Le Cimetière des Kangourous ICON_SEP Print ICON_SEP

 

Samedi 13 Novembre 2010

 

A nouveau, environ 500 km entre Laverton et Mont Magnet. Ce ne sont plus les champs de blés géants, les vignes interminables, les ranchs infinis, mais désormais les mines à ciel ouvert qui sont toutes aussi démesurées. Tu croises régulièrement des « road trains » chargés de minerais, des convois exceptionnels chargés d'engins miniers, et les 4X4 comme leurs passagers portent les couleurs des compagnies minières. Ce n'est plus l'artisanat des prospecteurs d'or, mais bien le domaine des géants de la mine. Des mines de fer, de nickel, de talc, de cuivre, d'or, d'uranium, de tout... L'Australie alimente le Japon et la Chine en matières premières.

 

Le paysage est parfois abimé par ces exploitations. On rase des collines, on en construit d'autres avec les déblais. Mais la plupart du temps, les mines ne sont pas visibles depuis la route.

 

Tu vois aussi des centaines de kangourous... morts, écrasés, abandonnés sur le bord de la route. On en trouve sur toutes les routes d'Australie, mais, ici, c'est une véritable hécatombe. La circulation nocturne des road trains ne s'interrompt jamais. La plupart des animaux se font écraser la nuit, paralysés par la lumière des phares. Autour de Mont Magnet, on trouve des cadavres tous les 100 mètres. Parfois plusieurs au même endroits. Les chauffeurs retirent généralement les bêtes mortes, ou mourantes, de la chaussée pour les abandonner sur les bas cotés. Les charognards se régalent.

 

Ce soir, tu as pris une « cabin » à Mont Magnet. La dame à la réception est originaire du Zimbabwe. Elle te pose des questions, te demande pourquoi tu n'es pas passé par l'Afrique. Elle te fait penser à l'héroïne black de Bagdad Café. Quand elle est de bonne humeur. Tu aurais bien passé plus de temps à bavarder avec elle.

 

Toute la nuit, tu entends les road trains passer, chargés de minerai. Dans le Victoria, on trouve le long des routes des panneaux avec un numéro de téléphone à appeler si on blesse un kangourou. Ici, on doit se dire que l'on serait déborder par la tâche, et les cadavres font partie du paysage.

 

Pour ces centaines de kangourous morts, tu n'en as vu qu'un seul de vivant aujourd'hui. Il traversait une centaine de mètres devant toi. Tu as aussi ralenti devant une famille d'émus, ces gros oiseaux fous-fous aux airs d'autruches, qui se débinent en se dandinant. Et en changeant d'avis trois fois sur leur direction. Tu t'es aussi arrêté devant un long reptile haut sur pattes. Environ 1 mètre de long, pour trente centimètres de haut. Une belle bête. Tu oubliais de dire qu'il te tirait la langue. Une longue langue.

 

Ta journée a été marquée par le carnage des kangourous. Peut être que si les limitations de vitesse était abaissée de 20km/h la nuit, la moitié survivrait. Tu regarderas sur Internet ce que l'on en dit. En attendant, tu ne prends pas de photo. Tu as pourtant hésité plusieurs fois à t'arrêter. Mais tu as du mal.

 

Dimanche 14 Novembre 2010

 

Tu as décidé de monter plein Nord, direction du Parc National Karijini. Le paysage ne change pas : toujours désertique, avec des mines de temps à autres. Et les routes sont toujours chargées de road trains, ou de convois exceptionnels qui déplacent les engins miniers. Dimanche semble un jour comme un autre.

 

Tu t'y attendais : il fait plus chaud que les jours précédents. Jusqu'à 45°. Tu t'arrêtes souvent pour laisser Toeuf Toeuf se reposer. Et pour boire. Tu consommes de l'eau, et elle consomme un peu d'huile dès qu'il fait très chaud.

 

Tu atteins ton objectif de la journée vers 17h : Newman. Tu as roulé bien moins vite que les derniers jours. Tu vas directement au Caravan Camp. Il est immense. C'est surtout un village de cabins. Pour les mineurs. La dame à l'accueil est bien peu aimable. Elle ne te regarde pas, te répond que par obligation. Elle te fait aussi penser à l'héroïne de Bagdad Café, mais seulement quand elle est de mauvaise humeur. Pas de cabin de libre, tu prends donc une place de camping. Même si c'est cher, et même si cela semble déplaire à la dame.

 

Après avoir monté ta tente, tu ressors pour faire le tour de la ville et essayer de trouver du pain. Tu ne trouves pas de pain – on est Dimanche soir - , mais la ville est beaucoup plus vaste que tu ne l'avais imaginé. Une immense base vie pour les mines avoisinantes. Une piscine, un stade, un club, des cafés, des tennis, et un centre commercial. Des pelouses bien arrosées un peu partout. Le supermarché est très grand. Mais fermé le Dimanche. Tu repenses aux villages aborigènes. Tous les habitants du désert ne vivent pas de la même manière.

 

Tu rentres. Tu réalises que tu aurais du passer Newman, et chercher plus loin. Des minibus déposent ou embarquent des mineurs à intervalles de temps régulier. Cela risque de durer toute la nuit. Plusieurs fois, des gars passent près de ta tente. Tu les salues, mais c'est à peine si ils te répondent. Les gars qui descendent au fond, et ceux qui conduisent ces engins énormes en surface ne sont pas les mêmes. Ceux du fond se sentent petits au regard de la masse de roche qui est sur leur tête. Ceux qui travaillent au jour se sentent puissants sur leurs monstres qui déplacent les montagnes. Par ici, nul besoin de mines souterraines, il suffit de ramasser ce que l'on trouve en surface. L'Australie est un paradis pour la prospection minière.

 

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