Home Second voyage : 2014 De Zyrianka à Bilibino

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De Zyrianka à Bilibino

 

Mardi 8 juillet 2014

Tu fais tes adieux à l'équipage et le capitaine t'accompagne à ton nouveau bateau hôte. Il s'agit d'un remorqueur qui pousse une longue barge remplie de 350 tonnes de charbon. La barge est presque pleine, mais il faudra encore quelques heures pour finaliser le chargement.

A ton arrivée, tu sens que l'ambiance n'est pas la même que celle de la péniche. Tu aurais même l'impression que les passagers ne sont pas forcément les bienvenus. Peut être êtes vous trop nombreux ? Tu essayes d'engager la conversation, mais les réponses sont rapides. Tu n'insistes pas.

En début d'après midi, le capitaine arrive. Tu le connais : c'est l'homme qui avait rendu visite à Anatole sur la plateforme de dragage. Une bonne nouvelle ! Ce capitaine débonnaire t'avait semblé très sympathique.

Une fois le charbon chargé, tu évoques la moto... Tu fais bien car ils allaient l'oublier. La barge et le remorqueur se déplacent alors vers un quai accessible pour la moto, tu vas la chercher, et la moto est chargée par une grue sur la barge en présence de Nicolaï, l'ex champion de moto sur glace.

La barge est alors ancrée au milieu du fleuve, et le remorqueur rejoint la berge après être allé faire le plein de gasoil.

Le soir, alors que tu es dans le poste de pilotage avec le capitaine, un ancien second du navire qui depuis est devenu à son tour capitaine passe rendre visite. Tu lui demandes ce que signifie la phrase inscrite sur son teeshirt, avec un gros C.C.C.P.. Tu comprends « Enfant de l'URSS ». Tu lances le mot « nostalgie », et ton interlocuteur acquiesce. Il te parle aussi de l'Ukraine, des fascistes, de l'Allemagne, de Dachau… Le capitaine réagit à son discours : « propagande, propagande! ». Le capitaine est Tartare. Il semble plus méfiant vis à vis des messages officiels.

Petit à petit, tu comprends un peu mieux la Russie. Zyrianka n'est d'ailleurs pas la Russie. Plutôt une île demeurée soviétique malgré les changements. Ici, les bateaux, tous construits pendant la période soviétique naviguent de la même manière qu'il y a 30 ans. Les grues, l'organisation, le club de sport de l'entreprise, tout date de la période soviétique. Contrairement au reste de la Russie le système a pu se maintenir grâce aux mines. Les villes isolées, les bateaux, les grues... tout reste en service pour servir les mines d'or. Si ce n'étaient les téléphones portables omniprésents, tu croirais être remonté dans le temps.

Si certains habitants fuient ce coin perdu, d'autres viennent pour y trouver du travail. Tu discutes avec 4 ou 5 dockers Arméniens. Le capitaine de la péniche et son épouse sont Ukrainiens,... On peut travailler à Zyrianka si on cherche un emploi. Malgré ses difficultés, Zyrianka reste une petite ville plutôt riche pour la Russie.

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Mercredi 11 juillet 2014

Le capitaine t'avait dit que vous partiriez vers 4h du matin, puis 7-8 heures, mais c'est plutôt la fin de matinée. Et encore : une longue pause pour le plein de gasoil de la barge et vous n'êtes pas réellement en route avant 2 heures de l'après midi. Tu profites de la proximité de la ville pour essayer désespérément de mettre à jour ton site en Anglais, mais internet est trop capricieux. Tu n'arrives à rien, malgré des heures de persévérance stérile.

Dans la cabine de pilotage tu retrouves Nicolaï que tu avais rencontré à Seymchan. Tu te doutais qu'il embarquerait car il se rend lui aussi à Aniusk. Et tu comprends que l'équipage trouve que vous êtes un peu trop de passagers car le capitaine a aussi invité un vieil homme, un pêcheur Iakoute.

La première heure de navigation est compliquée. La barge est longue et lourde, et donc peu manoeuvrable. C'est souvent elle qui entraîne plutôt que le remorqueur. Il lui serait impossible de monter plus en amont de Zyrianka, là où le fleuve est plus étroit. La moitié haute du fleuve est ainsi réservée aux péniches plus petites. Pour l'instant, une pause a été effectuée pour consolider la liaison entre le remorqueur et la barge. Il y avait du jeu, et tout tapait fort à chaque virage.

Vous avancez beaucoup plus lentement que la péniche. Entre 10 et 15km/h avec le courant, alors que la péniche naviguait autour de 25km/h. Il vous faudra beaucoup de temps pour rejoindre Aniusk... Au moins 4 ou 5 jours si ce n'est pas plus.

Tu passes ton temps entre la cabine et le poste de pilotage. Tu n'y restes jamais très longtemps à cause de la fumée. Tout le monde fume sauf Dima, un jeune mousse d'une vingtaine d'années et Nicolaï, l'autre passager avec qui tu partages une cabine. Costa, le second, allume cigarette sur cigarette.

Costa est souvent à la barre. Mais le capitaine la laisse facilement à tous les membres de l'équipage. Sur la péniche, rares étaient les moments où ce n'était pas le capitaine qui barrait. Et encore, il pouvait la laisser à Constantin uniquement lors d'une section rectiligne. Ici, même le jeune Dima est laissé seul à la barre, dans le poste de pilotage.

L'organisation du bateau est plus anarchique que celle de la péniche, mais tout fonctionne. Les membres de l'équipage interviennent au plus vite dès qu'un problème se présente. Et comme sur la péniche, des problèmes il y en a.

Le fleuve est de plus en plus large, mais les trajectoires pas forcément plus simples. Parfois, il faut zigzaguer d'une berge à l'autre, toujours en suivant la signalisation ou les itinéraires tracés sur la carte. Les petits hors-bord ne se posent pas ces questions de profondeur, et tracent en général une ligne droite au milieu du fleuve. Tu enregistres quand même les traces GPS du navire pour conserver une référence.

Tu discutes avec Nicolaï. Tu comprends qu'il est chauffeur pour une compagnie minière dans la région de Pevek. Il t'informe de l'état des pistes. Contrairement à ce que t'avait dit Alek, la route entre Bilibino et Pevek n'existe pas. Du moinis en tant que route. Il s'agit donc d'une piste sur laquelle on traverse de nombreuses rivières, souvent profondes. Seuls les gros Kamaz y passent, et encore, avec souvent des difficultés. Mauvaise nouvelle. Tu espérais avoir trois cents kilomètres tranquilles, mais c'est raté. Il te dit aussi que rares sont les camions qui font le trajet de Bilibino à Egvekinot. Peut être un tous les 10 jours.. Donc en cas de problème, il faut que tu sois capable de tenir au moins ce temps.

Tu ne sais pas encore comment tu feras. Tu verras à Bilibino. Nicolaï te dit qu'il donnera des coups de téléphone pour toi. Peut être à des collègues camionneurs... Tu ne comprends pas ce qu'il veut te proposer mais tu verras bien. Une solution qui te conviendrait bien serait de te faire porter, ou au moins de porter ton essence, sur la première portion commune avec la route de Pevek. Les fameux trois cents kilomètres pour lesquels Nicolaï t'a confirmé qu'il y avait bien 8 rivières à traverser... Des rivières avec de la profondeur et du courant.

En fin de journée, alors que tu es dans la cabine, Nicolaï vient te chercher : il y a un ours sur la berge ! Les Russes parlent beaucoup des ours, mais ils sont plutôt rares. Tu verras celui-ci de très loin, avec des jumelles. Tu le devineras plutôt.

A nouveau, on te rappelle une heure plus tard pour voir un élan. Là, c'est le branle bas de combat : on met la barque à l'eau, et deux marins armés de fusils foncent sur la proie. Leur moteur fait tellement de bruit, que la bête s'enfuira bien avant leur arrivée. Tu es plutôt satisfait de la conclusion.

Une demi-heure plus tard, le bateau s'immobilise. Tu montes au poste de pilotage. Nicolaï t'explique qu'ils sont retournés tuer l'élan. Effectivement, ils reviendront un peu plus tard avec le corps d'un jeune élan de deux ans. La bête est hissée sur le pont et dépecée. Tu ne resteras pas assister au spectacle. Tu es un citadin sensible. Tu comprends désormais pourquoi il y a tant de viande dans les plats que Nelly cuisine.

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Jeudi 10 juillet 2014

A 8 heures, tout le monde dort sauf Nelly la cuisinière et aucune trace de boucherie sur le pont. Ils ont du travailler tard dans la nuit pour découper la bête. Vers 8h30, Costa et Dima remettent le bateau en marche. Les autres arriveront petit à petit, parfois en se frottant le crâne. Le Capitaine ne sera pas visible avant midi.

Tu ne fais pas grand chose, mais le temps passe. Tu ressens le manque d'activité sportive. Même la marche est impossible sur ce bateau. Tu manges, fais la sieste, passes un moment dans le poste de pilotage, et retournes manger.

Depuis Zyrianka, les cabanes de chasseurs ou de pêcheurs sont plus nombreuses. On en voit désormais au moins une toutes les heures. Ce doit être encore une autre histoire que la vie de ses pêcheurs. Si l'isolement est pesant dans les villes le long du fleuve, qu'est ce que ce doit être pour ces gens.

Le fleuve est aussi plus large, mais il reste des pièges. La carte montre des îles que l'on ne voit pas avec le niveau d'eau actuel du fleuve. Il faut alors naviguer entre elles en suivant scrupuleusement le tracé indiqué pour éviter l'échouage. Lors de l'une de ces manœuvres, le bateau frottera et c'est le courant qui entraîne la barge qui vous décollera du banc de sable. Le capitaine t'indique que le tirant d'eau de la barge est seulement d'1m60, celui du remorqueur de 1m70. Le fleuve n'est vraiment pas profond par endroit. Et ces navires sont en équilibre bien instable.

Tu connais un peu mieux les membres de l'équipage. S'ils sont peu bavards avec toi, c'est que ton niveau de Russe est bien insuffisant. Tu montres ton livre de voyage à Nelly la cuisinière et tu as droit à un nouveau « Romantik ». Tu le montres aussi à Dima et au Capitaine. Tu as bien fait d'emporter ce livre.

Alors que tu écris ton adresse, ton web et ton mail sur un papier pour le Capitaine ainsi que pour le champion de moto sur glace qui te les a demandés, le capitaine descend dans sa cabine. Il remonte avec un passeport, déchire la page d'identité et te la donne... Le passeport n'est plus valable, mais tu restes surpris et touché par le geste. Tu te dis que les romantiques doivent être rares par ici et que tu as droit à des considérations particulières.

En fin d'après midi, le bateau est ancré en face de la petite ville de Srednekolinsk. Vous y passerez la nuit. La barque hors-bord est mise à l'eau, et tout le monde va faire une balade à terre. Tu te promènes avec Dima qui te fait faire le tour des magasins. Marcher te fait du bien. Tu achètes des bouteilles de vin Français pour l'équipage, ainsi qu'une bouteille de Cognac pour le Capitaine et une boîte de chocolats pour Nelly. Il t'a fallu du temps pour trouver du Cognac Français... Tu ignorais que tant de pays produisaient du Cognac.

La ville est petite, poussiéreuse. Tu vois des jeunes filles, toutes avec un téléphone mobile à la main. A nouveau un musée, un hôpital, un bâtiment administratif … Beaucoup de petits magasins. Tu voulais aussi acheter des fruits mais à chaque fois Dima te les déconseille. Ces fruits sont là depuis trop longtemps! Tu reviendras sans fruit.

Retour au bateau, tu passes à nouveau des heures à tenter une connexion sur internet. Tu arrives tant bien que mal à lire une fois tes emails, mais cela s'arrête là. Tes blogs resteront probablement figés pour longtemps. Quant aux photos, tu attendras le retour pour les télécharger. Seul le téléphone fonctionne, et tu peux prendre des nouvelles des tiens par SMS. Tu en profites, car il n'y aura plus de téléphone non plus dès que vous vous serez éloignez de la ville.

Nicolaï est l'un des derniers à rentrer à bord. Il ramène pour l'équipage des poissons fumés. Il en place un sur ta table de nuit. L'odeur ne tarde pas à envahir la cabine et tu l'enfermes rapidement dans un sac plastique. Alek t'avait fait exactement le même coup la semaine dernière. Les Sibériens sont des grands amateurs des poissons fumés, et tous deux pensaient vraiment te faire plaisir.

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Vendredi 11 juillet 2014

L'équipage est allé faire quelques courses. De toutes façon, une épaisse couche de brouillard vous immobilise. Vous partirez en début d'après midi. Aniusk est à deux jours, et tu n'es plus pressé. Tu prends chaque jour comme il vient.

Tu discutes aussi avec Nicolaï de la suite de ton parcours. La piste entre Bilibino est très compliquée, et il pense que ce n'est pas possible en moto. Des motards polonais l'ont pourtant déjà faite, mais ils étaient plusieurs. Cela change la donne dans les rivières profondes. Tu sais que ta seule chance est d'utiliser ton bateau et ta combinaison sèche pour passer ces rivières. Ce ne sera pas non plus très simple, mais tu penses que c'est faisable. Cependant, il reste toujours le problème de l'essence. Il te faut porter au moins 60 litres. Tu dois arriver à 50 litres si tu remplis tes réservoirs et tes poches en caoutchouc. Ensuite, tu peux placer facilement dans le sac du bateau 4 bouteilles plastiques de 2 litres chacune. En remplissant un peu plus les poches, tu atteins les 60 litres. Porter 60 litres est faisable. Mais tu n'auras pas vraiment de sécurité. Enfin, un tiers de la route est effectivement commun avec celle de Pevek, et tu essayeras de trouver un camion qui pourrait t'aider sur cette partie du chemin.

Tu es parti en sachant que tu n'étais pas prêt, mais qu'il fallait profiter de la fenêtre estivale ou bien attendre une année supplémentaire. Ton parcours est avant tout une reconnaissance. Si tu trouves un ou deux compagnons tentés par le projet, vous ferez le voyage en autonomie à l'été 2016. Pour l'instant, il s'agit d'avancer, pas de prendre trop de risques.

Pour descendre le Kolyma, tu sais maintenant qu'il te faut absolument protéger la courroie. Aussi qu'il convient d'être au moins deux à cause des risques de crevaison sur le fleuve. Un deuxième bateau pourrait alléger et remorquer, l'autre si les choses tournaient mal. En revanche, un bateau seul avec un flotteur crevé au milieu du fleuve serait en grande difficulté. Tu espères revenir à plusieurs, mais pour l'instant, il convient de continuer à apprendre. Et si parmi tes lecteurs quelqu'un est tenté par l'aventure, il te fera signe.

Le bateau ne s'arrêtera dans la nuit que pour une rapide partie de chasse à l'élan. Cette fois-ci, Costa et Micha reviendront bredouilles. Tu parles de « nuit », mais cela fait bien longtemps que tu n'as plus vu l'obscurité. Le soleil tourne autour du bateau, mais ne se couche jamais. Vous êtes aujourd'hui à 68° Nord de latitude, ce qui correspond à l'extrême Nord de la Norvège. Vous approchez de l'embouchure du Kolyma, dans l'océan Arctique. Quant à la longitude, vous vous situez à mi-chemin entre l'Australie et la Nouvelle Zélande. Et le Bering est encore loin.

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Samedi 12 juillet 2014

Vous devriez arriver demain à Aniusk. Tu profites de ta dernière journée pour faire un peu d'entretien sur la moto. Tu finis par sortir les tubes de fourche. Le droit ne doit plus avoir du tout d'huile, et il doit rester au gauche les deux tiers de ce qui lui faudrait. Le gauche s'était mis à fuir le lendemain de la fuite du droit. Une fuite moins importante.

Alors que tu t'apprêtes à simplement les nettoyer, Nicolaï te dit qu'il te faut de l'huile dans le tube droit. Tu le savais, mais tu y avais renoncer car tu préfères réserver ton huile moteur au moteur. Tu essayes de lui expliquer... « Non, pas d'huile moteur, huile pour Diesel! ». Il demande à Micha qui vous regardait du haut du poste de pilotage de l'huile destinée au moteur du bateau. Micha descend dans la salle machine et revient avec un seau plein d'huile. Voilà qu'ils démontent ensemble les bouchons des tubes. Ils ont l'air tous les deux de bien savoir ce qu'ils font. En tout cas mieux que toi. Tu en aurais ajouté au hasard, alors qu'ils ont des repères bien précis pour connaître le volume nécessaire. Ils s'y reprennent à deux fois après avoir fait circuler l'huile, et referment le tout. Comme s'il faisait cela tous les jours. En cinq minutes, tout est fini.

Tu n'aurais pas penser ajouter spécifiquement de l'huile pour moteur diesel, mais elle doit être plus fluide que l'huile pour moteur essence, plus proche de l'huile de fourche. Probablement une recette locale. Et les huiles utilisées en Sibérie doivent être de toutes façon plus fluides pour s'adapter au froid. Michel et Loïc t'avaient tous deux conseillé de rajouter de l'huile moteur à défaut d'huile spéciale fourche. Donc celle-ci fera très bien l'affaire pour tenir jusqu'à l'océan.

Une fois la partie de mécanique terminée, vous collez avec Dima un sticker « *** I am Siberian*** » qu'il t'avait offert la veille. Tu es fier du cadeau.

En début d'après midi, vous passez au large de Kolinskoe, une très petite ville que tu avais repérée sur la carte. Tu demandes au Capitaine s'il y a de l'essence... Il rigole de la question, mais oui, il y a une station essence. En revanche, ton opérateur téléphonique n'a aucune antenne sur place. Tu notes ces informations pour plus tard...

Chaque jour le Kolyma devient plus large. Il y a toujours des passages délicats dans lesquels il faut suivre précisément le tracé sur la carte. Ces difficultés ne concernent pas les petites embarcations. Elles peuvent sans inquiétude tirer des grandes lignes droites.

Une halte pour acheter des poissons. Les baraques des pêcheurs sont nombreuses. Enfin, il y en a une tous les 20 km environ. Chaque poisson pèse deux ou trois kilogrammes. Des « Tchirr ».

Tu discutes à nouveau avec ton voisin de cabine, Nicolaï. Tu comprends désormais qu'il te propose de passer des coups de fils pour trouver un camion qui irait sur Egvekinot ou Pevek, et que s'il n'en trouve pas, il pourrait t'accompagner lui même. Il ne serait pas simplement chauffeur mais propriétaire de son camion. Tu as encore des progrès à faire en Russe. Toujours est-il qu'il te propose des solutions bien sécurisées. Comme de toutes façons, tu n'auras pas fait toute le voyage en autonomie, tu n'es plus à une tricherie près. Sauf que tu as aussi envie de faire de la moto, et que faire 1100km dans un camion est moins plaisant. Tu as encore 2 ou 3 jours pour y réfléchir.

Une autre bonne nouvelle qui vient de Nicolaï : à Bilibino, Internet fonctionne! J'imagine que l'on a pas les mêmes standards de qualité, mais si tu peux mettre tes sites webs à jour, ce serait vraiment bien.



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Dimanche 13 juillet 2014

Le capitaine a à nouveau une panne d'oreiller. Vous arriverez donc en fin d'après midi à Aniusk plutôt qu'en fin de matinée. C'est la vie.

Micha qui est passé sur la barge t'informe qu'il y a une bonne flaque d'huile sous ta fourche. C'était à prévoir. Peut être aurais tu du tenter un démontage plus en avant, mais tu craignais d'être bloqué faute d'outil spécial. En tous cas, cela ne devrait pas te gêner pour conduire.

Vous avez quitté le Kolyma pour remonter la rivière qui mène à Aniusk. La rivière est profonde, et la navigation ne pose pas de problème particulier. Le courant est aussi un peu moins fort que sur le Kolyma et vous avancez quand même à 8 km/h de moyenne alors que vous étiez à 15 sur le Kolyma. Le courant est plus faible sur cette rivière.

A nouveau Nicolaï te parle de la difficulté de se rendre de Bilibino à Egvekinot. Aujourd'hui, il pense que c'est impossible. Pas de route! Il cherche à atteindre ton moral. La chaleur actuelle doit faire fondre la neige des montagnes et faire monter le niveau d'eau. Bien sûr, la pluie ne serait pas mieux. Dans tous les cas, tu te rends à Bilibino, et tu verras bien pour la suite. Il se peut que tu y passes effectivement plus de temps que prévu mais tu serais déjà bien heureux de pouvoir marcher. Tu as besoin d'espace.

Les dernières heures sont longues. Vous voyez Aniusk tout proche, à quelques kilomètres, mais vous avancez lentement, et la rivière fait une suite de lacets avant d'arriver.

Nicolaï t'a proposé de se rendre avec toi à Bilibino, et de t'héberger. Tu découvres qu'il habite à Bilibino. Il passe des coups de fils pour trouver un véhicule qui le conduirait d'Aniusk à Bilibino mais il n'en trouve pas. En revanche, il te confirme que les routes d'Egvekinot et de Pevek sont fermées, inutilisables. Ce n'est pas vraiment une surprise. Tu penses quand même te rendre à Bilibino et voir sur place.

Rapidement, Dima pose la question « comment descendre la moto de la barge ? ». Alors que l'on approche enfin du port, tu aperçois trois autres barges, toutes pleines de charbon, en attente de déchargement. A plus d'une journée pour décharger chaque barge, votre tour ne sera pas avant la fin de semaine. Mais rapidement Costa et le Capitaine ont la solution : « No problem ». Vous approchez du quai qui est constitué d'une ancienne barge remplie de sable. Les barges sont au même niveau. Tout l'équipage arrive alors pour faire descendre la moto en la portant. Et te voilà sur le quai.

Comme la barge doit quitter le quai, le capitaine et l'équipage te font leurs adieux. Nicolaï prend rapidement ton numéro de téléphone et remonte sur la barge. Tu n'as pas eu le temps de prendre le sien. Il n'a pas trouvé de véhicule pour le conduire à Bilibino. Le capitaine te dit qu'ils resteront 7 jours à Aniusk, donc si tu décides de retourner à Zyrianka...

Tu as quitté tout le monde de manière précipitée. Lorsque tu as sollicité le capitaine de la péniche à Seymchan, tu pensais que le transport était naturellement payant. Tu as vite compris que tu étais invité et tu n'as pas osé parlé de rémunération. Il en a été de même avec Lidar, le capitaine du remorqueur. Tu as été logé, nourri et transporté pendant une dizaine de jours aux frais de ces navires. Sans compter les opérations de chargement et de déchargement. Tu auras sollicité l'aide de beaucoup de monde. Et tu restes impressionné par leur générosité.

Tu n'avais pas vraiment réfléchi à ce que tu ferais une fois à terre. Tu pensais que Nicolaï serait avec toi, et que tu suivrais. Donc que faire ? Il est 17 heures passées. Te voilà sur un quai avec toutes tes affaires. Partir ce soir sur Bilibino ? Pas vraiment de risque de se faire prendre par la nuit car elle n'arrivera pas avant plusieurs semaines. Tu sais qu'il y a une Gotsinitsia à Bilibino, et tu as envie de rouler. Tu as besoin de bouger. Tu pars donc pour Bilibino.

La route est belle. Au début de la forêt, mais différente de celles que tu traversais jusque là : les arbres sont beaucoup plus espacés, on pourrait passer en moto entre eux. Et puis, progressivement, des zones sans arbres. Un début de toundra. Et enfin, la montagne. Une belle montagne, majestueuse, de beaux paysages. Tu savoures le trajet.

Dans les montagnes, tu vois l'ombre et entends les cris d'un rapace qui te survole par l'arrière, puis pique sur toi à plusieurs reprises en prenant soin de ne pas approcher trop près. Tu devrais quand même lui paraître plus gros. Heureusement, le bruit de ton pot d'échappement ne doit pas particulièrement le rassurer. Un accueil un peu agressif et tu accélères pour faire encore davantage de bruit et t'éloigner.

Les Sibériens disent qu'il s'agit d'une route « normale ». Il faut surtout faire attention aux trous. L'ajout d'huile dans la fourche fait que tu ressens davantage les chocs dans les bras. Mais peu de sable et peu de graviers. Tu croises en tout une dizaine de véhicules. Tu roules tranquillement : 3h30 pour faire les 250 km.

Arrivé à Bilibino, un cycliste te guide jusqu'à une Gotsinitsa. On te propose tout d'abord une chambre à 100 euros. Ce doit être du grand luxe. Finalement, la réceptionniste te trouve une chambre à moitié prix. C'est encore cher, mais avec ton volume de bagages, tu évites les chambres partagées.

Bilibino comme Aniusk connaissent un grand fléau : les moustiques. Si l'anti-moustique les perturbe, ils ne renoncent pas à approcher et chaque habitant a son petit nuage autour de lui. Au moins, tu ne te sens plus seul au monde à attirer les moustiques. Désormais, tu n'es ni plus ni moins gêné que les autres. Tu as appris à cohabiter.

L'hôtel est au second étage d'un immeuble d'habitation. Le quartier a été réhabilité. Il s'agit d'un quartier populaire, avec son aire de jeu, son école. Des immeubles repeints avec de multiples couleurs vives. Au rez de chaussée de ces immeubles, souvent des magasins ou des bureaux de l'administration. Des jeunes du quartier approchent pour les questions habituelles. La majorité a bu trop de vodka. L'odeur de la vodka te met de plus en plus mal à l'aise. Le plus alcoolisé veut te prendre la main pour la garder. Compliqué. Un jeune à l'allure de punk qui a un peu moins bu te donne un coup de main en montant une sacoche. Il est heureux de la distraction que tu représentes. Il frappe ensuite plusieurs fois à ta porte mais tu souhaites aussi un peu de calme.



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