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Written by toi   
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Mardi 7 Septembre 2010

 

Pause. Repos. Grasse matinée. Dormir. Ne rien faire, ou presque. Aujourd'hui, tu n'as pas posé tes fesses endolories sur la selle de Toeuf Toeuf. Tu as eu l'intention un moment de te rendre au centre ville, pour passer au bureau de la compagnie maritime, mais il était déjà trop tard et tu as remis cela au lendemain. Il y aurait peut-être deux bateaux par semaine. Le premier le Lundi, le second le Samedi, ce qui t'arrangerait bien. Tu verras demain.

 

Tes activités sont donc limitées : nettoyage de la moto, démontage des caissons et diverses petites interventions sur Toeuf Toeuf, qui mérite quelques soins.

 

Le seul vrai souci reste les caissons qui se déchirent. Tu veux les permuter, mais Andreï te le déconseille. Il pense qu'il vaut mieux les réparer, et conserver le positionnement actuel. Garder la carte « permutation » pour le futur. Il t'emmènera demain chez un soudeur qui les remettra d'aplomb. OK pour attendre et pour voir le résultat.

 

Et puis, tu profites bien du Wifi d'une société voisine pour être à jour de tes activités internet : mails et site web.

 

Les discussions autour de toi sont toujours en Russe. Tu n'y comprends rien, mais tu aimes bien entendre cette langue. Une fois, le ton monte et tu te dis que tout n'est pas toujours rose dans le monde des blousons noirs. Mais cinq minutes plus tard, ils sont tous à discuter comme des frères autour de la grande table de la salle de réunion du club.

 

Tes hôtes sont des motards. Aussi des personnes qui aiment les voyages. Ils sont aussi des amateurs de pêche. Tu iras peut-être demain soir avec eux pour une partie de pêche aux calamars.

 

Dans la journée, les clients passent. Tu ne sais pas toujours si il s'agit de clients ou de copains. Ceux qui parlent anglais s'intéressent à ton voyage, te racontent leurs propres expériences. Les motards Russes parlent en moyenne bien mieux l'Anglais que leurs compatriotes à quatre roues.

 

En fin d'après midi, tu entends Mikaïl parler en Anglais. Il est au téléphone avec la bande des quatre. Probablement Johan, le « guide » de la bande. Ils sont à trois cent kilomètres de Vladivostok. Comme toi il y a deux jours... Tu es content de les retrouver demain.

 

 

Cette pause est aussi l'occasion de faire le point après la traversée d'un continent. Tu es heureux de ce voyage.

 

Souvent, tes amis te souhaitent de trouver ce que tu recherches. Tu ne crois pas rechercher quelque chose de particulier. Tu veux juste vivre. Apprendre, rencontrer, découvrir. Et ce voyage te comble chaque jour. Même si les relations restent superficielles. Même si il n'y a rien d'extraordinaire dans ce que tu découvres.

 

Ta vie de sédentaire était depuis trop longtemps devenue une routine complexe. L'approfondissement, l'optimisation, la recherche de la perfection, tout cela te lassait. Ta vie aujourd'hui est bien plus simple.

 

Tu es juste un peu déçu d'être allé trop vite. L'idéal aurait été de partir un mois ou deux plus tôt. Mais tu profiteras davantage du reste du voyage. Et puis, tu reviendras plus tard dans ces pays trop vite traversés. Ils ne sont pas si loin de chez toi.

 

Tes « carnets de voyage » : tu ne pensais pas que ton site pourrait autant intéresser. Tu es surpris. Tu n'as jamais été doué pour l'écriture et tes « aventures » sont assez ordinaires. Tu espérais que tes enfants, tes parents et aussi quelques amis te lisent, mais le cercle des lecteurs s'est beaucoup élargi. C'est tant mieux. Tu te rends utile. Cela te force aussi à une certaine discipline. A écrire chaque jour. Ou, plus souvent, chaque nuit.

 

La journée est passée bien vite. Tu as l'impression de n'avoir rien fait. Il faudra être plus efficace demain.

 

 

Mercredi 8 Septembre 2010

 

Un peu de rangement, de ménage, de linge à nettoyer. Puis démontage du tableau de bord de Toeuf Toeuf qui ne tient plus. Alexander de donne une colle pour « plastique » pour recoller les attaches cassées. Il faut 12 heures pour polymériser. Une courte visite chez le soudeur pour les caissons. Un atelier sous un immeuble. On y descend par un escalier défoncé, envahi par les herbes sauvages. Aucun panneau... Le soudeur est franc : il déconseille la soudure. Il vaut mieux riveter des plaques de renforcement. Cela peut être effectué au moto-club.

 

Tu vas au centre ville en taxi. Il y a bien un bus, mais son passage est aléatoire. Tu pourrais attendre la journée.

 

Au port, que des mauvaises surprises : la société Bisintour qui exploitait le navire entre le Japon et Vladivostok n'existe plus. Celle qui a repris la ligne propose un seul départ hebdomadaire, le Mercredi. Les passagers commencent à arriver pour l'embarquement... Donc rien avant Mercredi prochain, sauf pour la Corée. Une autre compagnie ne propose que des lignes sur la Corée.

Seconde mauvaise nouvelle : le prix. $500 uniquement pour la moto. A cela il faut rajouter au moins $300 pour le passager et presque $200 pour des frais annexes. L'absence de concurrence. Les prix sont 40% plus bas pour la Corée où deux compagnies se partagent le marché.

 

Tu collectes les informations, et tu décideras demain. Tu as pris rendez vous pour Vendredi pour commencer les formalités de douanes. D'ici là, tu peux aussi essayer de trouver une alternative par un autre port.

 

Tu te promènes en ville. Vladivostok l'été ressemble beaucoup à San Francisco. Les rues montent et descendent, des vieux immeubles, souvent jolis, une température douce, un port militaire...

 

Toutes les voitures sont japonaises à l'exception de quelques coréennes. Tu ne vois qu'une seule Renault Logan et deux-trois Audi en quelques heures. On ressent fortement l'influence japonaise. Tous les produits électroniques ou mécaniques proviennent du Japon. Même certains produits alimentaires... Seule la police est équipée de véhicules russes.

 

Retour au moto-club. Alors que tu vidanges ton moteur, la bande des quatre débarque. Beaucoup de choses à se raconter depuis le Kazakhstan.

 

Le soir, sortie « pêche » avec Max, Mikaïl, Christian, … et d'autres membres des Iron Tigers. L'un d'eux est moniteur de plongée. Il peut emprunter le bateau de son club et nous sommes 8 à embarquer pour pêcher des calamars.

 

La pêche au calamar dure toute la nuit. Mais elle se prépare longuement : longues discussions à propos du choix des appâts – hameçons, courses alimentaires pour la nuit, fabrication d'un matériel d'éclairage à base de batteries et de blocs phares de motos, etc...

 

On embarque vers 20h. Retour vers 5h. Tu as juste oublié de t'habiller et te de chausser en conséquence. Tu auras froid toute la nuit, malgré un sweat-shirt que tes amis te prête. Vous rejoignez, à une cinquantaine de kilomètres du port deux autres bateaux qui se livrent au même loisir que vous. De chaque bateau, on entend plaisanteries et rigolades. Les Russes sont des bons vivants. La pêche au calamar est avant tout un moment à passer entre copains.

 

Le butin de la nuit consiste en une cinquantaine de kilos de calamars. Pour ta part, tu n'auras attraper qu'une seule pièce. Pas terrible. Tu as aussi trouvé le moyen de perdre la vis de frein du moulinet que Mikaïl t'avait prêté. Mais tu auras bien profité d'une nuit pendant laquelle tes compagnons se sont bien amusés. Même si tu es heureux d'aller te réchauffer au petit matin.

 

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Jeudi 9 Septembre 2010

 

Levé tôt pour aller au port avec la bande des quatre. Comme toi, ils doivent rejoindre le Japon, mais ils ont un autre souci : leurs visas expirent Vendredi, avant le prochain bateau. Les histoires de papiers en Russie sont déjà bien compliquées quand on est en règle. Ils doivent donc prendre le premier bateau, que la destinatin soit la Corée ou le Japon.

 

Les formalités sont plus complexes à Vladivostok que partout ailleurs. Pour Zarubino, l'autre port russe d'où partent des ferries, il est suffisant d'arriver le jour même pour effectuer toutes les démarches de douanes et de police. En revanche, deux à trois jours sont nécessaires à Vladivostok. Personne ne sait pourquoi. Malheureusement, le bateau de Samedi part justement de Vladivostok pour la Corée.

 

Finalement, un détour par la Corée te plaît bien. Vous achetez les billets. Le coût des deux traversées est équivalent à celui de la liaison directe.

 

En fin de journée, tu vidanges l'huile de ta fourche et tu termines l'entretien de la moto. Andreï et Alexander t'aident quand tu as besoin. Ils réparent aussi tes caissons latéraux en ajoutant une plaque d'aluminium pour la consolider. Du beau travail.

 

Un petit tour pour tester la moto. Une mauvaise surprise : le compteur de vitesse que tu as dû partiellement démonter ne fonctionne plus. Tu le remontes une seconde fois, mais toujours rien... Tu essayeras de le remplacer au Japon. La fonction « compteur journalier » avait déjà lâché en Turquie, et il était dans tes plans d'essayer de le remplacer.

 

L'huile de fourche est plus épaisse que la précédente (grade 10 au lieu de 5). Tu sens une grosse différence dans la suspension. Pourvu que les joints spi supportent la pression. Et tes bras la fatigue.

 

Le soir, la bande des quatre revient d'une après midi passée au bureau de l'Immigration. Ils ont réussi à prolonger leurs visas de trois jours. Tout le monde discute autour de bières. Du thé pour les Russes. Nos hôtes ne boivent aucune goutte d'alcool quand ils doivent conduire. Cette rigueur chez des gens plutôt fantasques te plaît.

 

Chacun raconte ses aventures, ses voyages, ses projets. On parle aussi des autres moto-clubs russes. Il y en a dans toutes les grandes villes du pays. Faire le tour de la Russie est déjà une grande aventure. De longues routes, mais aussi des espaces énormes sans personne, et sans goudron.

 

Dans la pièce du haut, Andreï joue de la guitare électrique. Tu apprécies bien Andreï. Avant d'être mécanicien, il était cheminot. Un jour, il a décidé de changer de vie et est devenu mécanicien moto. Il a tout du père de famille pépère et doux. Mais il est aussi motard et rocker. C'est lui qui vient te voir régulièrement pour te demander si tu as besoin de quelque chose. Qui t'aide à régler les soucis que tu rencontres. Ton ange gardien.

 

L'hospitalité dans les moto-clubs russes est la règle. Tu en profites mais tu apprécies surtout la simplicité des choses. Une générosité sans calcul. Une confiance totale. Tu espères bien qu'à ton retour, ta grande maison hébergera aussi ces motards, ou d'autres voyageurs.

 

Tu ressens que tu as une nuit à rattraper. Tu abandonnes tes amis pour aller dormir.

 

 

Vendredi 10 Septembre 2010

 

Rendez vous à 9h au port pour les formalités douanières. On est un peu en avance. On attend.

 

10h. On déplace les motos devant l'entrée de la douane. Les personnes de la société maritime photographient les plaques et des numéros de châssis avant de les rentrer dans la zone sous douane. Au revoir Toeuf Toeuf! Puis retour au bureau de la compagnie maritime, où l'on attend. Vers 11h, Johan et Steen peuvent aller à la douane avec Katia, qui est chargée de nous aider dans nos formalités. Vous restez trois à attendre.

 

12h. La bande des quatre à rendez vous au bureau de l'Immigration. Kun et Bavo s'y rendent. Tu restes seul à attendre.

 

13h. La bande des quatre revient. Ils ont leurs visas. Mais Johan et Steen ont attendu pour rien à la douane. Vous attendez à nouveau tous ensemble. Probablement que l'on vous dise de retourner à la douane.

 

Tu es devenu un expert en attente. Tu serais capable désormais d'attendre des jours sur la même chaise. Un long apprentissage pour en arriver là. Tu n'imaginais pas que tu avais, cachée en toi, une telle capacité.

 

13h30. Vous sortez boire un coup sur la terrasse du terminal maritime. Tu testes l'attente « outdoor ». A la radio, une chanson sur cinq ou dix est en Français. Les Russes adorent écouter des chansons Françaises. Davantage que les Français. Tu réalises que tu ne sais plus ce que tu attends.

 

14h. Vous retournez attendre à l'intérieur.

«

    • Qu'attendons nous ?

    • Des informations de la part de la douane. Les douaniers sont très occupés et ils nous téléphoneront ici, au port, quand vous pourrez passer.

    • Compris. »

 

15h. Un peu d'action : on vous demande vos cartes d'Immigration pour en faire une copie.

 

16h. Tout s'accélère. Vous prenez une voiture pour vous rendre au bureau des douanes de Vladivostok. Vous allez, sans passer par la salle d'attente, jusqu'au bureau des coups de tampons. Tu passes en premier. Un bureau avec cinq ou six employées. Partout, sur les bureaux, parterre, des piles de dossiers. Souvent de plus d'un mètre de haut. Tu es assis devant une dame en uniforme de douanier. Elle ne te regarde pas. Elle poursuit la consultation de ton dossier.

 

La dame n'a pas l'air commode. Rien ne lui va. Tu le vois à ses grimaces. Les formulaires ne sont pas complètement remplis et Katia se fait taper sur les doigts. Manque le numéro du moteur. Chance : tu l'as dans ton Carnet de Passage en Douanes. Quelle puissance le moteur ? Tu donnes la puissance fiscale, mais cela ne convient pas du tout. Elle croit que tu te moques d'elle. Le temps que tu trouves la puissance réelle, la dame passe à la question suivante : où est ta « registration » pour Vladivostok ? Quelle est ton adresse ? Tu réponds que tu es logé dans une « Guest House », dont tu ne connais pas l'adresse. Cela ne plait pas non plus. Une longue grimace. Tu sors d'anciennes fiches de « registration » pour les hôtels de Chita, Ulan Ude.... Elle ne les regarde pas mais paraît s'en contenter. Elle passe de longs moments à vérifier les photocopies du passeport, de la carte grise,... Tu en profites pour prendre une photo des piles de dossiers sur le sol. En cachette. Tu voudrais bien lui demander si tu peux photographier ses mains, mais tu n'oses pas. Toutes ces dames ont de longs (faux?) ongles bien travaillés. Elles ont aussi des jupes très courtes. Tellement remontée pour l'une d'entre elles que l'on croirait une mini-jupe. Andreï t'avait dit que les filles de Vladivostok sont belles. C'est vrai. Tu observes le visage de la dame qui s'occupe de ton dossier. Peut-être est elle agréable dans le civil ? Tu aimerais bien le savoir.

 

Finalement, tout semble s'arranger, et tu laisses ta place au suivant. Pour la bande des quatre les formalités se passent beaucoup mieux. Tout au moins plus rapidement.

 

Tu sors prendre l'air. Le bureau des Douanes est au dessus du port des marchandises. Des bateaux en provenance du Japon ou de Corée, on débarque des automobiles, ou des engins de travaux publics. Parfois, les bateaux repartent avec des rouleaux de tôle d'acier. La valeur ajoutée n'est pas la même.

 

18h. On t'appelle. L'ensemble de la bande des quatre est passée en une demi-heure. Le même temps que pour ton seul dossier. La dame doit sentir la fin de la journée arriver. Elle vient vous remettre vos dossiers. A tous sauf à Bavo et à toi. Motif : la photo avec le numéro du châssis n'est pas visible. Vous devrez revenir demain! Troisième journée d'administration consécutive pour Bavo. Toi, tu as eu une demi journée de repos hier après midi. Tu n'es pas à plaindre. Katia vous informe aussi que le bateau partira non pas Samedi, mais seulement Dimanche.

 

Vous cherchez un taxi qui accepte que vous montiez à cinq, et dont le prix n'est pas exagéré. Le coût normal devrait être 200 ou 250 roubles. Il faut à chaque fois négocier. Johan est le négociateur du groupe. Le temps de trouver la perle rare, vous rejoignez la « box » à 19h. Tu souhaitais rentrer le plus vite possible pour faire tes adieux à Andreï. Andreï se rend pour le weekend à un rassemblement de motards, et il ne travaillera donc pas ce Samedi.

 

Les moto-clubs russes organisent souvent des rassemblements à « l'américaine ». Il y en a quatre ou cinq rien que pour le « far-east » russe. Le plus célèbre est celui de Vladivostok qui se tient début Octobre. Des milliers de motards affluent de tout le pays, et aussi de l'étranger, sur le centre ville. Là, Mikaïl donne le départ d'une longue procession à travers la ville. Les autorités jouent le jeu et bloquent la circulation pour l'évènement. Puis, tout le monde se retrouve pour faire la fête, écouter de la musique, boire un peu de bière. Certains de ces rassemblements se finissent sur les plages.

 

Deux rassemblements sont aussi organisés pour l'ouverture et la fermeture de la saison. L'hiver est très rude. Il faut fêter la sortie de l'hibernation, et aussi -moment plus triste- la fin de la saison estivale. Beaucoup de choses s'arrêtent pendant l'hiver. La baie de Vladivostok est sous deux mètres de glace, la ville souvent sous la neige. L'année dernière, la température est descendue à -35°C. C'est dur à imaginer alors qu'il fait encore plus que 25° mi-Septembre.

 

20h Vous allez diner dans un restaurant chinois. Tu n'as rien mangé depuis la veille. A la fin du repas, Andreï passe vous faire un dernier adieu.

 

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