La côte Caraïbe ICON_SEP Print ICON_SEP

 

Vendredi 18 Mars 2011

 

Tu prends ton temps. Discussion avec John, un Américain motard qui revient d'une virée autour des Medellin. Puis vous prenez le café avec Danny, qui s'est remis de ses émotions de la soirée. Il y a eu beaucoup plus de monde qu'il n'avait imaginé. En fin de soirée, il était en rupture de stock de bières sur pratiquement toutes les marques. Les soirées vont lui sembler tranquilles pour l'année qui vient.

 

En quittant Medellin, tu remontes en altitude. Ton dernier contact avec les Andes. Mais ce n'est déjà plus les Andes. Tu ne dépasses pas les 3000 mètres, et le relief n'en impose plus. Des hauts plateaux avec des petites collines volcaniques.

 

Au point le plus haut, tu restes dans les nuages une bonne heure. Tu sais que ce sont aussi les derniers moments de fraîcheur avant longtemps. Les prochains seront aux Etats Unis. Mais il ne fait pas franchement froid. Et la route redescend... longtemps. La végétation s'épaissit. La température monte.

 

En bas, une forêt dense. Sur une dizaine de kilomètres, l'activité principale est le lavage de véhicules. Il y a encore du relief, et les habitants piquent l'eau à une cinquantaine de mètres au dessus de la route de façon à avoir de la pression pour laver au jet. Pour démontrer leur niveau de pression, ils placent un peu partout des jets d'eau tournés vers le ciel. Un spectacle aquatique.

 

Tu poursuis avec l'idée d'atteindre Caucasia. A une vingtaine de kilomètres avant, tu t'arrêtes et prends une chambre dans l'hôtel d'une station service. La plupart des stations services proposent aussi des chambres. Ici, les chambres sont neuves, toutes belles, et tu es surpris de trouver

de l'air conditionné. Un luxe agréable pour le prix standard de 20000 pesos, soit 10 USD, ou 8 euros.

 

Tu discutes avec la gérante de l'hôtel, son fils, et un client routier. Juan David, le fils, joue avec un scarabée. Un scarabée aussi gros que sa main. Le routier vous propose de faire un petit tour en camion. Pourquoi pas. Son camion te paraît neuf, mais il a déjà plus de vingt ans. Presque neuf pour la Colombie. Vous faîtes le tour de la ville. Tu avais la flemme de marcher, et la visite t'intéresse. Une petite ville bien animée.

 

De retour à l'hôtel, tu vas dormir sans diner. La route et la chaleur ambiante t'ont fatigué.

 

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Samedi 19 Mars 2011

 

Tu démarres tôt. Le paysage change petit à petit. Les reliefs et les forêts disparaissent. Il y a toujours des arbres, énormes, mais la jungle laisse place à la savane. Les haciendas se consacrent à l'élevage bovin. Ici, les vaches ont une allure bizarre. Elles ont une bosse énorme au niveau de la nuque. L'herbe est verte et généreuse, mais elles ne sont pas grasses, au contraire. Il fait probablement trop chaud pour être gras.

 

Les maisons traditionnelles sont très jolies. Recouverte de torchis coloré, un toit en chaume. Ou plutôt en feuilles. Il y a une grande variété d'arbres, tous plus beaux les uns que les autres. Une grande variété de fruits. Des fruits colorés que tu ne connais ni d'Eve ni d'Adam. Des vendeurs les proposent dans leurs cabanes en bois.

 

Il y a les maisons, et aussi les bâtiments des haciendas que l'on aperçoit parfois au bout d'une allée de palmiers. Des belles bâtisses. Dans la savane, il y a les Colombiens pauvres, nombreux, et les propriétaires d'haciendas. Le matin et le soir, tu croises des groupes d'ouvriers agricoles, les outils sur les épaules, qui vont ou reviennent des champs. Les propriétaires d'haciendas, tu ne les croises pas car ils sont moins nombreux. Peut être sont-ils dans les énormes 4X4 qui te doublent parfois.

 

Tu aimes cette région. Les arbres, les couleurs, les maisons sont magnifiques. Mais tu ne t'arrêtes pas car tu souhaites atteindre Santa Marta, sur la côte Caraïbe. Tu prends juste quelques photos en roulant. Des photos ratées. Floues ou mal cadrées.

 

En approchant de Santa Marta, le paysage change. Tout change. Les maisons en terre et aux toits de chaume laissent la place aux maisons en briques. Il y a eu des inondations, et des bidonvilles ont poussé sur la route surélevée. Les sacs plastiques, les ordures ménagères sont aussi laissés à l'abandon. Jusque là, le pays te paraissait très propre. Tu as l'impression de changer de pays.

 

Tu arrives vers 16h à Santa Marta. Des grands bâtiments neufs, des hôtels viennent d'être construits

sur la côte, à l'approche de la ville. La ville elle même n'a aucun charme. Du moins les quartiers que tu traverses. Tu te diriges vers Taganga, un village de pêcheur à l'écart que Chipo et Mona t'ont indiqué. Le village est isolé de Santa Marta par un relief. Un bel endroit. Vas tu y trouver un hôtel, un endroit pour dormir ? Des hôtels, des hostels, des restaurants,... il y en a partout. Si l'endroit est isolé, il est en revanche bien connu des touristes. Tu croises de nombreux touristes Européens. Surtout des backpackers. L'endroit est bien plus célèbre que tu ne l'avais imaginé.

 

Tu choisis le premier hostel qui propose à la fois une solution de parking pour Toeuf Toeuf et du WIFI. Les prix sont élevés, et la qualité laisse à désirer. Tu te retrouves dans une chambre, sur un toit, livrée aux vents. Et il y a beaucoup de vent ce soir.

 

Tu sors diner. Partout les prix affichés sont prohibitifs pour la Colombie. Tu prends finalement une pizza végétarienne dans un hostel à l'écart. Tu discutes avec Abel, le cuisinier. Il t'explique que les touristes sont nombreux car la drogue est bon marché. Mais bien peu de touristes ressemblent à des junkies. Non, la Colombie s'ouvre de plus en plus, et la côte Caraïbe est la région la plus touristique. C'est tout.

 

Comme tu n'apprécies pas particulièrement son village, sa ville, il te conseille d'aller plus loin sur la côte. Il t'indique aussi de beaux endroits isolés dans la montagne. Il pourra t'accompagner demain si tu veux. Pourquoi pas.

 

De retour dans ta chambre sur les toits, tu essayes de dormir. Il y a décidément beaucoup de vent. Toutes les 5-10 minutes une rafale te réveille. Tu aurais du rester dans la savane. C'était si beau. Tu n'as jamais beaucoup aimé les régions côtières.

 

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Dimanche 20 Mars 2011

 

En arrivant à Santa Marta, tu souhaitais aller jusqu'à la péninsule de Guajira. Mais tu n'as plus le temps, sauf à passer les quatre jours qu'il te reste à rouler. Tu n'en as pas envie. Que faire ? Aller au hasard. Laisser le hasard décider pour toi. T'écarter des villes.

 

Tu prends ton petit déjeuner chez Abel, et tu l'emmènes à Minca sur Toeuf Toeuf. L'idée de surcharger Toeuf Toeuf ne te plait pas trop, mais tu te dis qu'Abel pourrait te guider dans des endroits intéressants à découvrir. Vous monter dans la montagne. L'ambiance change vite. La température chute. Après le village de Minca, vous poursuivez sur une piste qui vous descend jusqu'à une rivière. Des gens se baignent à un endroit où la rivière se jette dans un trou d'eau. Abel te disait que l'eau y est normalement translucide, mais il a beaucoup plu ces derniers jours, et la rivière charrie de la terre. Tant pis, vous vous baignez quand même dans une eau rouge.

 

Tu ramènes ensuite Abel à Santa Marta. De ton coté, tu pars le long de la côte, vers l'Est. La route rejoint rapidement une forêt. De nombreux « viveros », des pépiniéristes qui cultivent des fleurs. Tu tu resterais bien une journée ici... Tu trouves une « cabana » à louer pour le prix de ta chambre sous les toîts de Taranga. En discutant un peu, tu comprends que tu pourrais faire une belle balade d'une journée dans le Parc National qui se trouve entre la route et l'océan. Tu te baladeras demain et resteras donc deux nuits.

 

Tu restes à parler avec la gérante des « cabanas » et une amie à elle qui étudie le Français. Tu améliores ton Espagnol, elle améliore son Français. Un échange de services. Tu commençais par lui dire que le Français est certainement facile pour les Espagnols, mais tu réalises rapidement que les choses sont plus compliquées que tu ne l'imaginais. « Enfant » est à la fois masculin et féminin, « Monsieur » ne se prononce pas comme il s'écrit, et ainsi de suite...

 

Le soir, tu vas diner dans l'hôtel restaurant de l'autre coté de la nuit. Tu y retrouves des touristes Européens. Décidément, le tourisme se développe rapidement sur cette côte.

 

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Lundi 21 Mars 2011

 

Le jour du Printemps. Le début du dernier quart du voyage. Mais c'est surtout ta dernière journée libre avant Carthagène. Il faut en profiter.

 

Tu prends un bus pour t'avancer jusqu'au chemin qui rentre dans le Parc. Le chemin semble surtout utilisé par des familles qui vivent dans le Parc. Le long du chemin, plusieurs maisons. Leurs habitants semblent vivre de leur jardin et de leur poules.

 

Tu descends vers une rivière. De l'autre coté le chemin remonte. Un chemin difficile, mais ce doit être ton chemin. Après une dizaine de minutes, le chemin se rétrécit de plus en plus, jusqu'à arriver à une cabane abandonnée. Demi-tour.

 

Tu retournes à la rivière que tu suis sur un chemin plus large. Alors que le chemin va à nouveau quitter la rivière, tu vois un essaim de mouches à une dizaine de mètres devant toi. Au même moment, tu en entends qui te bourdonnes au dessus de la tête. Les insectes en Colombie sont moins pénibles que les mouches d'Australie ou les taons de Patagonie. Alors que tu ressens en même temps des piqures de moustiques, tu écrases sur ton crâne un insecte bizarre. Une petite boule de poils... Alors que tu poursuis ta marche, les piqures sont de plus en plus nombreuses, et douloureuses. Tu réalises que tu es couvert de ces insectes bizarres. Une espèce de guêpe! Tu commences à te frapper, à en écraser partout sur ton corps. Mais plus tu en écrases, plus il en arrive, et plus tu ressens les piqures. Tu t'inquiètes d'un coup. Courir! Alors que jusque là tu marchais prudemment pour ne pas salir tes sandales, tu cours comme un dératé, tout en te frappant généreusement le crâne et tout le corps. Tu cours aussi vite que tu peux, et tu te frappes de toute ta force. C'est idiot, mais tu n'arrives pas à frapper plus doucement. Tu insultes aussi tous ces insectes autant que tu peux. Tu pousses des cris, tu les envoies au diable... en Anglais. Pourquoi en Anglais ? Parce que tu ne connais pas beaucoup d'insultes en Espagnol, et tu te dis que ces insectes n'ont pas une tête à comprendre le Français. Après une ou deux minutes d'une course folle, tu penses avoir gagner la partie. Il ne reste plus que trois ou quatre de ces guêpes sur toi, et tu finis de les écraser l'une après l'autre. Tu réalises que tu n'as jamais autant perdu ton sang froid qu'aujourd'hui, avec ces guêpes. Tu sens ton coeur qui bat dans tout ton corps.

 

Tu retires les dards qui sont restés plantés un peu partout sur ta peau. Tu ne te sens pas bien. Tu as mal au crâne. Est ce le venin de ces guêpes, ou simplement la course. Ou peut être l'émotion... Tu continues à t'éloigner rapidement de tes agresseurs, jusqu'à arriver à une maison inoccupée. Le chemin se termine là! Tu ne veux pas faire demi-tour. Tu essayes de grimper derrière la maison, mais après avoir examiné toutes les possibilités pendant une bonne demi-heure, il faut te convaincre qu'il n'y a pas d'alternative : tu dois retourner sur tes pas, et affronter à nouveau les guêpes.

 

Tu reviens doucement. Jusqu'à une vingtaine de mètres de l'essaim. Là, tu décides d'abandonner le chemin, de contourner par la jungle. Tu te laisses glisser dans le ravin. Tu t'aides de lianes et de branches, mais tu n'es pas encore aussi agile que Tarzan, et tu finis ta descente sur les fesses. Ce n'est pas grave : tu as rejoint la rivière, en évitant une nouvelle confrontation. Tu peux respirer. D'un seul coup, tu te sens beaucoup mieux.

 

Tu reviens sur tes pas, jusqu'au dernier panneau qui indiquait « Publito ». Tu comprends ton erreur : à un embranchement, deux chemins parallèles allaient vers la rivière. L'un très humide, descendait directement, et l'autre, celui que tu as pris, semblait rejoindre le premier. Mais il divergeait rapidement. Tu retrouves donc le « bon chemin ». Et effectivement, tu ne tardes pas à voir d'autres panneaux indicateurs, et à croiser un groupe de jeunes touristes qui reviennent de Publito.

 

Sur le chemin, tu rencontres aussi Cosette et sa petite soeur. Francesca et Julia, deux petites indiennes, sont allées à la source prendre de l'eau. La Colombie est un pays riche, mais qui reste très inégalitaire. Heureusement, la forêt subvient facilement aux besoins de chacun, et la température, égale toute l'année facilite la vie.

 

Arrivé à Publito, de nouveaux touristes. Une pause discussion avec Edel, une Irlandaise qui vit à Seattle. Comme toi, Edel va rejoindre la côte. Vous poursuivez donc ensemble après avoir acheté une bière à des enfants qui attendent patiemment les passants.

 

Edel prends chaque année trois mois de congés sans solde. Elle connait bien tous les pays d'Amériques du Sud et Centrale. Elle adore la Colombie, et le Mexique. Les deux pays qui auraient mauvaise réputation. Mais tous les touristes que tu croises sont unanimes : ces pays sont accueillants, sans danger tant que l'on reste à l'écart des foyers de guérillas, près des frontières. La Colombie est probablement le pays le plus sur d'Amérique du Sud avec le Chili.

 

L'information s'est bien diffusée, et la côte Caraïbe voit désormais arriver un grand nombre de touristes. Leur nombre modifie le lieu, les habitudes. La réputation de Carthagène est en chute libre : une très belle ville, mais devenue surpeuplée et très chère. Les prix de la restauration et de l'hôtellerie sont typiquement deux fois plus élevés sur la côte que dans le reste du pays. Medellin est une ville bien plus douce à vivre, et bien plus économique.

 

Edel voyage doucement. Elle passe plusieurs jours là où tu ne fais que passer quelques heures. Elle te parle du Parc, mais aussi de Salento où tu étais il y a quatre jours. Elle y est restée une semaine. Un autre rythme. Mais déplacer son sac à dos est aussi une décision plus lourde que de faire 500km avec Toeuf Toeuf.

 

Vous êtes dans un Parc naturel, mais vous ne voyez pratiquement pas d'animaux. Deux fois, un bruit au dessus de ta tête... Peut être des singes, mais, malins, ils restent invisibles. Vous entendez aussi partout les oiseaux, mais vous ne voyez rien dans la forêt. Des criquets aussi, aux cris stridents. Là, un mouvement dans le feuillage dénonce la coupable : une sauterelle géante de 20 cm de long. Un autre monde. Le Parc abrite de très nombreuses espèces animales : du tigre aux tarentules géantes. Mais tous ces animaux se méfient, avec raison, de l'homme. En trois jours, Edel n'aura pas aperçu le moindre singe. Au moins, tu auras fait la connaissance des guêpes locales.

 

Le chemin qui descend vers l'océan est un chemin ancestral. Pavé de larges pierres sur les parties en terre, il longe un torrent dans un amas de rochers énormes. Un chemin pas toujours facile. Mais Edel, malgré son sac à dos, passe très bien.

 

Lorsque vous rejoignez la côte, l'ambiance change : des grandes étendues d'herbe à l'ombre des cocotiers... Et les cocotiers, comme sur les images des dépliants touristiques, descendent jusqu'à l'océan. Dommage que le ciel bleu ne soit pas au rendez vous pour la photo.

 

Vous longez la côte vers l'Est. Edel pour trouver un hébergement, et toi pour rejoindre la route. Lorsque tu quittes Edel, tu réalises que le coucher du soleil ne tardera pas. Il te faut courir. Tu n'avais pas fait de footing depuis Melbourne, et tu as un peu de mal. Dans les derniers kilomètres, tu fais des pauses régulières. La moto ne fait pas travailler les mêmes muscles que la course.

 

De retour à ta cabana, une bonne douche et tu te rends vite au restaurant avant l'heure de fermeture, 19 heures. A nouveau des touristes : un couple germano-anglais et un couple belgo-péruvien. Pour tous, la Colombie est une belle surprise. Certains on eu plus de chance que toi dans les rencontres avec la faune : des singes, des iguanes, des tapirs, une tarentule dans la chambre, et aussi une grenouille jaune. De tous ces animaux, le propriétaire du restaurant explique que le seul vraiment dangereux est … la grenouille jaune. Son venin était utilisé par les indiens pour empoisonner leurs flèches. Un animal à l'air inoffensif mais foudroyant. Quant aux autres, il suffit de les ignorer. Eviter quand même de marcher sur une tarentule. Elle pourrait se décider à piquer.

 

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