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De Seymchan à Zyrianka

 

Mercredi 2 juillet 2014

La pluie vous réveille. Vous espériez être épargnés pour votre dernière journée de route mais les choses se présentent mal. Internet qui fonctionne de manière très épisodique vous permet de récupérer le fichier météo de la région : des pluies intermittentes pendant au moins une semaine. Il n'y a donc aucune raison de rester.

Vous prenez un bon petit déjeuner et pliez bagages. Un policier vient vous chercher comme prévu à 8 heures. Vous lui remettez la clé de l'appartement une fois vos affaires sorties. Tu lui demandes si vous devez payer quelque chose. Non, leur aide était gratuite. Patrick pense qu'ils ont une sorte de quota de touristes à aider, mais ils ne vous ont même pas demandé vos passeports. Tu crois qu'ils nous ont aidés par bienveillance.

Alors que vous chargez vos motos, des dames attendent les véhicules qui les emmèneront au travail. Mais où donc travaillent-elles ? Tu ne vois pas d'usine en état de marche, ni de ferme, … Il y a bien quelques bureaux de l'administration, mais elles pourraient s'y rendre à pieds. Probablement qu'il y a parmi elles quelques secrétaires qui travaillent pour les chantiers de construction de la route, mais ce que font les autres reste un mystère.

Tu es aussi intrigué par le soin vestimentaire de toutes ces dames. Toutes rivalisent d'élégance dans un monde à l'abandon. Les contrastes de la Sibérie.

Vous quittez la ville sous la pluie après avoir fait le plein. A peine 3 km plus loin, Patrick s'arrête : pneu arrière crevé. Il te propose de poursuivre sans lui. Il sait que tu es inquiet pour l'état de la route qui doit t'emmener à Seymchan. Tu lui demandes s'il a déjà réparé une crevaison : jamais, mais il a changé une fois ses pneus en Australie, en suivant les instructions sur internet. Il vaut mieux que tu restes l'aider.

La réparation se passe sans souci. Alors qu'il n'y a plus qu'à recharger les affaires de Patrick, deux motards Norvégiens s'arrêtent. Chacun raconte son voyage. Ils sont impressionnés par ton projet. Un beau projet, mais loin d'être mené à bout. Ils repartent après avoir pris les adresses de vos blogs. Ils retrouveront certainement Patrick ce soir ou demain à Magadan.

La pluie cesse progressivement, et l'état de la route s'améliore au fur et à mesure de votre avancée. Vous retrouvez les Norvégiens devant un restaurant qui se trouve juste à l'embranchement qui tu dois prendre. Après un repas rapide, tu fais tes adieux à Patrick et prends la route de Seymchan. On t'avait dit beaucoup de choses contradictoire sur cette route, mais elle est finalement aussi bonne que la route principale. Aucun souci, d'autant plus que la pluie n'est pratiquement pas tombée sur cette portion de route.

Peu avant Seymchan, deux ou trois grues antiques le long du fleuve. Tu t'approches et rentres dans l'enceinte du 'port' qui ne ressemble en rien à un port. Plutôt une ferme avec des tas de fumiers. Tu te renseignes auprès d'un fermier, et il t'indique un bâtiment. Tu rentres, cherches un bureau. Un homme vient à ta rencontre. Tu essayes de lui demander s'il y aurait un bateau pour Zyrianka. Tu n'es pas certain qu'il ait compris, mais la réponse est 'demain, ou après demain, ou après après demain... En tous cas, c'est encourageant. On t'avait dit qu'il y avait un bateau tous les dix jours environ, donc sous deux jours... cela sonne comme une bonne nouvelle.

L'homme te conduit à un bureau. Là une dame te prend en charge. Elle t'amène tout d'abord dans un autre petit bâtiment jusqu'à un lit ! Tu pensais te rendre à Seymchan pour trouver une gotsinitsa, mais s'il y en a une ici, c'est parfait. Tu poses tes affaires et retournes voir la dame. Tu voudrais savoir s'il y a de l'eau potable sur le bateau, et pour combien de jours tu dois acheter des provisions. Les explications ne sont pas limpides, mais elle t'emmène ensuite dans un magasin qui se trouve dans le même petit bâtiment que la gotsinitsa, mais à l'opposé. Il y a tout dans ces deux petits bâtiments!

L'endroit est étrange. En bordure d'une ville fantôme, 5 km avant Seymchan.. Les deux petits bâtiments du port se mélangent avec ceux de la ferme. Il semble que l'exploitation laitière, l'activité « port » et celle de magasin d'alimentation fassent partie d'une seule petite entreprise. Peut être aussi une activité de transport routier car il y 5 ou 6 poids lourds et deux mécaniciens qui les réparent.

Une fois installé tu te rends à Seymchan pour faire quelques courses complémentaires. La ville ressemble aux dernières que tu as visitées. Des barres d'immeubles dont certains ont été abandonnés. Une centrale électrique au charbon en plein centre. Aussi une église en briques toute neuve qui déteint sur la morosité ambiante. Qui a bien pu financer un tel investissement ?

Tu t'arrêtes au retour faire le plein. Tu sais que l'essence encore sera plus chère par la suite. Pour la première fois, tu prends de l'essence à l'indice d'octane 80. Tu avais commencé par du 98 dans la région de Moscou, puis du 95 jusqu'à Yakutsk. Ensuite, il fallait te contenter de 92, et tu sais que désormais tu ne trouveras plus que du 80. Il faudra faire avec.

Tu as renoncé à descendre le fleuve sur ton bateau si tu trouves une péniche qui veuille bien de toi. Commencer par une étape de 550km ne semble pas très raisonnable. Tu es surtout méfiant envers les morceaux de bois qui flottent à la surface du fleuve. Tu n'as pas eu le temps de construire une protection pour la courroie, et tu sais qu'elle peut rapidement se désagréger quand elle entraîne des objets solides.

Tu triches ? Certainement. Tu tiens à limiter les risques. Ce voyage est surtout une reconnaissance. Une reconnaissance en environnement réel. Si tu n'atteins pas l'Alaska, tu auras au moins appris comment l'atteindre.

Tu partages ta chambre avec Igor qui se rend aussi à Zyrianka. Tout semble bien s'arranger pour le mieux. Igor parle quelques mots d'Anglais. Une bateau devrait partir vers 4h du matin. Tu mets du temps comprendre ce qu'il veut dire par là : l'un de ses amis doit passer le prendre sur un petit bateau. Petit, mais suffisamment grand pour t'embarquer avec la moto. A Zyrianka, tu pourrais prendre ensuite une barge pour Aniusk. L'avantage du petit bateau de son ami est qu'il est rapide : environ 18 heures pour rejoindre Zyrianka au lieu de trois jours pour la barge.

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Jeudi 3 juillet 2014

A quatre heure du matin, point de bateau. Peut être 7 heure.. A 7 heure, Igor pense que ce sera pour la fin de matinée.

A 13h, il reçoit enfin un appel de son ami. Ce denier est déjà reparti. Il n'avait pas réussi à le joindre. Le téléphone fonctionne par intermittence. Igor est déçu car il doit être avant demain à Zyrianka. Il pense désormais prendre un encore plus petit bateau. Donc ce sera sans toi. De ton coté tu devras attendre la prochaine barge prévue peut être pour la fin de journée. Tu apprends la patience. Tu te renseignes de ton coté auprès de la dame du bureau : elle te confirme que ce devrait être entre 7 et 8 heurs ce soir. Tu suis les évènements, tu sais qu'il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre. Tu regrettes juste qu'Igor ne soit plus là pour te tenir compagnie et te servir d'interprète.

Igor a allumé la télévision dans la chambre. On évoque beaucoup l'Ukraine. La position officielle de la Russie est défendue strictement par les médias. Tu entends en permanence le mot « Fascistes » à propos du gouvernement Ukrainien. Si tu trouves la position Russe légitime sur le fond, la forme te paraît partiale et souvent lourde. Mais dès que l'on se rapproche d'une situation conflictuelle, tous les médias du monde perdent leur objectivité. Tu te souviens comment étaient traitées les guerres du Golfe en France.

On parle aussi beaucoup de la France. Aujourd'hui la mise en examen de Nicolas Sarkozy. La semaine dernière, on évoquait l'hôpital de Grenoble et le piratage du dossier médical de Michael Schumacher, ou encore les grèves dans les transports.

Lorsqu'il n'y a pas les informations, on passe souvent des films de guerre. Tu entends en permanence des coups de feu, de mitraillettes. Ce bruit de fond t'agresse.

Tu essayes depuis ce matin d'accéder à internet, mais le réseau est définitivement trop lent. Au moins as-tu pu lire tes mails une fois et en envoyer deux. Mais il ne faut pas compter mettre à jour ton blog et tu te demandes si tu pourras le faire tant que tu seras en Sibérie. Peut être Bilibino ? Sinon ce serait l'Alaska si tu réussis la traversée. En tous cas, ton blog ne sera probablement plus remis à jour avant longtemps.

Igor se prépare à partir. Leur bateau est tout petit, mais équipé d'un moteur hors bord de 40CV. Un mètre plus long que ta propre embarcation. Tu es content de savoir qu'ils parcourent fréquemment de telles distances sur le Kolyma. Ils feront 8 heures de navigation, s'arrêteront dans une cabane de chasseurs pour dormir quelques heures, et repartiront pour la même durée jusqu'à Zyrianka. Ton idée de descendre le Kolyma sur une petite embarcation n'a donc rien d'irréaliste, bien au contraire.

Tu restes en revanche inquiet par les branches et les arbres charriés par le fleuve. Pour que ton système soit fiable, il faudrait améliorer la protection de la courroie. Même si tu as deux courroies de rechange, il vaut mieux prévenir que guérir. Tu observes aussi que leur hélice est bien abimée. Et les branches restent aussi un souci pour la structure pneumatique. Il serait préférable d'être deux dans ce genre d'aventure.

Quant tu leur demandes combien de litres d'essence ils emportent, la réponse te laisse rêveur : 200 litres. Leur bateau en acier est certainement beaucoup plus lourd, leur moteur moins optimisé... mais leur coque est mieux profilé et tu serais parti avec seulement 100 litres. Aurais tu sous-estimé la consommation ? Ou peut être prévoient ils la consommation du retour car Igor t'a dit que l'essence était beaucoup plus chère à Zyrianka.

En fin d'après midi, un homme frappe à ta porte. Il se présente comme allant lui aussi à Aniusk. Il s'appelle Nicolaï, et te quitte là dessus. Un bon point quand même.

Le soir tu attends la « barge » avec impatience. A 7 heures, ce n'est pas un mais deux remorqueurs qui arrivent. Un seul pousse une barge de dragage avec une énorme grue flottante. Lorsque les équipages descendent, tu essayes de savoir si l'un d'eux pourrait te prendre. Tu ne comprends rien à leur réponses. Tu répètes ta question au gars du port qui t'avait accueilli ce matin. Il n'en sait rien. Tu crois comprendre que ce ne sont pas les bons bateaux. Il y en aura-t-il d'autres ? Il n'en sait rien. La seule chose que tu comprends aux questions que tu poses est « je ne sais pas ». Dans tous les cas, tu crois comprendre que ces bateaux ne te prendront pas. Et qu'il ne se passera plus rien ce soir. Frustration. Une heure plus tard, deux péniches arrivent à leur tour. Elles jettent l'ancre au milieu de la rivière. Tu reprends espoir.

Tu déposes ton sac de la moto et tu retournes à la chambre que tu pensais quitter ce soir définitivement. Tu t'endors déçu de ta journée.

On te réveille vers minuit en frappant fortement à ta porte. Le capitaine de la plateforme de dragage, un gaillard presque chauve. Il te demande de le suivre. Il s'appelle Anatole. Tu te rhabilles rapidement et t'exécutes. Une fois dehors il te demande de lui faire une accolade. Il ne sentait pas particulièrement l'alcool, mais tu réalises maintenant qu'il a bien bu. Tu le laisses te serrer dans ses bras, et tu le suis sur sa plateforme.

Vous descendez dans les cales. Sous un pont aux allures d'usine, un couloir qui dessert des cabines coquettes. Vous retrouvez Nicolaï avec un jeune de l'équipage dans la salle à manger. Ils veulent te faire boire de la vodka et tu es décidé à ne pas les suivre. Tu n'es plus inquiet car une dame âgée au sourire doux est aussi présente. Elle vous sert à manger. Est elle la femme d'Anatole ? Non, la cuisinière. Sa femme est en Ukraine. Anatole te fait visiter la barge, te montre une chambre, une douche. Tu commences à comprendre : Nicolaï savait que tu croyais partir ce soir, et il a du dire à Anatole que tu n'étais pas hébergé sur un bateau. Mais même si les gotsinitsas sont très chères, tu préfères y retourner. Tu remercies tout le monde et retournes rapidement te coucher.

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Vendredi 4 juillet 2014

Lorsque la première péniche accoste pour décharger son charbon, tu te rends sur le quai où discute son capitaine avec le directeur du port. Il comprend rapidement ta demande et accepte de te prendre jusqu'à Aniusk. Une bonne chose de réglée.

Alors que tu rentres à la gotsinitsa, tu croises un jeune. Il te propose de venir prendre le petit déjeuner avec eux. Tu le suis, et retrouves Anatole et l'ensemble de l'équipage de la plateforme de dragage. Anatole est Ukrainien. Sa femme est russe. Sa famille vit dans l'Est de l'Ukraine et tu comprends vite qu'il est déchiré par les images de la télévision. L'Ukraine est à plus de 10000 km d'où l'on se trouve, mais le sujet revient très souvent dans les discussions auxquelles tu assistes. Tu as l'impression que la plupart des Russes ont des liens avec l'Ukraine.

Anatole est toujours aussi chaleureux. Et dès le petit déjeuner, il prend Vodka et alcool Ukrainien. Le jeune qui t'a invité est son fils. Anton. Il te montre les photos qu'il a prises ces dernières semaines. Des belles photos. Il y a une dizaine de jours, il a beaucoup photographié les inondations à Zyrianka. Tu ignorais même que la ville avait été inondée. Tu avais vu souvent des reportages sur Sarkozy, mais jamais d'image d'inondations. Zyrianka est oubliée des médias Russes. Voici quelques photos d'Anton :

Tu approches rapidement ta moto du quai. Mais on t'explique qu'il n'y a pas le feu. Une demi journée pour décharger le charbon de la barge, puis il faut charger les containers, et ensuite on finira avec ta moto. Tu assistes donc au déchargement, puis au chargement... Tu es invité à monter dans la grue. Anatole te fera aussi visiter la plateforme de dragage. Vous êtes devenus bons copains et il t'offrira un saucisson d'élan fumé ainsi qu'un drapeau Russe. Ses présents te font plaisir.

Le charbon déchargé est destiné à la petite centrale électrique qui se trouve au centre de Seymchan. L'hiver est rude, et la centrale est aussi utilisée pour le chauffage collectif. Lorsque les péniches redescendront le fleuve, elles emporteront des containers pour les magasins des villes qui longent le fleuve. L'hiver, les choses sont plus simples car le fleuve devient alors une route sur laquelle les camions pourront circuler librement.

En milieu d'après midi, tu retrouves Nicolaï près de ta moto. Pour plaisanter tu lui tends les clés. Es tu d'accord pour qu'il fasse un tour ? Pourquoi pas. Le voilà parti. Tu as déchargé bateau et sacoches et la moto est redevenue étonnement légère. Nicolaï revient ravi. Zaïbiss... ce que tu traduit par jouissif.

La moto est ensuite chargée par la grue. Tu avais préparé les sangles, et tout se passe rapidement. La barge peut s'éloigner du quai pour laisser la place à la seconde barge... La même routine qui durera jusque tard dans la nuit. Youra le grutier et ses collègues du port auront travaillé en continu de 9h à 23h.

Les deux barges pourront repartir demain matin, ensemble, avec toi et ta moto.

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Samedi 5 juillet 2014

Tu as une cabine, un lit, l'accès à la douche... Grand confort. L'équipage de la barge est composé de 6 personnes : le capitaine, le mécanicien, la cuisinière, et trois jeunes qui assistent ces derniers. Le bateau n'est pas bien grand, mais tu les voies jamais ensemble. Ils doivent chacun passer l'essentiel de leur temps à leur poste ou dans leur cabine.

Vous êtes deux passagers : Alek et toi. Alek est commerçant à Zyrianka et il ramène un container de marchandises. Avant (comprendre à l'époque de l'URSS) il y avait une vedette rapide pour passagers qui reliait Zyrianka à Seymchan. Aujourd'hui, ce sont les péniches qui la remplacent en acceptant un ou deux passagers. Sinon, il reste l'avion.

Tu récoltes des informations sur le fleuve. Tu sais désormais que la navigation serait possible pour ton moto-bato de début juin à la mi septembre. La vitesse du courant est entre 5 et 10 km/h selon les endroits. Il y a un peu de navigation : aujourd'hui, on a croisé un petit hors bord et une péniche qui se rendaient à Seymchan.

Suivre le fleuve n'est pas simple. Le Kolyma est beaucoup plus étroit que la Lena. Beaucoup moins profond aussi. Un slalom permanent entre les bancs de sables. Dans certaines zones, il y a des dizaines d'iles entre lesquelles il faut passer. Parfois, un seul chenal étroit que les péniches doivent suivre avec précision. Parfois, le chenal n'est plus qu'à une dizaine de mètres de la berge. Tu ne t'y attendais pas, mais une signalisation aide : des grands panneaux blancs indiquent souvent la direction à suivre, les changements de caps. Mais tu ne les vois pas toujours.

L'eau est toujours boueuse, opaque. Est-ce un jour particulier à cause de la pluie incessante ? Très souvent des branches coincées dans le sol dépassent de la surface. Il y en a-t-il beaucoup invisibles, cachées par l'eau ? Définitivement, le bois aurait été ton premier souci si tu était descendu sur ton bateau pneumatique. Tu sais désormais qu'il est indispensable de mieux protéger la courroie de l'arbre d'hélice.

Le navire est ancien : début des années 1980. Un pur produit de l'époque soviétique. Les moteurs proviennent d'Allemagne de l'Est. Un GPS de marine avait été rajouté pour le guidage, mais il ne fonctionne plus. Le Capitaine tourne les pages d'un atlas du fleuve, même s'il semble bien le connaître. A peine une heure après le départ, un arrêt a été nécessaire pour réparer une pompe à eau. Une réparation de routine comme il doit y en avoir à chaque trajet.

Tu passes la plus grande partie de ton temps dans le poste de pilotage. La vue y est plus belle, et il y a toujours un peu d'action. Parfois de la musique, le plus souvent américaine, en musique de fond. Sinon le Capitaine chantonne des chansons russes. Il te semble reconnaître certains airs. En fin de journée, tu reconnais parfaitement un air : la Marseillaise. Alors que tu souris et applaudis, le mécanicien te dis « Marseillaise ». Tu es surpris de leur connaissance de la culture Française. Ils t'auront cité dans la journée plusieurs chanteurs ou comédiens Français, et voilà qu'ils connaissent même le nom de notre hymne national. De ton coté, tu ne connais aucun nom de chanteur ou de comédien russe, et n'as aucune idée de ce que peut être l'hymne national russe. Pourquoi ? Pourquoi la France intéresse-t-elle autant les autres pays d'Europe, et pourquoi les Français sont ils si peu cultivés lorsqu'il s'agit de l'Europe ? Un mystère ou la faute à Voltaire ?

Le bateau s'immobilise à 10h pour la nuit. Le capitaine t'invite à regarder ses photos. La plupart ont été enregistrées avec la date inscrite dans un coin. Tu comprends le rythme des saisons. L'embâcle vers le 10 octobre, les routes d'hiver sur le fleuve, puis la débâcle vers le 20 mai et la première remontée du fleuve dès la fin mai.

Tu as droit aussi à des photos plus personnelles sur les parties de chasse et de pêche. Toutes les prises sont énormes : aussi bien les poissons sortis de la glace que les oies sauvages.

 

Dimanche 6 juillet 2014

Tu es réveillé par les bruits du moteur. Nous nous sommes arrêtés à 10h du soir, et repartons à 6h. En permanence le Capitaine est à la barre. Hier, il est descendu prendre son déjeuner pendant la réparation de la pompe à eau. Aujourd'hui, on lui monte ses repas. Des journées longues, mais aussi denses et stressantes car le pilotage requiert beaucoup d'attention. La saison dure 6 mois. 6 mois de travail avec comme seules pauses les déchargements et les chargements des marchandises sur les quais. Mais pour ce qui est des chargements, le Capitaine reste présent et veille au placement pour conserver l'assiette horizontale de la péniche.

Ce matin, c'est une pompe à huile qui concentre les efforts de Constantin le mécanicien. Mais un arrêt n'a pas été nécessaire à la réparation. En revanche, un banc de brouillard barre la route sur toute la largeur du fleuve. Les deux péniches jettent l'ancre une nouvelle fois après avoir fait demi tour pour être face au courant. Vous repartirez dès que le soleil aura dissipé ce mur, mais un quart d'heure plus tard, un nouvel arrêt est à nouveau nécessaire pour la même raison. C'est la nature qui commande.

Le soleil fait des apparitions. Une belle lumière qui joue avec le brouillard. Tu en profites pour faire quelques photos. Tu n'as pas fait beaucoup de photos pendant ce voyage, et tu te rattrapes un peu. Depuis le départ, tu n'as pas eu souvent l'esprit à la photo. Trop de choses à penser, à anticiper, … Quand tu passeras en mode bateau, ce sera probablement pire.

On passe dans l'après midi devant un petit port avec deux trois maisons et surtout un important dépôt de carburant. Le port d'accès à des mines d'or. Le Kolyma est encore le moyen d'accès aux mines.

Le Capitaine t'a annoncé que ce premier Dimanche de Juillet était un jour férié. La fête annuelle pour les équipages. Tu crois comprendre que l'on commémore la fin des Goulags. Le Kolyma était l'endroit où se concentraient les Goulags.

Les deux péniches sont immobilisées à 18h. Une journée raccourcie pour cause de jour férié. Les deux péniches sont placées côte à côte et tu découvres l'équipage de la seconde péniche. Tu as aussi l'impression que certains mousses ne se connaissaient pas. Les deux péniches jumelles passent l'été ensemble, mais leurs équipages n'ont pas souvent l'occasion de se croiser, si ce n'est ce jour de fête.

On organise un barbecue, une grande table sur le pont de l'autre péniche. Les deux cuisinières ont préparé un nombre de plats impressionnants. Et les bouteilles d'alcool défilent. Tu acceptes les deux ou trois premiers verres, puis essayes de refuser tant bien que mal. Tu es assis à coté de Paona la cuisinière qui te remplit ton assiette. Depuis que tu es sur la péniche, tu manges deux fois plus que d'habitude.

Vous êtes près de la rive et les moustiques sont aussi de la partie. Tu t'es habitué à leur présence. L'anti-moustique russe est efficace, et si tu te fais piquer quelques fois, cela ne te perturbes plus.

Même si tu progresses depuis quelques jours, ton niveau de Russe est toujours trop insuffisant pour suivre les conversations. D'autant plus qu'il se raconte surtout des blagues. Tu as encore beaucoup à apprendre.

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Lundi 7 juillet 2014

Comme la veille, les moteurs sont mis en marche à 6h. Tout le monde est à son poste. Chacun s'inquiète de ta gueule de bois, mais tu t'en es bien tiré en t'enfuyant parmi les premiers.

Hier, tu as appris que le programme des deux péniches avait changé : elles n'iront pas à Aniusk, mais retourneront sur Seymchan après la pause à Zyrianka. Dommage ; tu t'entendais bien avec l'équipage. Mais ce sera l'occasion d'en rencontrer un autre.

Tu profites du temps libre pour préparer tes prochains itinéraires, sur piste, puis sur mer. Hier, Alek t'a appris que la route entre Bilibino et Pevek était toute neuve. Il y a probablement deux ou trois cents kilomètres en commun avec la piste d'Egvekinot, qui elle n'est pas vraiment une route. Deux ou trois cents kilomètres faciles pendant lesquels tu pourrais alors te surcharger en essence sans prendre trop de risques. Tu en sauras plus à Bilibino.

Vous arrivez à Zyrianka comme prévu en fin de matinée. Le capitaine t'a trouvé un bateau pour Aniusk avant même que l'arrivée : une barge de dragage jumelle de celle d'Anatole. Elle devrait partir demain.

Tu t'attendais à une nouvelle ville semi-fantôme, mais Zyrianka est vivante. Beaucoup de vieux bâtiments, mais aussi des bâtiments récents ce que tu n'avais pas vu dans une petite ville depuis longtemps. Le port est plus conséquent que celui de Seymchan. Une dizaine de bateaux sont soit à quais, soit posé sur la berge, soit pour les plus gros ancrés dans la rivière. Votre arrivée n'est pas l'évènement de la semaine comme à Seymchan.

A peine arrivés, le capitaine te présente un homme en uniforme qui te demande de le suivre. Tu penses tout d'abord qu'il te faut faire quelques formalités, mais non... Nicolaï est un ancien champion d'URSS de moto sur glace, et il reste passionné par le sujet. Il te fait visiter son bureau où photos et médailles rappellent cette époque. Tu visites aussi les bureaux, les salles de sport et de repos des salariés du port et de la compagnie fluviale. L'ambiance est restée très soviétique.

Tu retournes au bateau assister au débarquement des containers et de ta moto. La péniche quitte alors le quai pour se poser un peu plus en aval sur une partie de berge libre. Le temps semble passer beaucoup plus lentement ici qu 'à Seymchan. Les grutiers ont fait une pause déjeuner. Ils te paraissent moins efficaces, moins stressés qu'à Seymchan. Le « boss » du port de Seymchan était toujours présent et contrôlait en permanence le déroulement des opérations. Ici le rythme est plus tranquille.

Tu dînes le soir sur le bateau avec le capitaine, son épouse, et une amie de son épouse. Tu poses des questions sur leur vie. L'année se découpe toujours en deux parties : l'hiver à quatre cents kilomètres au sud de Moscou, et l'été ici : à Zyrianka pour elle et sur la péniche pour lui. Le Capitaine t'interroge sur ton salaire, te donne le sien. Le sujet n'est pas impoli en Russie et on te pose souvent la question. Il doit y avoir au moins un facteur 5 entre un salaire Français et un salaire Russe. Les Russes pensent souvent qu'il faut être millionnaire pour voyager ainsi. Si tes revenus sont au dessus de la moyenne, tu as aussi rencontré des voyageurs Français dont les salaires se situaient en dessous de cette moyenne. En tout cas, un Capitaine de péniche Russe ne gagne pas des fortunes.

En fin de soirée, Nicolaï, l'ex champion de moto sur glace passe de prendre pour une visite de la ville. Tu as l'impression d'être sur une île. Pour en sortir, il n'y a que l'avion ou le bateau. Tu es surpris par le nombre de monuments. Vous vous arrêtez devant plusieurs d'entre eux pour faire la photo.

Tu rentres à la péniche. Youra et Alexis veillent dans le poste de pilotage. Youra te demande de lui montrer des photos de voyage. Tu les quitteras demain, avec regret.

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