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Yakoutsk

 

Samedi 21 juin 2014

Le bateau accoste sur une simple berge de sable. Tu t'attendais à débarquer directement au centre ville, mais tu vois sur ton GPS que tu es à quelques kilomètres au nord de Yakutsk. Tu suis le flot de voitures.

Yakoutsk semble bâtie sur du sable. Tu ne t'attendais pas à cette ambiance. Pour toi, tu associais la ville à une température hivernale de -50°. Et te voilà par 30° avec du sable partout, un air sec et chaud. Cela ressemble davantage à une ville d'Afrique du Nord qu'à la Sibérie que tu avais imaginée.

Arrivé au centre ville, tu te gares près d'une place où le classique tank de la seconde guerre mondiale est exposé. Tu te dis que si Valera doit te rejoindre, ce sera plus simple pour expliquer l'endroit. Sur le bateau, tu lui avais envoyé un SMS. Tu voudrais savoir s'il a bien reçu ta carte Visa. Tu viens juste de recevoir la réponse : pas de carte Visa. Il t'indique aussi que tu trouveras des hôtels à partir de 150 euros ou des auberges de jeunesse à partir de 50 euros. La vie ici est plutôt chère pour quelqu'un qui n'a plus de carte de paiement... Alors que tu veux le rappeler, ton téléphone s'éteint : la batterie est déchargée. Tu déballes tes affaires à la recherche de ta batterie auxiliaire ou d'un connecteur pour la prise de la moto. Une Yamaha TT 250 s'arrête. L'homme est jovial, te questionne. Tu lui réponds en continuant tes recherches. Tu lui dis qu'il possède une bonne moto en pensant aux Australiens rencontrés quelques jours plus tôt.

L'homme te parle par signes. Tu comprends qu'il te demande si tu sais où dormir. Qu'il t'invite sinon, qu'il s'appelle Andreï. En priorité, tu cherches à avoir des nouvelles de ta carte Visa, mais toujours pas de batterie. La discussion continue. Andreï t'inspire confiance, et tu acceptes finalement de la suivre jusqu'à chez lui. Vous garez les motos dans un garage gardé, puis montez dans une barre d'immeuble. Son appartement est en chantier; mais il s'agit d'un chantier plutôt bien rangé. Tu poses tes affaires dans un coin. Andreï t'explique son appartement, t'offre du café.

Tu comprends qu'il n'habite là que depuis deux semaines. Que lui et son épouse viennent de se séparer après 30 ans de vie commune. Tu le sens affecté. Un moment difficile pour lui. Il te montre des photos de sa famille, de son épouse qui fut championne du monde de super-marathon.

Tu étais bien hésitant, mais tu es finalement content de l'avoir suivi. Tu lui expliques ton projet, lui montres tes cartes, ton bouquin de photo, la vidéo. Tu sens que tout cela l'intéresse, le divertit.

Après une douche et une lessive, vous continuez vos présentations. Tu vas vite progresser en Russe. Tu utilises Google Translate sur ton téléphone quand les mots te manquent.



Dimanche 22 juin 2014

Le solstice d'été. Tu t 'es couché alors qu'il faisait jour, tu t'es réveillé dans la nuit alors qu'il faisait jour, et tu te réveilles alors que le soleil est déjà haut. Yakoutsk est une ville septentrionale.

C'est Dimanche. Tu n'auras pas de nouvelles aujourd'hui pour ta carte Visa. Le site de DHL indique qu'elle est toujours dans la région de Moscou. Tu passes donc du temps sur internet pour mettre à jour ton blog. Tu risques de passer un certain temps à Yakoutsk, mais tu as beaucoup de choses à faire pour préparer la suite.

Klim, un ami d'Andreï vient vous chercher en voiture. Andreï et Klim sont associés. Ils possèdent en commun une petite entreprise de transport. Cinq camions dans un vaste parking de sable. Leurs affaires tournent au ralenti pendant l'été : ils travaillent principalement sur les routes d'hiver. Leurs camions sont vétustes. Des vieux camions russes, deux Kamaz, un Oural. Aussi un MAN et un Volvo plus récent.

Klim laisse sa voiture à Andreï pour te faire visiter la ville. La ville n'est pas bien grande, on n'en fait vite le tour. Vous commencez par le quartier chic. Le quartier des « fazendas ». Sur un mur d'enceinte, un tag indique « Gangster Zone ». Comme pour le reste de la Russie, Yakoutsk connait de grandes inégalités. Des grandes richesses et des grandes pauvretés. Mais pas d'extrême richesse ni d'extrême pauvreté. Il semble y avoir du travail pour tout le monde ici.

Les routes sont elles aussi très inégales. Mais la plupart sont dans un piteux état. Mises à part deux ou trois belles avenues centrales, les rues sont souvent pleines de trous.

L'urbanisme est très hétérogène : des vieux immeubles en bois, des immeubles plus récents en béton. Tout se mélange de manière anarchique. Un point commun qui t'intrigue : tous les constructions sont montées sur des pieux qui les hissent à au moins un mètre du sol. Rien ne touche le sol. De même, toutes les conduites, les canalisations, les réseaux électriques sont suspendus. On passe en permanence sous des « ponts » de canalisations. Tu avais souvent vues ces canalisations aériennes dans le reste de la Russie, mais jamais de manière aussi systématique. Le sol semble être l'ennemi.. Le permafrost ? Pourtant, lorsque l'hiver arrive, il ne doit pas faire bon non plus dans l'air à -50°.

Vous rejoignez Klim et vous allez tous les quatre au restaurant. Une grande salle de billard. Le directeur du lieu quitte sa partie pour vous rejoindre. Il est en affaires avec Andreï et Klim. Mais l'heure est à la détente. Vous prenez tous un grand bol de soupe. De la nourriture Coréenne, très raffinée. Klim est Coréen. Depuis que tu es à Yakoutsk, tu comprends que la ville et les mines de la région attirent beaucoup de monde de toutes origines, même si les Iakoutes restent très majoritaires. Un Far East qui est très proche du Far West. Les nationalités semblent cohabiter en bonne composition.

Vous rentrez à l'appartement et tu te remets à tes activités littéraires. Tu discutes aussi avec Andreï de la suite de ton voyage, de ton itinéraire. Lorsqu'Andreï te demande comment tu as prévu de te protéger des ours, tu lui montres tes mini-fusées. Il pense que c'est une bonne solution, même si lui aurait préféré une arme à feu. Il te montre le révolver qu'il a dans la petite sacoche qu'il porte toujours sur lui. Tu es surpris. Encore le Far West... Il te montre aussi la kalachnikov qu'il a dans son armoire. Il a des permis pour ces armes, mais en tant qu'Européen de l'Ouest, tu restes étonné que l'on puisse en posséder.

A chaque repas, Andreï cuisine pour quatre. Pourtant il ne mange pas. Tu mes cette diète sur le compte de sa séparation. En revanche, tu manges comme deux et laisses la moitié dans les plats. Tu reprends les kilos perdus sur la route.

Vous mangez souvent du poisson et de la charcuterie. Beaucoup de protéines. Il y a peu de légumes dans les magasins, si ce n'est des pommes de terre, des carottes et des choux. Quelques fruits sont présents mais apparaissent comme des denrées de luxe. Probablement arrivent-ils par avion. En tous cas, Andreï prend vraiment soin de toi. Tu as honte de ces attentions, mais tu te dis que si tu ne le mérites pas, le projet « Bering », lui le mérite bien.

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Lundi 23 juin 2014

Tu contactes Bob, ton ami anglophone d'Irkutsk pour lui demander de prendre des nouvelles de ta carte Visa auprès de DHL. Il te rappelle une heure plus tard avec des nouvelles rassurantes. La carte devrait arriver dans la journée à Yakoutsk. Il appelle aussi Valera pour le prévenir.

Andreï est parti au garage, à son travail. Tu prépares de ton coté la suite de ton parcours, enregistre sur ton GPS les routes qu'il te faudra suivre sur le Kolyma, puis lors de ta traversée du Chukotka. Beaucoup de choses que tu n'as pas eu le temps de faire avant ton départ.

Vers midi, tu vois sur le site de DHL que ta carte est enfin arrivée. Un rendez vous est convenu à la place du « tank » avec Valéra pour la fin de soirée. Tu commençais à désespérer de récupérer une carte Visa.

Tu te rends au rendez vous en moto. Valéra est accompagné de deux de ses amis, plus à l'aise en Anglais. Tous te suivent pour savoir où tu loges. Lors de vos discussions, tu leur montres une goupille élastique. On ne sait jamais... mais ils ne connaissent pas. Toutefois, Valéra pense trouver une solution. Il te donne rendez vous le lendemain matin à 8h30.

Andreî rentrera tard. Il était invité par Klim à l'anniversaire ou au baptême de son petit-fils. Tu es content qu'Andreï soit bien entouré.



Mardi 24 juin 2014

Tu quittes tôt l'appartement pour retrouver Valéra. Vous traversez la ville jusqu'à une énorme concession Yamaha. On y trouve des motos, mais aussi des bateaux, des Jet Skis, des scooters des neiges... Une vaste installation moderne, impeccable. Tu avais essayé d'expliquer à Valéra que ta goupille n'était pas une pièce détachée de moto ou de bateau, et tu es tout d'abord déçu. Dans la concession, Valéra semble connaître tout le monde. Vous rentrer finalement dans une salle de réception, puis dans le bureau d'Oleg, le directeur. Ce dernier a fait partie du groupe qui a traversé le détroit de Bering en 2012 sur des Jet Skis (scooter des mers). Tu es surpris de la situation. Les traversées connues du Bering sont tellement rares. Peut être 5 ou 6 depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Tu es bien sûr au courant de cette traversée en Jet Ski., et heureux d'en discuter, d'acquérir des informations sur l'état de la mer, les itinéraires, sur les relations avec les administrations. Oleg t'apprend aussi l'impossibilité de trouver de l'essence autrement qu'en indice d'octane 80.

Oleg t'inspire confiance. Il a rapidement fait un constat précis de tes soucis mécaniques. Pour lui, la meilleure solution serait de remplacer les goupilles élastiques par des goupilles pleines d'un diamètre supérieur. Tu lui laisses donc ton embase pour que la modification soit effectuée.

En rentrant, tu écris à Loïc pour lui demander si ta moto supporterait plusieurs jours de l'essence d'indice 80. Loïc, avec qui tu avais roulé en Bolivie et au Pérou, travaille dans les injecteurs pour moto. Tu as vite une réponse : il pense qu'il ne devrait pas y avoir d'autres soucis qu'une augmentation de la consommation. Surtout qu'en mode « bateau », ton moteur ne monte jamais dans les tours. Tu es rassuré. Merci Loïc.

Depuis quelques jours, tu étais en contact avec des amis en France pour te faire parvenir ces fameuses goupilles élastiques que l'on ne trouve pas en Russie. De nouvelles réglementations pour l'envoi de marchandises aux particuliers en Russie ont fait que l'expédition a été retardée. Alors que tout devait finalement partir, tu demandes à l'annuler.

Tu as l'impression de mettre beaucoup de gens à contribution. Mais tu penses que partager ce voyage ainsi est important. Et puis tu sais que seul tu serais incapable de le mener à bien. Que tu es arrivé là grâce à l'IUT de Grenoble, grâce à tous les amis qui t'ont donné un coup de main. Et maintenant grâce à toutes ces personnes qui t'aident pendant le voyage. Ils sont nombreux.

L'après midi, vous vous rendez au garage avec Andreï. Tu souhaites contrôler à nouveau la moto et le bateau après 1000km de piste. Nettoyer aussi ton filtre à air que tu as négligé.

A nouveau, tout le monde t'aide. Il y a autour de toi Philip, le mécanicien Arménien. Andreï, Klim père et Klim junior. Le garage est une sorte de tour de Babel. Il y a encore un chauffeur Kirghiz, et un charpentier que tu crois Iakoute. Pas deux nationalités identiques. L'ambiance est familiale. Tu sens que tous s'apprécient, tous sont liés. Une grande complicité. Ils sont pourtant tous bien différents.

Autant tu ressentais certaines tensions entre Bouriates et Russes à Irkoutsk, autant tu as l'impression que les habitants de Yakutsk sont peu sensibles aux origines. Que dans la rue, tout le monde échange simplement avec tout le monde sans distinction raciale. Tu croises aussi fréquemment des couples mixtes.

Alors que l'on s'amuse de ton klaxon à poire, tu signales pour plaisanter qu'il doit remplacer ton klaxon électrique qui ne fonctionne plus. Philip et Klim junior se mettent alors au travail pour le remettre en état. Ils répareront finalement les deux : celui que tu as récupéré à Irkutsk, et celui d'origine. De ce que tu comprends, il y avait une série de soucis, de mauvais contacts, de blocages mécaniques qui faisait que plus rien ne fonctionnait.

Klim senior t'aide aussi à vérifier ton bateau. A nouveau, il est impeccable.

Tu passes du temps à vérifier la structure de la moto, à contrôler les serrages. Tu ne trouves qu'une seule chose anormale : tu as l'impression que le réservoir se serait un peu descendu par rapport au porte bagage. Il y a du jeu dans les vis qui relient les deux. Peut être les entretoises plastiques qui tiennent le bas du réservoir se sont elles un peu écrasées. Mais le réservoir ne porte aucune trace de déformation. Pour l'instant rien d'inquiétant, mais tu surveilleras.

Comme il te reste encore à remballer le bateau, Andreï demande à Klim junior de vous ramener en voiture. Tu rentres heureux de cette journée riche en rencontres et en bonnes nouvelles.

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Mercredi 24 juin 2014

Andreï se réveille tard. Tu profites de la matinée pour poursuivre ton activité sur internet. Klim junior passe ensuite vous récupérez pour vous conduire au garage.

La température a bien baissé depuis le début de la semaine. Après les 30° du weekend, il ne fait plus qu'une petite quinzaine de degrés. Du vent et par moment un peu de pluie qui ne dure pas. Tu l'apprécies car elle colle un peu la poussière au sol.

Au garage, on t'aide à nouveau pour emballer le bateau, tout réinstaller. Andreï et Klim junior t'emmène ensuite voir un musée de sculpture de glace. Une exposition permanente maintenue au frais dans des galeries creusées dans des collines à la limite de la ville, près du garage. De belles sculptures.

La température ambiante est très en dessous de 0°C. Tu commences à comprendre pourquoi les canalisations ne sont jamais enterrées...

Vous retournez ensuite à l'appartement où Valera vous rejoindra. Il a ton embase. Du travail propre, qui te paraît solide. Valera t'explique que les nouvelles goupilles ont été faites à partir de pièces très résistantes de véhicules Mercedes. Qu'elles ont été refroidies avant d'être mises en place. On t'a aussi préparé des goupilles de rechange d'un diamètre légèrement supérieur. Pour le cas où celles ci finiraient par bouger. Te voilà rassuré.

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Jeudi 25 juin 2014

Ta dernière journée à Yakoutsk. Tu écris au Chukotka pour les informer de ton avancement. Tu leur donnes aussi un lien sur une carte où ils pourront suivre ton parcours au Chukotka grâce au SPOT que tu avais acheté en Australie. Le Chukotka est une région pour laquelle il faut des autorisations particulières. Tu fournis ce lien car l'administration souhaite savoir où tu te trouves, mais ce sera aussi une sécurité pour toi.

Le midi tu as invité Valera, Ruslan et Andreï au restaurant. Un restaurant qui propose de la cuisine Iakoute traditionnelle. En entrée du poisson gelé et coupé en tranches. Puis du gibier. Tu apprécies.

Ruslan prend beaucoup de photos et de films. Il est photographe et journaliste et souhaite faire un cours reportage sur ton projet. Au moment de payer, chacun veut payer la note, et c'est finalement Andreï qui gagne. Tu aurais du t'en douter avant des les inviter.

Tu craignais d'avoir trop de temps à passer à Yakoutsk et tu auras finalement été bien occupé. Tu auras pu faire tout ce que tu voulais pour préparer la suite du voyage. Une pause agréable et efficace. Ton site web est à jour. Tu ignores si ton accès internet continuera à fonctionner plus à l'Est.

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En route vers Yakoutsk

 

Mardi 17 juin 2014

Enfin la route. Elle te manquait. Bob te guide jusqu'à la sortie de la ville. Depuis 4 jours, il aura passé la moitié de son temps avec toi. Il est pourtant chef d'entreprise.

Il faut un certain temps pour rejoindre depuis Irkutsk le Baïkal par le sud. Une route sinueuse qui n'en finit pas de passer des petits cols.

Tu as essayé de placer le bateau légèrement en retrait. Peut être 5 à 10 cm en arrière. Cela augmente le porte-à-faux, donc les efforts sur le réservoir arrière, mais comme il semble bien résister, autant te donner un peu d'espace. Tu apprécies la différence. Tu es beaucoup plus à l'aise dans les sections de terre, lorsque les travaux t'amènent sur des déviations. Tu arrives enfin à tenir la moto par les genoux, et à relâcher l'effort sur les avant-bras. Tout semble plus facile. Le nouvel espace te permet aussi de changer légèrement de position. Tu fatigues moins.

Depuis ton départ, tu t'es bien habitué au chargement. Si le positionnement de la béquille lors des arrêts reste un souci, tu as appris à reconnaître les bonnes positions. En tous cas, tu n'hésites plus à t'arrêter. Et voilà que tu ne crains plus non plus les zones de terre. Le pneu Désert tout neuf facilite aussi les choses.



Mercredi 18 juin 2014

Les paysages restent très beaux. Une steppe verte avec des collines à moitié boisées. Cela te rappelle les paysages de Mongolie. En 2010, alors que tu venais de Mongolie, tu n'avais pas été sensible à la beauté de cette région. Tu devais être blasé. Mais elle est réellement très belle.

200 km avant Chita, un couple de motards arrêtés sur le bas coté. Tu te gares près d'eux. Des Australiens. Ils font le voyage inverse à celui qui avait été le tien en 2010 : Vladivostok – Ulan Ude – Mongolie – Asie Centrale – Iran – Turquie... Ils ont des 250 TT. Tu te souviens des Canadiens qui avaient les mêmes motos. Ils s'émerveillent devant les steppes. Melissa n'a jamais rien vu d'aussi beau. C'est vrai que ces paysages n'existent pas en Australie. Mais tu penses qu'ils trouveront encore mieux bientôt en Mongolie. Tu aurais bien roulé quelques jours avec eux, mais vos directions sont opposées.

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Jeudi 19 juin 2014

Tu as dormi dans un petit hôtel 20km avant Chita. Le matin, alors que tu descends prendre ton petit déjeuner, la télévision retransmet un match de la coupe du Monde de football. La Russie joue contre la Corée, mais bien peu de monde semble s'intéresser au déroulement du match. Le foot n'a pas la renommée du hockey ici. Tu regardes cinq minutes et retournes emballer tes affaires.

Tu quittes Chita vers 8h. Les panneaux indiquent la prochaîne grande ville : Khabarosk à 2113 km. Les écarts entre les villes se creusent... Chita <=> Khabarosk est la section le plus désertique entre Moscou et Vlasdivostok. Peu de véhicules. Pourtant cette route est en excellent état. Ce qu'il y a de mieux en Russie.

Tu as mis ton GPS en mode « routage », et il t'indique imperturbablement : « Continuer sur L'Amour ». Un joli slogan. L'Amour doit être le petit nom de cette grande route. Un joli nom qui t'inspire. Il fait grand beau, les paysages sont magnifiques, et tu retrouves le plaisir de conduire. Tu peux penser aux personnes qui te sont chères. Tu as l'impression d'être avec elles. C'est en partie cette disponibilité qui te faisait tellement apprécier la moto lors de ton tour du monde.

Tu es toujours sur l'Amour l'après midi, mais le grand bonheur ne dure pas : il pleut. Des averses presque en continu. Il n'y a personne sur la route, pas de camion pour t'éclabousser, donc ce n'est pas bien grave.

Tu t'arrêtes pratiquement à chaque station service. Tu les reconnais toutes. Il ne faut pas trop jouer avec l'autonomie, et tu préfères refaire le plein de ton réservoir avant aussi souvent que possible. Jusqu'à Irkutsk, tu remplissais le réservoir avant, et attendais que l'essence se transfère dans le réservoir arrière pour rajouter deux ou trois litres. Mais dans les petites stations, les pompes sont souvent ancestrales et on ne te laisse pas attendre. On préfère te rembourser plutôt que laisser la pompe tourner à vide. Tu n'insistes pas. En faisant régulièrement le plein de l'avant uniquement, tu penses avoir une autonomie de 400km environ alors que la moitié te suffirait.

Tu finis ta route vers 19h. Le premier hôtel depuis très longtemps. Les prix sont 2 à 3 fois plus chers qu'ailleurs. Cela te rappelle les « Road-Stations » dans le bush Australien. C'est la loi du marché. Lorsque tu demandes un garage pour la moto, on trouve désormais toujours une solution. Tu peux donc laisser le bateau en place et ne démonter que ton sac.



Vendredi 20 juin 2014

Tu as encore 200 km sur l'Amour avant de prendre la route de Yakutsk. La route est toujours excellente et tu en profites.

L'intersection entre les routes de l'Amour et du Kolyma est construite sur le modèle des grands échangeurs des autoroutes américaines. Une rosace complète, avec plusieurs centaines de mètres de rayon de courbure. La route de Yakutsk est une deux fois deux voies sur 500 mètres. Elles passent rapidement à une fois trois voies, puis encore 500 mètres plus tard à une fois deux voies pour finir tout aussi vite par une route de terre. Mais l'échangeur était impressionnant.

Sur les 50 premiers kilomètres, une route nouvelle est en chantier. La route disponible est donc en très mauvais état. La principale gêne vient des camions du chantier. Ils sont omniprésents et soulèvent beaucoup de poussière. Heureusement, après la première petite ville tu auras droit à une vingtaine de kilomètres de route goudronnée. Et toute la suite sera ainsi : une succession de mauvaises routes de terre, de bonnes routes de terre, de vieilles routes goudronnées, ou encore de belles routes où l'asphalte vient d'être posé. La Russie du changement permanent.

Le cas de figure le plus fréquent est la bonne route de terre. Tu peux alors rouler assez vite pour éviter les vibrations due à la tôle ondulée. En revanche, lorsqu'il s'agit d'anciennes sections goudronnées, il te faut rouler suffisamment doucement pour éviter les chocs dans les trous. Mais tu te fais naturellement piégé : lorsque tu penses pouvoir accélérer, tu rencontres inévitablement un trou qui refroidit tes ardeurs.

La bonne nouvelle : alors que tu craignais beaucoup la conduite avec ton chargement, tu réalises rapidement la bonne maniabilité de l'ensemble. Bien sûr, tu redoutes les zones de sable, mais tu les passes à chaque fois sans réelle difficulté. Il n'y a que dans les descentes que tu es mal à l'aise.

Tu t'arrêtes à midi à Tinda, la principale ville avant Yakutsk. Tout d'abord une station service. Tu en profites pour demander s'ils ont un compresseur pour la pression de tes pneux. Négatif. Tu observes alors ton pneu avant, et tu réalises qu'il est bien dégonflé. Il ne reste qu'environ 0.5 bar. Le quart de ce qu'il te faudrait. Cela explique tes difficultés dans les descente. Tu te sens stupide. Tu aurais pu crever et abimer sérieusement ta chambre à air avec tous ces trous, toutes les pierres...

Tu décides de poursuivre doucement jusqu'au premier vulcanisateur. Il y en a plusieurs dans chaque ville. Tu refais la pression, mais elle semble ne pas tenir. Tu resserres la valve et réalises qu'elle était probablement pas assez serrée. Tu laisses la moto chez le vulcanisateur qui était prêt à t'aider au démontage de la roue et tu vas déjeuner dans un petit restaurant.

De retour à la moto, tu mesures à nouveau la pression. Elle semble stabilisée. Tu décides de laisser ainsi. Tout démonter prendrait trop de temps. S'il y a vraiment une crevaison, tu t'arrêteras dans une prochaine ville. Mais la fuite est certainement minime.

L'après midi est toujours la même succession de sections de route à l'état tellement variable. Tu essayes de rouler suffisamment pour avoir moins de distance le lendemain. Comme tu te sens crasseux, tu aimerais trouver un hôtel pour prendre une douche. Tu attends la prochaine ville, mais elle ne vient pas. Au contraire, tu te trouves à nouveau sur un chantier pendant près de 100 km. Le soleil est rasant et t'éblouit. Les ombres des arbres, la poussière permanente rendent la situation de plus en plus compliquée. Souvent, un camion que tu voudrais doubler. Mais lorsque tu l'approches, le nuage de poussière est si dense qu'il y a un temps important pendant lequel tu ne vois strictement rien. La conduite devient vraiment dangereuse.

Enfin, la petite ville attendue. Tu t'arrêtes dans la première « Gostinitsa » que tu trouves. Ce n'est pas vraiment un hôtel, mais un petit immeuble de l'époque soviétique dans lequel la plupart des locataires sont des résidents permanents. Le prix est élevé pour une seule nuit, mais tu t'en moques : tu veux te doucher, être propre, perdre la couche de poussière imprégnée dans ta peau, tes cheveux.

La réceptionniste est étonnée de ton arrivée. Elle fait les choses à l'ancienne : elle photocopie tous tes papiers, téléphone pour savoir comme enregistrer un étranger. Cela dure, mais tu as finalement droit à ta douche. Froide, mais au combien agréable.

Le soir, tu arrives difficilement à lire les emails des deux derniers jours. Tu apprends que les goupilles n'ont pas pu partir. DHL limite désormais ses expéditions aux seules entreprises... Vite, tu trouves grâce à Bob une destination « professionnelle » sur Yakutsk. Malheureusement, le décalage horaire fait qu'il sera trop tard pour que l'envoi ait lieu ce vendredi. Ce ne sera que pour lundi prochain. Tu n'as décidément pas de chance avec les questions d'expéditions.



Samedi 21 juin 2014

La route commence par une section goudronnée de 100km. Incroyable... Tu ne cherches pas à comprendre, et tu en profites. Surtout ne pas aller trop vite pour bien savourer. La suite sera comme la veille : une succession hétérogène de bonnes, mauvaises, très mauvaises pistes.

Souvent des camions en panne. La vie de chauffeur routier est dure dans la région. Ils ont beau te recouvrir de poussière, tu respectes ces hommes. Tu les salues quand tu les croises.

Tu t'arrêtes souvent pour nettoyer ta visière, pour prendre un café. A chaque fois, des serveuses, des chauffeurs viennent à toi pour te questionner. Magadan ? Niet v'Chukotkou.. Ces chauffeurs sont bien placés pour savoir que la route du Chukotka n'existe pas. Du moins en été. Alors tu leur expliques : « Le bateau sur la moto, puis la moto sur le bateau. Lodka na motocyclé, potom motocycle na lodké ». Parfois tu leur montres la vidéo. Comme ton Russe est trop limité pour dire « j'essaye d'aller aussi loin que possible vers l'Alaska », tu simplifies : « je vais en Alaska ». Tu te dis que la rumeur va se répandre.. Tous ces gens qui pensaient être sur la route de Magadan découvrent qu'ils sont en fait sur la route Paris-New York. Peu importe jusqu'où tu iras : la route existe désormais. La preuve : ils ont vu un Français qui passait par là pour se rendre en Amérique. Sur leur route!

La bonne nouvelle de la journée : plusieurs personnes t'ont confirmé que la route de Magadan ne présentait pas de difficulté particulière. Pas vraiment pire que celle-ci... en tout cas classique pour les 4x4 ou les motos. Et de l'essence régulièrement. A Vladimir, près de Moscou, Alex t'avait dit que cette route était impossible l'été, et que tu ne trouverais pas d'essence, ou alors à un prix fou. La Russie est tellement grande que personne ne peut être bien informé de l'état des routes de l'autre coté du pays.

Les 100 derniers kilomètres sont, comme hier, difficiles. Soleil rasant, l'ombre des arbres, et surtout des travaux sans interruption. Tu as chaud, tu ne vois rien, tu es épuisé. Tu as conservé ton pantalon de pluie pour protéger ton pantalon de route de la poussière. Mais tu baignes dans ta sueur. Un sauna.

30km avant l'arrivée, tu décides de t'arrêter en plein chantier. Voilà une demi heure que tu attendais un lieu plus accueillant, mais il te faut nettoyer ta visière. Tout devient trop dangereux. Un homme sur un engin de chantier arrête son moteur et vient te proposer un masque à poussière. Les camions se suivent, et le sable se transforme en poussière. Plus tu approches de l'arrivée, plus les zones de sable se font fréquentes. Tu étais heureux de faire de la piste, mais tu souhaites maintenant retrouver au plus vite le goudron. Lui seul t 'épargnerait la poussière.

La piste ne mène pas à Yakutsk mais à une petite ville de l'autre coté du fleuve Lena. Un fleuve comme on n'en connait pas en Europe. Des kilomètres de large... Une mer intérieure. L'hiver, la route se poursuit sur le fleuve. L'été, il faut prendre des bacs. La traversée dure une bonne demi-heure. Avant de partir tu te demandais si tu utiliserais ton bateau pour cette traversée, mais tu es tellement fatigué que tu n'envisages plus cette solution une seule seconde.

Sur le bac, des Russes de Lettonie viennent te parler. Ils ont déjà bien abusé de la vodka. Des chauffeurs aussi à qui tu expliques à nouveau ton projet. Personne ne te dit « impossible ». Tu sais d'ailleurs que c'est possible. Juste compliqué pour un motard seul.

Tu observes l'eau. Près des rives, le fleuve charrie beaucoup de morceaux de bois. Ce ne serait pas très bon pour ton bateau pneumatique, ni pour ta courroie... D'ailleurs, tu ne vois aucun pneumatique sur le fleuve. Il y a bien des petits « hors bord », mais jamais en pneumatique. Tu penses au Kolyma. Deux fleuves qui doivent se ressembler. Si tu trouves un bateau-bac sur le Kolyma qui descend jusqu'à Zyrianka puis Aniusk, tu le prendras.

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Irkoutsk

 

Jeudi 12 juin 2014

Tu comprends désormais ce que l'on avait essayé de t'expliquer. Vous n'êtes pas dans le garage de Maxim, mais dans celui du club. Une grande pièce de 150m² qui est le lieu de rassemblement des « Black Bears » d'Irkutsk. Un lieu fièrement décoré par des dizaines d'objets, souvent en lien aux Harley Davidson.

Maxim te propose d'y laisser tes affaires, et d'aller avec eux à une séance de sauna. Tu es épuisé, mais l'idée est séduisante. Tu as beaucoup transpiré, et tu te souviens des bienfaits des bains russes.

Vous voilà donc partis « en ville ». Les Harleys pétaradent presqu'autant que ta moto. La conduite est rapide. Tu es surpris de redécouvrir ta moto allégée.

Le sauna est dans un ancien bâtiment datant de l'époque soviétique. Il appartenait peut être à un syndicat, et les décorations sont toutes dans le style soviétique. On t'explique que le groupe loue chaque semaine pour quelques heures l'endroit : un sauna, une salle de réception, des vestiaires.. D'autres motards vous ont rejoint et vous êtes entre 6 ou 8. Les tenues sont soignées, toujours dans le style sombre des bikers « Harley ». Un style pour faire peur alors que tous on l'air si gentils, si doux.

Après le sauna, tous se retrouvent dans le garage qui sera aussi ta chambre pendant ton séjour à Irkoutsk. On t'explique comment fonctionne le lieu. Tu es épuisé et ne tardes pas à te coucher dans ton duvet. Les discussions continuent, mais tu ne les entends plus.



Vendredi 13 juin 2014

Tu te réveilles à 10 heures. Ce doit faire des années que tu n'avais pas autant dormi.

Tu ne devrais pas avoir tes pneus avant lundi. Tu en profites pour commencer tes révisions. Tu déballes et gonfles tout d'abord le bateau. Tu craignais que les vibrations aient engendré des frottements fatals, mais il n'en est rien. Autant le sac a souffert, autant le bateau est impeccable. Une bonne nouvelle : promener un bateau sur une moto sans l'abimer ne te paraissait pas gagner d'avance.

Tu cherches aussi à réparer ton klaxon, et à trouver la cause de l'erreur sur le capteur d'air qui revient régulièrement. A priori, le problème semblerait lié à de l'huile utilisée dans la mousse du filtre à air. Lorsque tu as acheté la moto, tu as demandé au concessionnaire de remplacer le filtre papier par un filtre en mousse, qu'il faut imbiber d'huile. Il en aurait trop mis. Tu retrouves des petites flaques au fond de la boîte à air. Tu les nettoies, et nettoies aussi ton filtre qui en avait bien besoin.

Pour le klaxon, tu ne comprends pas et abandonnes. Un accessoire que tu n'utilises pratiquement jamais. Tu n'en as pas réellement besoin.

Lors de l'inspection, tu réalises que tu as perdu le bouchon du réservoir du frein arrière. Cela a du se passer peu de temps avant ton arrivée car il reste encore un quart de liquide, plutôt propre. Tu n'espères pas trouver un bouchon à l'identique, mais il te faudra trouver une solution.

Le midi, Bob vient te retrouver. Il t'invite dans un restaurant chic du centre ville. La nourriture est raffinée, succulente. Bob parle très bien l'Anglais, et il cherche à t'aider par tous les moyens à sa disposition. Pour tes soucis de carte Visa, il veut te donner de l'argent, mais tu n'en as pas besoin. Il te fait visiter la ville. Tu es assis à l'arrière de sa Harley, et tu profites de la visite, tout en musique.

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Samedi 14 juin 2014

Bob passe te prendre pour t'emmener faire des courses. Tu es toujours royalement assis à l'arrière de sa Harley. A peine 5 minutes après avoir quitté le garage, vous vous faites arrêtés par la police. Bob n'est ni ivre, ni voleur de moto. Il ne devrait donc pas y avoir de souci. Sauf qu'il n'a pas le permis. Souvent, les policiers le laissent repartir. Mais cette fois-ci un officier est présent, et il doit être verbalisé. Bob t'explique que la moitié des membres du club roulent sans permis. Bob a deux motos. Il roule ainsi depuis 5 ans, et a été verbalisé seulement deux fois. Tu es surpris.

Comme tu as ton permis, les policiers demandent d'abord à ce que tu repartes en tant que conducteur. Pourquoi pas, mais tu n'as jamais conduit une telle moto. Tu fais quelques mètres, à la recherche de l'équilibre et du point mort, et le policier comprend qu'il est plus prudent que ce soit Bob qui reprenne le guidon. Très pragmatiques ces policiers.

Les premières courses se passent bien. Tu récupères de l'argent dans une Western Union, achètes une carte de Russie chez Garmin pour ton GPS, et vous trouvez dans une armurerie des petites fusées pour faire peur aux ours. Tu cherchais une grosse bombe lacrymogène comme on en vend au Canada ou aux Etats Unis, mais ici, c'est inconnu : on fait peur aux ours avec du bruit, ou une arme à feu. Le vendeur te fait une démonstration de la fusée. Tu es convaincu, et cela prendra moins de place que la bombe au poivre.

Il te reste à trouver des goupilles élastiques pour ton arbre d'hélice. Bêtement, tu n'en as pas achetées avant de partir, pensant que tu en trouveras facilement en route. Tu pensais qu'il s'agissait d'un objet universel, comme un roulement à billes, que tu trouverais partout. Il n'en est rien. Vous faîtes de nombreux magasins, mais à chaque fois, le vendeur semble découvrir ce qu'est une goupille élastique.

Ces goupilles servent à fixer la poulie sur ton arbre d'hélice. Tu sais qu'elles s'écrasent rapidement, qu'elles ne durent pas. Qu'il te faut des pièces de rechange. Surtout depuis que tu déjauges. Tu ne peux envisager de naviguer sur des longues distances sans ces pièces.

Bob pense qu'il faut attendre lundi, et que l'on en trouvera sans difficulté. Vous rentrez au garage. Maxim vous y attend avec tes pneus et l'huile que tu pensais récupérer lundi.

Il y a beaucoup de monde au garage ce Samedi soir. Une réunion du club. Maxim est venu avec Diana, sa fille d'une dizaine d'années. Elle s'amuse dans le bateau, imaginant l'océan. Tous les membres du club ont des vêtements en cuir, des looks impressionnants. Mais tu comprends rapidement qu'ils ne sont en rien asociaux. Ils ont un job, une famille, des enfants, et leur appartenance au club, leur attachement aux Harleys est surtout un hobby. Aussi le souhait d'appartenir à un groupe fraternel.

Chacun veut t'aider. L'un d'entre eux prend tous les bouchons qu'il trouve pour essayer sur ton réservoir de frein. Finalement, il en trouve un qui semble convenir : celui de la bouteille d'huile de tournesol. Effectivement, il ne se visse pas car les pas ne coïncident pas, mais en pressant fortement, on arrive à le clipser de manière fiable. Pourquoi pas... En tous cas, ce sera une bonne solution temporaire.

Dans la soirée des nouveaux arrivants. Tout d'abord deux motards de passage qui resteront dormir cette nuit au garage. Ils viennent de passer un mois aux Etats Unis où ils ont acheté leurs Harleys. Ils arrivent du port de Vladivostok et rentrent chez eux, dans la région de Moscou. Ils racontent leur périple Nord Américain. Leurs rencontres avec les immigrés, anciens « soviétiques », la vie de ces derniers. L'auditoire est attentif. L'un d'entre eux est plus à l'aise en Anglais, et te traduit ce qui se dit.

Tu as aussi la visite de Julia et de son mari Dima. Julia était prof d'Anglais. Dima essaye d'apprendre l'Anglais sous l'autorité de Julia. Ils t'invitent à diner. Vous vous rendez à pieds, dans une pizzeria. Ils te proposent aussi d'aller voir le lac Baïkal demain matin, et tu acceptes. Maintenant que tes pneus sont là, tu as du travail, mais il faut aussi profiter de ces rencontres.

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Dimanche 15 juin 2014

Tu prends ton petit déjeuner en compagnie de tes deux compagnons Moscovites. Vous vous racontez des histoires de voyageurs. Ils te parlent aussi de l'Ukraine. Comme la plupart des Russes que tu rencontres, ils ont de la famille dans la partie orientale de l'Ukraine. Pour eux, l'Ukraine est historiquement russe. Le message est souvent le même : la Russie s'est construite à partir de l'Ukraine. Elle est son coeur historique.

Tu te rapproches de leur position. Tu pourrais opposer que lorsque la Tchétchénie souhaite devenir indépendante, la Russie lui envoie des chars. Que si les Bouriates souhaitaient devenir Mongoles, on étoufferait leur revendication. Qu'il en est de même de nombreuses minorités. Tu n'oses pas élargir le sujet.

Les frontières inter-républiques de l'ancienne URSS ont été construites par Staline, souvent sans logique historique, ni logique humaine. Tu avais ainsi rencontré des Ouzbeks dans tous les pays limitrophes de l'Ouzbékistan. Il fallait diminuer l'Ouzbékistan. L'Ukraine fait parler d'elle car elle est à la frontière de deux blocs, mais bien d'autres contrées pourraient aussi connaître les mêmes soucis.

Julia et Dima arrivent. Ils t'emmènent en voiture après que vous ayez fait vos adieux aux Moscovites. Le Lac Baïkal est à moins d'une heure de Irkutsk. Vous êtes partis tôt car la route risque d'être chargée l'après midi.

Le lac est calme, parfaitement plat. Tu penses à tes essais... un lieu idéal.

Tu ne connais du Baïkal que sa renommée de « plus grand réservoir d'eau douce du monde ». C'est pour les Russes un lieu de villégiature, mais qui reste un peu frais. Même l'été, l'eau est trop fraîche pour s'y baigner. L'activité principale semble être de consommer du poisson fumé. Vous vous prêtez à l'exercice.

Vous parlez d'Australie. Julia et Dima s'y rendront en Septembre pour leurs vacances. Chacun parle aussi de son travail : Dima est dans l'informatique, et Julia est journaliste à la télévision. Ils sont jeunes, ont des projets. Ils aiment les voyages, et ne sont pas particulièrement attachés à leur région : l'hiver y est beaucoup trop long!

Ils te ramènent au garage en milieu d'après midi après avoir passé vainement du temps pour rechercher tes goupilles. Tu finis le montage de tes pneus, les préparatifs de la moto. Tu espères reprendre la route dès demain après midi.

Tu peux aussi récupérer un peu de retard pour ton blog. Depuis ton départ, tu es toujours en retard dans ton écriture. Trop d'occupations.

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Lundi 16 juin 2014

Bob te récupère pour partir à nouveau à la recherche des goupilles élastiques. Ce sera infructueux comme pour les tentatives précédentes. Vous faîtes tout d'abord une série de magasins qui vendent tous des moteurs de bateaux, des bateaux pneumatiques, des motos chinoises, des vélos et des batteries de voitures. Le mélange est particulier, mais tous ces magasins proposent le même. Tu expliques à Bob qu'il te faut des magasins de pièces mécaniques. Il y en a peu si ce n'est les vendeurs de pièces détachés pour voitures. Mais les rares qui pourraient t'intéresser, qui vendent de la boulonnerie, des pièces mécaniques dont des goupilles, ne connaissent pas les goupilles élastiques.

Depuis ton arrivée en Russie, tu vois partout des magasins, et rarement des usines. Les bâtiments qui ressembleraient à des usines sont souvent abandonnés. Il en est de même le long des routes des anciens kolkhozes. La Russie n'est plus un pays de production. Sauf peut être pour l'armement et pour les matières premières.

Dans un atelier qui prépare aussi des motos, tu penses à demander s'ils n'ont pas des réservoirs de frein en pièce détachées. Ils en recherchent, mais n'en trouvent pas. Finalement, ils démontent celui d'une moto chinoise neuve, et te l'offre. La Russie est généreuse. Bob te dit que ce serait ainsi dans tous les pays du monde. Tu ne le penses pas. Si un motard Russe a besoin d'un réservoir de frein en France, on lui proposera de le commander et d'attendre.

En revanche, la recherche de goupilles est toujours aussi infructueuse. De retour au garage, tu te résous à demander à des amis Français s'ils peuvent t'en envoyer, ou s'il existerait d'autres solutions. Tu as rapidement des réponses complètes, détaillées. Ton souci de goupilles ne semble pas surprendre. Ces pièces ne sont pas réellement faites pour transmettre du couple. Elles sont faîtes pour verrouiller un assemblage, non pour transmettre le couple. On te propose des solutions alternatives, mais il est trop tard pour les mettre en oeuvre. Tu aurais du approfondir plus tôt. Désormais, il te faut suffisamment de goupilles pour tenir ce voyage. Tu les contrôleras régulièrement et les remplaceras quand tu les trouveras trop affaiblies.

Tu demandes donc à un ami de t'en faire parvenir par DHL. Avec un peu de chance, elles seront à Yakutsk en même temps que toi.

 
Sur la route d'Irkoutsk

 

Mardi 10 juin 2014

Toujours l'eau et la platitude totale. Tu comprends pourquoi Pascale et Michel s'étaient embêtés sur cette route. Passer par le sud, l'Iran et l'Asie Centrale est tellement plus intéressant, tellement plus varié. Tellement plus riche.

Tu essayes de rouler par période de deux heures. Tu es fatigué, et le manque de latitude dans ton positionnement fait que tu as rapidement les fesses douloureuses. Tu manques d'espace. Sur la piste, il faudra que tu recules le bateau, même si cela amplifie le déséquilibre. Sinon, tu n'arriveras pas à piloter. Mais sur les mauvaises routes, tu estimes qu'il vaut mieux concentrer le poids pour diminuer l'effet des chocs.

Tu commences à croiser des motards. Trois ou quatre par jours. Vous vous saluez à chaque fois. Près d'un arrêt de bus, 4 BMW arrêtées. Des GS1100. Tu reconnais de suite les plaques Allemandes. Tu t'arrêtes et vous discutez de vos voyages. Tu leur montres la vidéo de FR3 pour leur expliquer le concept. Ils s'amusent.

Vous repartez ensemble. A l'approche de Kemerovo, ils tournent, suivant la direction de Marinsk. Jusque là, tu suivais les panneaux pour Krasnoyarsk. Tu les salues et continue. Erreur : Marinsk est sur la route de Krasnoyarsk, et Kemerovo est une grande ville, même si tu n'en avais jamais entendu le nom. Des embouteillages. Un orage. Les voitures t'éclabousses. Tu te sens sale. Ta visière devient opaque par la crasse. Tu demandes ton chemin aux automobilistes, et tu es à chaque fois bien renseigné. Une fois, tu te trompes à nouveau, te retrouves sur une petite route. Tu interroges un homme qui attend un bus. Il est ivre. Es-tu Allemand ? Non, Français. Il t'indique une route. Tu es inquiet que la route dépende de ta nationalité. Tu veux repartir, mais il essaie de te bloquer. Tu essaies le klaxon, mais tu réalises qu'il ne fonctionne plus. Tu avais déjà eu l'occasion d'essayer de klaxonner sans succès, mais tu pensais avoir appuyé au mauvais endroit. Il est donc « hors service ». Tu râles et force le passage pour repartir. L'alcool est un souci en Russie.

Il y a une semaine, dans une station service, un homme ivre voulait t'embrasser sur la bouche. Il n'était en rien agressif, mais bon...

Tu finis par quitter la ville. Le beau temps revient, te sèche, mais tu restes sale. Le sac du bateau est aussi bien souillé.

Le soir, tu t'arrêtes à un premier hôtel. Tu demandes s'il y a un garage, un peu de sécurité. La patronne de l'hôtel est peu rassurée pour ta moto, et te conseille de repartir. 50 km plus loin, un hôtel avec un parking gardé. Depuis Omsk, tu as l'impression que l'insécurité est un souci sur les routes. Souvent des gardes dans les stations services. Plusieurs fois, des voitures avec des capots ouverts et des hommes qui font des grands signes pour que les véhicules s'arrêtent. Les voitures ne s'arrêtent pas, et toi non plus. Non seulement il te faudrait une heure pour sortir et ranger les outils, mais ces situations sentent l'arnaque.

Tu rejoins donc l'hôtel suivant. Tu as honte de monter ton bateau dans la chambre d'hôtel. Le sol est plastifié et tu espères qu'il ne restera pas de trace.

A chaque fois, tu expliques ton voyage aux personnes que tu rencontres dans ces hôtels. Tu penses qu'elles sont contentes d'entendre un tel projet. A chaque fois, le mot « Chukotka » les impressionne. Un peu comme si l'on disait « Terre Adélie » en France. Le Chukotka est isolé de la Russie.

Tu manges avec un chauffeur de Yakutsk. Un homme doux, de type asiatique. Il passe son temps à rouler dans une petite camionnette Toyota entre Moscou et Yakoutsk. Peut être 5000 km. Tu lui fait répéter : Moscou – Yakutsk, Yakutsk – Moscou, Moscou – Yakutsk, … vrouuum vrouuum. Il sourit : Da, vrooumm vroooummm!

Il t'indique que la route de Magadan est très peu praticable, très difficile. Tu le sais... Tu verras bien. Si la boue te bloque, tu attendras. S'il t'es impossible de passer, tu renonceras ou tu chercheras un camion.



Mercredi 11 juin 2014

Tu contournes Krasnoyarsk. Progressivement, le paysage a changé. Un peu de relief, des virages, et moins d'eau. Tu vois même des fleurs parfois sur le bas de la route. Des pissenlits, mais des fleurs quand même. Et les moustiques se font plus rares.

Les petits villages que tu traverses ont du charme. Des vieilles maisons en bois avec les volets sculptés et colorés. Souvent des tas de bois en formation devant la maison. L'été n'est pas arrivé qu'ils préparent déjà l'hiver prochain.

Parfois une usine désaffecté au milieu du village. Tu reconnais une petite aciérie. Des anciens hangars agricoles qui tombent en ruines. Les restes des kolkhozes soviétiques.

Tu aperçois aussi des cavaliers qui gardent des troupeaux de vaches. Nous sommes au Nord de la Mongolie. Le pays des Bouriates.

Tu retrouves le groupe d'Allemands qui s'est arrêté pour photographier des ours empaillés qui sont vendus sur le bas coté de la route. Il y a aussi des loups et d'autres animaux à fourrure.

Ils sont contents de te revoir. Les motards en groupe sont souvent refermés sur eux mêmes. Les groupes d'Allemands peut être davantage. Certainement beaucoup plus que les motards italiens. Vous reparlez de vos voyages. Ils ont quatre semaines de congés pour rejoindre Vladivostok et rentrer en train. Une course contre la montre. Ils sont partis le 31 mai d'Allemagne. Que des longues journées.

Vous repartez et roulez ensemble. Le soir, vous trouvez un hôtel. Les choses sont un peu compliquées, mais vous obtenez des chambres. La patronne de l'hôtel sait ce qu'elle veut. Elle a ses exigences et veut les faire entendre, même si vous ne les comprenez pas. Souvent, les femmes qui travaillent dans ces endroits ont le caractère bien forgé. Il faut savoir se défendre face aux clients de tout genre qui circulent sur les routes.

Plus on s'éloigne de Moscou, plus les prix des chambres sont bas. Les chambres sont aujourd'hui d'une propreté parfaite. Les hôtels en Russie ne se ressemblent pas. Il y a le pire et le meilleur. A chaque jour sa surprise. La Russie ignore les standards. Tu apprécies plutôt les surprises.

Vous dinez ensemble. Photos des voyages précédents, souvenirs communs d'Ouzbékistan. Tu réalises qu'ils n'ont pas les même relations que toi avec les serveuses, les réceptionnistes. Toi, tu as besoin de contact et tu souris, tu essayes de parler. Eux veulent juste un service, et échangent ensuite entre eux en Allemand.

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Jeudi 12 juin 2014

Encore une longue journée. Tes amis Allemands quittent l'hôtel avant toi. Tu as besoin de davantage de temps pour assurer ton chargement. Et ce matin, tu voulais graisser ta chaîne.

Tu les retrouveras deux heures plus tard, à une station essence. D'un seul coup, la distance entre deux stations s'était agrandie, et deux d'entre eux sont tombés en panne sèche. Ils sont bien organisés, et l'un d'entre eux transporte un jerrycan de secours. Ils étaient toutefois heureux de rejoindre la station. Plus on va vers l'Est, plus les stations sont écartées. Après Ulan Ude, il faut refaire le plein à chaque station croisée.

La route est généralement bonne, mais avec de nombreuses zones de travaux. Ce sont souvent les ponts qui sont en réfection, et les petits contournements se succèdent.

Tu as rendez vous à Irkoutsk avec Maxim, l'ami de Danila qui t'avait hébergé à Nizli Novgorod. Tu sais qu'il peut te trouver un endroit pour faire ton entretien. Maxim t'a envoyé des coordonnées GPS. Pour une fois, tu rejoins l'endroit sans encombre. Il est 19h30, et tu es bien fatigué.

L'endroit est bizarre. Quelques maisons, des hangars.. Tu appelles Maxim qui ne parle pas Anglais. L'un de ses amis anglophone te rappelle. Il t'explique que Maxim va arriver, et que tu es proche du garage. Effectivement, il y a un peu plus haut un accès à des garages.

Tu attendras Maxim pendant près de deux heures dans la chaleur et la poussière. Toutes les demi-heures, tu rappelles, mais on t'explique qu'il arrive... Tu ne comprends pas bien et tu t'apprêtes à partir à la recherche d'un hôtel quand tu vois arriver dans un nuage de poussière quatre Harleys. Quatre motards en blousons noirs. Un look soigné. Ils te conduisent au « garage ».

 
Omsk

 

Samedi 7 juin 2014

Avant de démarrer, tu te décides à regarder la carte. Tu ne le fais pas souvent, car généralement, il suffit juste de poursuivre la route vers l'Est. Par hasard, tu réalises que la route traverses un morceau du Kazakhstan... Les frontières de l'ex URSS sont parfois compliquées, et tu te souviens de la même histoire d'enclave entre Ouzbékistan et Kazakhstan. Il y a, pas loin, un détour que tu peux prendre pour poursuivre tout en restant en Russie.

Tu quittes donc quelques kilomètres après l'hôtel la route principale pour monter vers le Nord. La route est belle, bien meilleure que celle que tu viens de quitter. Le souci du jour est le retour du froid. Un vent glacial. Très vite, tu t'arrêtes pour remettre tes piles de vêtements et d'équipement.

Après une centaine de kilomètres, tu reprends vers l'Est. La route est soudainement complètement défoncée. Pire qu'une route Kazakh... Les voitures et les camions avancent au pas, en zigzag. Il est normalement plus simple de trouver son chemin en moto, mais rentrer dans des trous profonds et en ressortir n'est pas particulièrement facile avec ton chargement. Heureusement, tu réalises que ta moto est devenue plus manoeuvrable avec le temps. Tu hésites juste à accélérer pour éviter les chocs.

La section cassée et cassante dure ainsi 20 kilomètres. Environ 45 minutes... Alors que tu commençais à imaginer qu'elle serait interminable, elle se transforme d'un seul coup en route parfaite. L'un des plus beaux tronçons depuis ton entrée en Russie. Les routes Russes sont toujours pleines de surprises. Tout est contrasté dans ce pays.

Tu avais annoncé à Mikhail d'Omsk que tu arriverais en début d'après midi. Les détours et les travaux font que tu rejoins Omsk vers 16 heures. Tu appelles, mais Mikhail ne comprend pas l'Anglais. Une de ses amies te rappelle dix minutes plus tard, en Anglais. Mikhaïl te demande d'attendre dans la station où tu te trouves et dont tu as envoyé les coordonnées GPS.

Un quart d'heure plus tard, arrive une Honda Valkyrie, musique à fond. Alexander se présente comme un ami de Mikhail. Il passe quelques coups de fils, puis te demande de le suivre. Après seulement 500 mètres sur l'autoroute, vous prenez un chemin de terre, vous vous dirigez vers des hangars perdu dans la campagne. Une sorte de garage, mais avec des motos devant. Alors que vous rentrez dans l'un des hangars, tu réalises que tu te trouves dans une parfaite concession KTM... Des motos neuves en exposition, des séries de casques, d'équipements, des piles de pneus bien rangées. Tu pensais qu'il n'y avait qu'une seule représentation KTM à Moscou, et ce lieu est une belle surprise.

Ils ont récupéré ton rétroviseur cassé. Tu discutes voyage avec Alexander. Après un café, vous retournez vers les motos. Mikhail vient d'arriver, dans un gros 4x4. Il est chaleureux, souriant.

Vous retournez vers ta moto. Tu réalises qu'il y a un rétro en place sur ton guidon... Il est propre, mais n'a pas l'air neuf. Le patron de la concession sourit. Tu aperçois alors la soudure... Ils ont ressoudé les deux morceaux de ton rétro. Parfait! La Russie reste un pays où l'on répare facilement.

Alexander te demande si tu as besoin de rien dans ce magasin KTM fait pour toi... Dans d'autres circonstances, tu trouverais des achats à faire, mais sans ta carte Visa, tu n'oses même plus te poser la question.

Vous quittez la concession. Tu dois suivre Mikhail. Il te conduit chez lui, de l'autre coté d'Omsk. Ou plutôt chez ses parents. Une grande maison, à l'écart d'une route qui va vers le Kazakhstan. Il te présente ses parents, sa grand mère, sa cousine de passage. Il y a aussi un jeune homme discret, Andreï. Tu ne comprends pas qui il est, mais tu réaliseras plus tard qu'il a un rôle de chauffeur.

Micha doit se rendre en ville. Il te laisse te reposer, prendre une douche. Tu fais connaissance avec sa famille. Tu leur montres ton livre de voyage. En échange, tu as droit aux albums de photos de la famille, à leurs voyages en Thaïllande, en Espagne. Tu es content de partager ce moment avec eux. Alors que tu essayes de discuter en Russe avec Vica, la cousine de passage, la mère de Micha t'explique qu'elle est parachutiste dans l'armée. Tu trouves que les jolies filles ont souvent des métiers surprenants en Russie.

La mère de Micha te fait visiter son jardin. Tu aimes bien visiter les jardins. Ils cultivent les légumes qu'ils consomment. Tu essayes d'apprendre les noms des légumes, mais ta mémoire est toujours aussi défaillante.

Andreï te conduira ensuite en ville pour retrouver Micha (les Russes utilisent presque toujours un diminutif). Il te conduira dans un grand café-restaurant-boîte de nuit qui est un lieu de rassemblement pour motards. Micha salue beaucoup de monde. Des motards, et aussi beaucoup de filles. Micha est un Don Juan.

Alexander (Sacha est son diminutif) vous retrouve. Tu parles un peu Anglais avec lui. Il vous propose d'aller chez lui demain pour un barbecue-sauna. Pourquoi pas... Entre le rendez vous pour tes pneus à Irkoustk, et celui pour ta carte Visa que tu devras organiser à Yakoutsk, tu as désormais un peu de temps. Il faut aussi profiter du voyage.

Andreï te ramènera en fin de soirée chez les parents de Micha.

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Dimanche 8 juin 2014

Tu as pu avancer un peu pour tes soucis d'argent. Ta mère t'a envoyé un lien sur le site de la Western Union, une banque spécialisée dans le transfert rapide d'argent partout dans le monde. Ils ont effectivement une bonne cinquantaine de représentations à Omsk... Le seul souci est qu'ils limitent les transferts à 500 euros, et que chaque transfert coûte plus de 40 euros. Mais cela devrait fonctionner, et tu demandes à ta famille de te transférer deux fois 500 euros. Tu pourras récupérer les premiers demain matin à Omsk, et les suivants quelque part dans les prochaines grandes villes.

A nouveau, c'est Andreï qui te conduit à Omsk pour retrouver Micha. Tu comprends que Micha a dormi chez une amie. Micha et toi partez ensuite pour la maison de campagne de Sacha. C'est un peu éloigné, mais Micha roule vite, très vite.

La maison de campagne est toute neuve. A nouveau, toute une famille est réunie : Sacha, ses parents, et aussi une tante. Les Russes vivent beaucoup en famille. L'aménagement du chalet est encore en cours. Les équipements de cuisine ne sont pas déballés, et le gazon fraîchement planté.

Il fait froid. Autour de 10°. Le père de Sacha te passe un anorak. Vous allez faire une petite promenade. La maison se trouve sur une hauteur sur les berges d'une rivière. Il y a ainsi plusieurs gros chalets, regroupés pour constituer un « Eco-Village ». Une sorte de quartier gardé. Sacha insiste pour que tu profites de la vue : la rivière se trouve à une vingtaine de mètres au dessus du niveau de la rivière, et un tel dénivelé est rare dans la région. Il est vrai que depuis l'Oural, tu n'as plus vu que des étendues plates.

Tu fais connaissance avec la famille de Sacha. Sacha est chirurgien pour enfants, et sa mère était ingénieur. Elle travaillait dans l'électronique des missiles... Une femme qui a l'air toute douce, une grand mère tranquille et souriante. Tu vas finir par croire que l'armée est vraiment omniprésente, même si pour la mère de Sacha, c'est désormais du passé.

Quant à Sacha, tu comprends sa passion pour la moto. Tu te dois avoir besoin de décompresser après une journée d'intervention. Il semble perfectionniste, attaché aux détails.

Le barbecue est un bon moment, réchauffant. Les parents de Sacha parlent beaucoup avec Micha.

Après le déjeuner, vous aller dans la forêt couper quelques extrémités de branches bien fournies en feuilles. Elles feront parties de la cérémonie du sauna.

Sacha prépare le sauna. Pendant ce temps, Micha ne se sépare pas de ses téléphones. Il passe probablement 80% de son temps au téléphone. Avec ses amies, avec ses copains motards, au volant, à table, … il a toujours un coup de fil à donner ou un sms à envoyer. Une hyperactivité téléphonique.

Alors que vous vous déshabillez pour rentrer dans le sauna, tu réalises que le torse de Micha est couvert de cicatrices longues et profondes. Deux accidents de moto, deux crashes sur des camions. Micha roule toujours trop vite, et il a de la chance d'être encore en vie. Mais il continue. Il a besoin de rouler vite.

Ta première impression du sauna n'est pas très bonne : difficulté à respirer, à supporter la chaleur et l'humidité, l'odeur des feuilles. Mais tu apprécies petit à petit, et tu finiras finalement par trouver cette situation agréable, relaxante. Les feuilles servent à parfumer l'air, l'eau... Une décoction. Micha te masse aussi le dos avec. A la sortie, tu as droit à un grand sceau d'eau froide, qui est le bienvenu. Vous sortez à moitié nus sous la pluie. Alors que tu étais gelé jusqu'à la séance de sauna, tu trouves maintenant la température agréable. Tu te sens reposé, réchauffé et détendu.

Vous quittez Sacha en projetant des retrouvailles à Grenoble. Tu as souvent reçu des motards Australiens, mais jamais de Russes dans ta maison. Ce sera l'hiver prochain, pour qu'ils profitent du ski.

Sur le retour, une pause à Omsk. Micha a rendez vous avec une amie et vous allez dans un café. Tu ne comprends pas le sujet de la discussion, mais tu entends le mot « sentimental » dans la bouche de son amie. Il y a souvent un mot provenant du français dans les discussions en Russe. Cela aide, même si tu doutais de l'objet de la discussion.

La mère de Micha, Vica et Andreï viennent te récupérer, et vous laissez Micha et son amie. La route est beaucoup plus tranquille : vous vous arrêtez à la pharmacie, faire quelques courses. Tu pourras profiter de la soirée pour te mettre à jour de ton internet.



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Lundi 9 juin 2014

Toutes tes affaires sont prêtes à 8h30. Ton objectif est de te rendre dans une banque « Western Union » à Omsk, de retirer l'argent que ta famille t'a envoyé, puis de filer vers Krasnoiarsk. Mais Victoria, la mère de Micha ne l'entend pas de cette oreille. Vous allez ensemble, en voiture, à la banque, vous retrouvez Micha, et vous revenez ensuite à la maison. Tu sens le piège, mais impossible de dire non à Victoria. Vous voilà donc partis. Micha vous a donné rendez vous au siège de l' »Alfabank ». Tu n'as pas trouvé cette banque dans la liste des représentants de Western Union, mais pourquoi pas. Micha est en retard. Tu papotes avec Victoria. Jeune, elle faisait de l'escrime.

Quand Micha arrive, vous entrez dans la banque, mais on vous dit dès l'accueil, qu'ils n'ont pas de lien avec la Western Union. Vous repartez pour une seconde banque, qui cette fois-ci, représente la Western Union.

Beaucoup de papiers. La Russie est passée à l'heure d'internet, mais elle n'a pas abandonné le papier. Tu signes 5 ou 6 papiers différents. Tout prend beaucoup de temps. Parfois, tu trouves en France que certaines procédures ne sont pas très efficaces, mais en Russie, attendre fait partie du quotidien.

Tu es aussi intrigué par les employées des banques. Toutes jeunes et belles. La caissière est impressionnante de beauté. Tu te demandes ce que ces femmes deviennent après quelques années de travail. Arrêtent elles leur travail pour toutes devenir des femmes au foyer ? Ou alors passent-elles dans les bureaux de « derrière » ? Tu n'es pas très à l'aise dans cette ambiance.

Vous finissez par obtenir l'argent, et allez prendre un café dans le bar qui se situe au dessus de la banque. Micha est avec un ami motard de passage, du club de Krasnoiarsk. Il y a plus de 1400km entre Krasnoiarsk et Omsk, et ce gars vient de les faire en une seule journée de 19 heures. Tu trouves la prouesse folle. Autant qu'il trouve fou ton projet de prendre la route de Magadan en été.

Vous vous quittez. Le retour vers la maison passe par quelques arrêts courses. Vous rentrez à 13h. Tu auras perdu une demi journée de route, mais tu restes fataliste. Ce n'est pas du temps perdu, même si tu voulais optimisé différemment ta journée. Il faut que tu te débarrasses de tes habitudes d'optimisation du temps.

Fatigué, tu ne rouleras pas longtemps. La route est monotone, plate. De part et d'autre de la route, une terre imbibée d'eau. Tu te dis que tu n'arriverais même pas à trouver un endroit pour planter la tente si tu devais t'arrêter en pleine campagne.



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