Route Sibérienne (suite et fin) Print
Written by toi   
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Dimanche 5 Septembre 2010

 

Tu quittes l'hôtel après une nouvelle séance d'Internet. Mais tu n'as trouvé aucune nouvelle information à propos des ferries vers le Japon. Seulement des vieux messages sur les forums de voyage. Tu les avais déjà lus alors que tu étais encore en France.

 

Tu tournes un peu dans un quartier d'habitations à la recherche d'un distributeur de billets. De grands immeubles, type 'HLM' dont le rez de chaussée est occupé par des magasins. C'est Dimanche, mais tous les magasins sont ouverts. Les banques aussi.

 

Les gens font leur courses, tranquillement. Personne ne fait attention à toi. Tu as déjà vu passer deux motos japonaises et Toeuf Toeuf n'intéresse pas autant que dans les campagnes. Depuis l'Asie Centrale, tu as aussi remarqué que les vieilles motos Russes (souvent montées en side-car) sont totalement absentes des grandes villes. On devait les considérer comme des engins 'agricoles', et elles ne connaissent toujours pas l'exode rural

 

En revanche, quand tu essayes de te renseigner, c'est exactement comme à la campagne : personne ne comprend le moindre mot d'Anglais. Heureusement, les deux mots russes nécessaires sont simples à retenir : « bank » et « bankomat ».

 

On te demande toujours si tu es Américain. L'image d'un monde bi-polaire a conservé une place de choix dans la conscience collective.

 

L'Anglais est partout sur les messages publicitaires, sur les tee-shirts. Souvent dans les chansons. Mais il est purement décoratif. De la même façon que tu as du mal à retenir le russe, l'alphabet cyrillique doit être un frein à l'apprentissage des langues étrangères par les Russes. On retient mieux ce que l'on lit.

 

Finalement, tu trouves un distributeur non pas à l'agence d'une banque, mais dans un supermarché. Tu achètes aussi un peu d'eau pour la route.

 

La dernière partie de route est bien différente des 3000 km déjà effectués depuis Ulan Ude. La route est bonne mais plus ancienne, moins large. Tu traverses aussi de nombreuses localités. La circulation est bien plus dense. Plus de risque non plus de tomber en panne d'essence car tu dois trouver en moyenne une station tous les vingt kilomètres. Souvent plusieurs d'affilées.

 

Cette « côte-Est » de la Russie est un peu comme la Californie : un pays à part que l'on atteint après la traversée d'un centre désertique. Un pays qui semble plutôt riche, développé.

 

Le climat et la température ont aussi changé. La végétation témoigne de la douceur de l'hiver. Il y a deux jours, tu contournais l'extrême Nord de la Chine, et tu étais à une latitude proche de celle de Londres. Aujourd'hui, tu es au niveau du Sud de la France. Demain, Vladivostok, qui doit être à la latitude de l'Espagne. Mais tu es sur une côte océanique orientale : à cause des courants froids, Vladivostok n'est pas Barcelone.

 

Tu ressens aussi la chaleur en roulant. C'est bien agréable. Tu fais deux pauses rapprochées : la première pour déjeuner, et la seconde pour prendre un café et un dessert. A la caisse, tu hésites entre un fruit et un paquet de gâteaux. Tu choisis le fruit. La caissière t'offre les gâteaux... Un enfant gâté.

 

Le passage des 40000km pour le compteur de Toeuf-Toeuf, et celui des 20000km effectués depuis le départ. Les 15000 étaient il y a moins de 10 jours. En France, tu n'aimes pas conduire, que ce soit en voiture ou en moto. Là, tu n'y fais plus attention... Mais tu seras heureux de faire une longue pause à Vladivostok, puis de rouler plus tranquillement au Japon.

 

Le soir, au moment de chercher un hôtel, tu te renseignes dans un garage. La vendeuse, une jeune et grande dame essaye de t'expliquer comment rejoindre l'hôtel, éloigné de la route principale. Arrive un homme, plus âgé mais tout aussi grand et aussi large qu'elle. Ils ont l'air de bien se se connaître, d'être amis. Ils discutent du haut de leur 1m90. Ils ont l'air très doux, un peu embarrassés de leurs corps si grands.

 

Finalement, la femme vient vers toi et t'explique que cet ami va te guider jusqu'à l'hôtel.

 

Vous rentrez dans un joli petit village ouvrier. Tout a l'air bien étudié, bien construit. Bien agréable aussi. Les vieilles cheminées d'usine ne font pas désordre. Une sorte de « site modèle », où il faisait bon vivre la révolution prolétarienne. Ici, les rues sont goudronnées et les mères de famille circulent avec leur landau sur des trottoirs, à l'ombre des rangées d'arbres. Rien à voir avec les villages de campagnes perdus dans la Sibérie.

 

A deux reprises, des oeuvres d'art : des statues qui représentent des ouvriers, ou des mineurs. D'autres enseignes témoignent aussi du passé soviétique.

 

Vous arrivez devant un petit immeuble. Aucune inscription pour indiquer un hôtel mais ton guide te fait rentrer. Il trouve une dame qui répète à plusieurs reprises « niet ». Il ne doit plus avoir de chambre libre.

 

Vous repartez, prenez des chemins de terre et arrivez à un bâtiment moins joli. Un homme est assis devant. Tu comprends que « niet problem »... Tu dois être dans un « bed and breakfast ». Vous rentrez tous les trois. Une femme s'active au rangement et un autre homme arrive. Il a tout l'air d'avoir bien bu. La situation ne te plait guère. A ton guide non plus. Il te fait signe de repartir. Tu apprécies bien cet homme : grand, calme et souriant.

 

Finalement, vous arrivez au parfait hôtel de campagne, au milieu d'une grande pelouse verte. Un vrai hôtel, propre, avec des chambres, des douches et un bon restaurant... Pas d'internet, mais il ne faut pas être trop exigeant.

 

Les touristes étrangers ne doivent pas être bien nombreux ici, et tout le monde est prévenant avec toi. Tu as entendu ton guide insister pour la sécurité de la moto et on te fait rentrer Toeuf Toeuf dans la chaufferie sous l'hôtel.

 

 

Lundi 6 Septembre 2010

 

Tu vois un panneau « Vladivostok-333km » peu de temps après avoir quitté l'hôtel. Tu savoures ces derniers kilomètres. Pour la première fois depuis le début du voyage, tu as l'impression de finir un chapitre estival : le bloc « Eurasie ». Le Japon, c'est un peu à part...

 

Mais si le nombre de kilomètres est faible, tu mets du temps à les parcourir. La circulation est de plus en plus dense. Les agglomérations se succèdent. Les zones de travaux aussi. Tu trouves même des embouteillages.

 

Des vendeurs – surtout des vendeuses - de fruits et légumes ont installé leurs étalages sur le bord de la route. Ils proposent des pastèques. Aussi des tomates, des champignons et des oignons. Les dames sont parfois des grand-mères, habillées comme des « poupées-russes ». Tu n'oses pas t'arrêter pour les photographier. Il y a aussi des femmes plus jeunes. Elles lisent généralement un bouquin en attendant le chaland. Elles sont des dizaines à chaque abord de village.

 

Les barrages de police sont bien nombreux dans cette région. Peut-être une dizaine dans la journée alors que tu n'en voyais pas jusque là. Tu seras toi-même arrêté peu de temps avant d'arriver à Vladivistok. Juste pour te demander « Where are you from? ».

 

Tu passes le panneau « Vladivostok ». Tu vois l'océan Pacifique. Un peu d'émotion quand même...

 

A nouveau, tu es surpris par la taille de la ville. Tu suis une « rocade », sans trop savoir où aller. Au port pour prendre des renseignements sur les départs de bateau ? Ou alors au moto-club dont André, le géant finlandais croisé au Kazakhstan, t'avait donné l'adresse ?

 

Tu n'avances plus. Trop d'embouteillages. Tu quittes la rocade. Tu décides de demander à un homme assis si il connait l'adresse que tu as notée. Sans trop y croire. Coup de chance, il est chauffeur de taxi et possède des cartes de la ville. Il t'explique comment t'y rendre. Environ 7km.

 

Arrivé sur place, le bâtiment semble fermé. Un grand hangar. Le magasin est effectivement fermé le Lundi, mais la porte s'ouvre et Mikaïl sort. André t'avait parlé de Mikaïl... la personne qui parle Anglais! Tu es le bienvenu. L'hébergement est gratuit. Il t'explique où trouver à manger, où te laver, … Tu pourras aussi travailler sur Toeuf Toeuf, ou faire appel à leurs services si besoin. Tu as effectivement prévu une bonne révision... Mikaïl te parle d'André, mais aussi de David qui est passé la semaine dernière. Il sait aussi que la bande des quatre va bientôt arriver! Le monde est petit.

 

Le hangar est sur plusieurs niveaux. Des motos par dizaines. Des japonaises et beaucoup de Harley. Mais aussi des vêtements, des pièces détachées, ... Un petit bazar vertical. Tu dormiras dans la pièce du haut, dans la salle « musique ». Les Iron Tigers ont aussi leur groupe de rock.

 

Le magasin « Vladmoto » et les membres du club « Iron Tigers » de Vladivostok sont célèbres dans toute la Russie. Le réseau des motards russes est chaleureux et généreux. Tu l'avais déjà vérifié à Barnaul. Tu es surpris par sa simplicité. Mikaïl te laissera les clés de l'endroit. Tu pourras utiliser l'eau, les outils, l'ordinateur… Il n'a jamais entendu parler de toi. Mais il ne se pose pas de question.

 

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