, des japonaises de luxe. Tu essayes de comprendre comment te rendre dans la rue des hôtels. Un piéton passe sous le pont. D'où vient il ? Il parle à peu près Anglais... Tu l'observes. L'homme t'indique une direction, des rues sur ton plan...

Finalement tu prends une contre allée de l'autoroute et après cent mètres, tu découvres la succession d'hôtels – toujours surréalistes- dont parle le Lonely Planet. Tu en fais deux au hasard, trop chers. Tu donnes ton prix : 40 USD, et on t'indique le seul qui peut convenir. Tu retournes 3 ou 4 hôtels en arrière jusqu'à le trouver. Un 4X4 immatriculé en Hollande est garé.

Le hall est immense. Un homme assis et la réceptionniste. Elle est aimable comme une porte de prison russe. La chambre n'est pas bien propre, mais convenable. Tu sors deux billets de vingt dollars. Elle les refuse, au motif qu'ils ont une petite tâche sur le coté. Tu en sors deux autres. Même refus. Tu voudrais payer avec un billet de cinquante, mais elle ne rend pas la monnaie. Tu allais partir quand tu trouves deux autres billets de 20, d'une autre liasse. Ils sont comme neufs. Elle les accepte.

Tu as besoin changer une centaine de dollars, et nous sommes Dimanche. La réceptionniste te prête un billet de 10 Manat (elle a quand même ton passeport en otage) pour que tu payes un taxi pour te rendre au marché russe. Là, tu trouveras un bureau de change ouvert. Elle appelle un taxi 'ami' - un taxi clandestin-. Le chauffeur est plus blond que blond. 100% Baltique, avec un air KGB. Tu essayes d'entamer la conversation, mais le mot qu'il connait le mieux est 'Yes'. Il a des lunettes sombres, regarde toujours devant lui. Même quand il tourne. Mais il n'y a pas de risque : rares sont les voitures que l'on croise. Tu penses aux romans d'espionnage. Tu le laisses te ramener à l'hôtel. Tu aurais pu visiter un peu la ville, mais Las Vegas sans personne dans les rues ni dans les immeubles, ce n'est pas folichon. Et tu n'as pas vu de vrais taxis non plus pour rentrer. Tu préfères aller faire une petite sieste, puis récupérer ton retard en écriture.

Voilà! Tu es à jour dans tes textes, et tu peux descendre pour tester le restaurant de l'hôtel. Si cela ne te convient pas, tu iras avec Toeuf Toeuf chercher un autre restaurant. Il y en avait près du bureau de change, et tu sauras y retourner.

Le restaurant ne sera pas ouvert avant 9 h30. Tu retournes voir la réceptionniste. Petit à petit, elle devient plus avenante.

Pour le petit-déjeuner, quelle heure? On te propose entre 9 et 10 heures. Tu aurais voulu partir tôt. Avant 7 heures? On retourne voir la cuisinière. Elle est souriante et cool.... 6h30? Pas de souci! C'est la première personne qui te semble vraiment agréable dans ce pays si étrange.

Si tu n'avais pas vu le 4X4 hollandais, tu croirais que tu es le seul client de cette hôtel immense. Peut être le seul client des 10 hôtels qui se suivent.

Demain, tu dois prendre la route du Nord, qui tranche dans le désert sur 500 km. Les dunes du Karakum sont paraît-il très belles, mais tu ne veux pas les voir. Tu crains de ne pas pouvoir passer si il y a du sable sur la route. Ou de tomber et de détruire tes sacoches. Toeuf-Toeuf est bien trop chargée et son pneu arrière bien lisse. Il faudra que tu fasses le changement. On verra bien... La prochaine fois, tu feras plus attention dans le choix de ton itinéraire quand tu demanderas un visa de transit.

Tu pensais initialement passer deux jours à Achkabat, mais tu n'as pas envie d'approfondir. Cinq minutes suffisent pour avoir une indigestion de bâtiments loufoques. Le taxi t'a indiqué qu'il s'agirait d'habitations. Pour reloger les nomades? Tu as besoin de quitter ce monde insensé.

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