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Samedi 9 Octobre 2010

 

 

Tu n'es pas franchement à l'aise sur la moto que tu as loué. Pas trop pour la position, ni pour la faiblesse du moteur que pour la circulation. Rouler à gauche n'est finalement pas très compliqué : il y a tellement de trafic qu'il suffit de suivre le flux. Se diriger ? Les indications sont rares, pas toujours pertinentes, mais il suffit de s'arrêter pour interroger quelqu'un.

 

Non, le principal problème reste la densité de circulation. En ville, tu es noyé autour d'un nuage d'autres motocyclistes. Tu n'as pas l'habitude d'être ainsi entouré et il faut un moment d'adaptation avant de saisir les règles, de comprendre les usages.

 

Les motos, ou « motors » sont en Indonésie bien plus nombreuses que les voitures, ou « mobils ». Peut-être dix fois plus nombreuses. Elles servent à tout transporter et, entre autre autres, les familles. Il n'est pas rare de voir un couple avec un ou deux enfants sur un petit scooter. Mais on ne voit jamais de grosses cylindrées. Ta 125 Honda fait office de « grosse moto ».

 

Yogyakarta s'étend le long des routes. Ce que tu croyais être le centre, est finalement le centre du centre. Il faut une bonne demi-heure pour quitter la zone urbaine. Tout le long, des magasins, dont beaucoup de distributeurs Yamaha ou Honda qui ne vendent que des scooters. Tu t'arrêtes devant un marchand d'accessoires pour acheter une paire de gants. Tu voulais « pas cher », et tu payes moins d'un euro. Le « pas cher » était superflu.

 

Après une vingtaine de kilomètres, tu pars vers l'Ouest par des routes secondaires, direction le temple de Borubudur. Rouler sur des petites routes est tout de suite plus agréable. Non seulement la circulation devient raisonnable, mais tu apprécies le paysage, les champs. Cela faisait longtemps que tu n'avais plus approcher la nature.

 

Borubudur est l'un des lieux les plus visités d'Indonésie, et c'est le weekend. Tu espérais trouver le calme en t'éloignant de Yogya, mais ce sera pour une autre fois.

 

Deux entrées : l'une pour les Indonésiens, classique, et l'autre pour les « internationaux ». Un petit pavillon qui a un look « entrée VIP ». Le prix aussi a été adapté : $2 pour les nationaux et $15 pour les étrangers. Tu t'es (involontairement) trompé de queue, et une charmante hôtesse vient tout de suite te remettre sur le droit chemin en t'expliquant que par l'entrée des touristes, tu auras droit à un café gratuit.

 

Le temple est massif : une sorte de pyramide à base carrée, avec des galeries périphériques sur trois niveaux. Chaque galerie comporte sur ses deux cotés des bas-reliefs relatant la vie de Bouddha. Une sorte de longue bande dessinée en relief. Des kilomètres de bande dessinée. Les bas-reliefs sont très bien conservés pour leur âge. Ils devaient être magnifiques il y a mille ans...

 

La visite terminée, le flux de touriste est conduit dans un dédale étroit de boutiques de souvenirs. Pas moyen de s'en échapper. Un guet-apens de plusieurs centaines de mètres. A chaque mètre un « Hello Mister », des breloques, des batiks, des cartes postales ou des Bouddhas noyés dans du plexiglas. La vie de touriste est difficile.

 

Sorti de l'interminable tunnel, tu rentres dans une gargote pour boire et manger un morceau. Tu discutes avec tes voisins, une famille de l'Est-Java venue pour le weekend. Quand ils ne sont pas à la pêche au touriste, les Javanais sont extraordinairement gentils.

 

Tu regardes ton guide. Tu décides de poursuivre par Selo, un petit village au pied du Merpati, le volcan actif qui domine la région. Tu as loué la moto pour deux jours sans programmer ton itinéraire et tu improvises un peu.

 

Au fur et à mesure que tu t'approches du volcan, l'altitude augmente. La fraîcheur aussi. Tu réalises que tu n'es pas équipé. Tu crains la pluie, mais tu as de la chance : l'orage te précède et tu arriveras sec.

 

A Selo, tu recherches un endroit pour dormir. Un jeune homme te conduit vers un « hôtel » : le « Ratri Home-Stay ». Le lieu a du charme, de l'originalité. Le patron a aménagé et décoré lui-même son établissement. Il est plus artiste que plombier mais tu apprécies l'endroit.

 

Tu te renseignes pour l'ascension du volcan. Tu craignais que ta question surprenne, mais l'ascension du Merpati est ici l'activité touristique classique, voire unique. On te propose un guide pour $15, ou pour $25 si il parle Anglais. Tu te rappelles que tu sais très bien parler avec les mains.

 

L'ascension commence à 1h du matin, de façon à savourer le lever du soleil au sommet. Tu vas te coucher tôt pour récupérer un peu. Mais avant, tu fais un tour dans le village qui s'étale sur le flanc des deux volcans, de chaque coté du col. A chaque rencontre, tu as droit à un « hello » et à des rires. Le touriste reste une bête bizarre. Qui fait rire. Tu rigoles aussi.

 

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Dimanche 10 Octobre 2010

 

A 1h, tu retrouves ton guide. Ou plutôt tes guides, car dans la nuit sont arrivés trois jeunes. On t'explique que la règle est un guide pour maximum trois personnes.

 

Vous montez donc à six avec vos frontales Petzl. Tu discutes avec les trois jeunes : Monika et Lucie sont Tchèques, et Publio est Brésilien. Ils étudient ensemble à l'Université de Solo, la ville proche, dans un programme subventionné par le gouvernement Indonésien. Ils apprennent l'Indonésien, mais suivent aussi différents cours artistiques : batiks, musique, danse,... Ils commencent juste leur année d'étude.

 

Publio vient de passer un an en Inde, dans une école gérée par une ONG pour les réfugiés bouddhistes du Bangladesh. Il connait bien le bouddhisme. Monika était enseignante dans le primaire et, comme toi, elle a pris une année sabbatique. Tu ne sais pas ce que faisait Lucie, mais elle a un grand sourire. Tous trois ont une voix douce. Ils sont heureux de leur vie Indonésienne.

 

La montée est un peu difficile, mais vous parlez tout le long et vous arrivez près du sommet sans vous en rendre compte. Il pleuvine. Cela pourrait être pire, mais vous êtes trempés. Vos guides arrivent à démarrer un petit feu et vous vous regroupez autour des flammes fragiles.

 

Après une bonne heure passée autour de ce feu, vous réalisez qu'une lumière diffuse annonce le lever du soleil. Vous montez jusqu'au « plateau », au pied du dernier cône du volcan. Vous prenez quelques photos, dans le brouillard.

 

Il ne pleut plus et le vent vous sèche. En quelques minutes, vous apercevez un coin de ciel bleu, puis les autres volcans des alentours, puis... tout se dégage et vous avez droit à un grand ciel bleu. Et à un beau spectacle. Aussi inespéré que magnifique.

 

Le soleil vous rend euphoriques. Vous voudriez atteindre le sommet qui n'est plus qu'à 200 mètres, mais vos guides vous le déconseillent. Le Merpati est actif, et l'épaisse fumée soufrée qui en sort est rabattue par le vent sur le chemin d'accès. Tant pis... vous profitez de l'instant. Vous êtes déjà heureux que les nuages se soient dissipés au bon moment.

 

Le retour au village est bien différent de l'ascension. Vous découvrez le chemin que vous aviez suivi dans la pénombre. Plus vous descendez, plus la végétation est dense. Certains endroits sont un peu exposés, mais vous ne deviniez rien du relief de nuit.

 

A l'hôtel, un petit déjeuner vous attend. Tes compagnons vont retourner vers Solo, et tu reprendras ta petite moto. Ils t'invitent à séjourner à Solo, mais tu ne sais pas encore ce que tu feras de tes derniers jours en Indonésie. Pourquoi pas... tu aimerais en savoir plus sur leurs études, leur vie. Tu aimerais passer plus de temps en leur compagnie.

 

Tu reprends la route direction Prambanan, l'autre temple important de la région de Yogyakarta. Le soleil est toujours présent. En cherchant à te repérer, tu réalises que ce n'est pas le soleil que tu connais : il est midi, et il n'indique pas le Sud, mais la verticale! Sa course est directe, d'Est en Ouest, en passant par la verticale. Tu es un peu perturbé mais il faut s'y faire. En Australie, au Chili, il n'indiquera ni le Sud, ni la verticale, mais le Nord. Tu n'avais jamais pensé à cela...

 

Prambanan est un vaste site qui regroupe plusieurs temples Hindous. Ils ont été construits à peu de chose près en même temps que Borubudur. Tu ignorais que Bouddhisme et Hindouisme avait ainsi cohabité.

 

Le plus grand temple est dédié à Shiva. Des grandes tours verticales. Il y a aussi quelques bas-reliefs, mais bien moins nombreux qu'à Borubudur.

 

Comme à Borubudur, de nombreux touristes indonésiens et quelques occidentaux qui ont aussi leur entrée et leur ticket VIP. Tu croises une jeune italienne solitaire qui parle Indonésien. Elle semble fatiguée des sollicitations des gens qui souhaitent la photographier. Tu repenses à la fille Hollandaise que tu as rencontrée à Yogyakarta et qui avait le même souci. Une grande fille blonde que Monika connaissait aussi pour l'avoir croisée un jour après toi. Le monde est petit.

 

Tu t'en doutais un peu... la jeune italienne est aussi étudiante à Solo, et elle connait bien Publio, Monika et Lucie. Vous papotez un moment, puis vous vous quittez pour vous retrouver à nouveau sur le site d'un temple peu visité car bien éloigné de l'entrée. Le temple est bien abimé. Probablement le tremblement de terre de 2006. Tu es content d'avoir de la compagnie, car la marche au milieu des vieilles pierres, sous un soleil de plomb, est un peu difficile.

 

Arrivée à la sortie, tu retournes à ta moto. Tu reprends cette fois-ci la route principale, avec ses nuées de motocyclistes, ses bus aux fumées noires, ses attentes interminables aux feux rouges au milieu des essaims de motos. Sur la grande avenue de Yogyakarta, la police détourne le flux des motos par paquets vers un énorme parking où un barrage d'une vingtaine de policiers contrôle les papiers. Tu prends la queue, mais le policier te fait passer sans regarder tes papiers. Malgré le casque, tu as l'air d'un touriste. Tu ne sais pas bien pourquoi, mais il n'y a pas de doute : les motards, les piétons,... tout le monde te repère de loin. Ton accoutrement? Peut être aussi ta taille, car tu es bien plus grand que la moyenne des Indonésiens.

 

Tu retrouves l'hôtel où tu as laissé ton sac à dos. Le soleil, le manque de sommeil... tu t'allonges et tu t'endors. Il n'est pas encore 18h.

 

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