Le désert du Karakoum ICON_SEP Print ICON_SEP

Lundi 26 Juillet 2010

Tu traverses Achkabat. Toute la ville semble être faite de ces immeubles futuristes. Certains sont démesurés : des ministères. Les universités sont aussi d'un luxe et d'une dimension qui laissent pantois. L'Institut de Mathématique doit être le plus grand, et le plus prestigieux Institut de Mathématique que l'on ait jamais construit nulle-part. Combien de mathématiciens dans ce pays où l'on ne croise presque personne? Tu exagères... A 7 heures, la circulation est bien plus importante que la veille. Mais nul risque d'arriver en retard au boulot pour fait d'embouteillage.

Tu avais lu dans le Lonely Planet que les conducteurs faisaient n'importe quoi. Ceux d'Achkabat, sont bien disciplinés, respectent les feux, utilisent les clignotants et rares sont ceux que tu vois faire une infraction. Tout le contraire de l'Iran. Tu as juste vu une personne brûler un feu. Mais il devait s'agir d'un officier de police, ou sinon d'un haut-fonctionnaire.

Au Nord de la ville, tu es content d'apercevoir quelques maison 'normales'. Des maisons individuelles plutôt anciennes. Une 'banlieue' plus pauvre, mais vite traversée.

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Après avoir pris par un détour involontaire par l'aéroport, te voilà dans la bonne direction, en plein désert.

Tu as environ 600 km de désert à traverser. Tu as fait le plein dans une des rares stations services de la ville. Là, tu as essayé de demander si tu trouveras d'autres stations sur ta route. Pas de souci... Sur ta carte, on te pointe divers endroits, espacés de 150 km environ. Le premier est Lejbert. Les pompistes semblent d'accord pour te rassurer.

La route est meilleure que tu ne le pensais. Tu roules plein Nord, avec un fort vent d'Est. Mais les dunes, pas plus de 10 mètres de haut, sont bien contenues. Tu doubleras plusieurs « chasse-sable » qui s'affairent à faire le ménage. La route fait au moins 30 mètres de large, et, coté au vent, ils ont tracé dans le sable une seconde route virtuelle, pour garder une marge face aux dunes. Quand le sable a réussi à recouvrir des portions de route, ce n'est que sur 5-10 mètres, et tu contournes d'autant plus facilement qu'il n'y a pratiquement jamais personne en face.

Arrivé devant le panneau Lejbert, tu vois un petit village clairsemé sur le coté, à moitié caché par des dunes. Tu hésites, mais tu quittes la route pour vérifier qu'il existe bien une station service. Tu la trouves. Petite, au milieu du village. Tu refais le plein, mais on t'explique qu'il n'y en aura plus ensuite. Soit plus de 400 km alors que ton réservoir n'a pas cette autonomie.

Tu déplies donc pour la première fois ton réservoir souple Musthane. Tu le remplis, et répartis les affaires de la sacoche gauche dans la droite et dans ton sac à dos. Tu ne pensais pas avoir si vite besoin de ce réservoir complémentaire. Et tu es bien heureux de l'avoir.

Après Lejbert, le point suivant indiqué sur la carte est Darvaza. Tu reprends la route. Parfois, des zones semblent vaguement habitées. Juste quelques yourtes, ou parfois une maison. De nombreux chameaux. Deux fois, tu t'arrêtes près de paysans dont les vieilles motos russes sont en panne. Mais ils connaissent leur affaire, et, d'un geste, te disent que tu peux repartir. L'un d'eux vient de crever. Il a effectivement tout le nécessaire de réparation. Il faut bien...

Tu arrives à Darvaza vers midi. Il fait chaud. Là, seules deux ou trois cabanes ou yourtes le long de la route. C'est un lieu-dit, et non un village. Tu t'arrêtes près d'une cabane qui ressemble à un café improvisé, où deux ou trois voitures sont déjà arrêtées. Tu prends un thé, et aussi un repas frugal. Le prix est deux ou trois fois plus cher que ce que tu as payé à l'hôtel la veille au soir, pour un repas très classe et bien plus complet. Tu te fais arnaquer par le patron jovial, mais tu payes. Tu es content d'avoir trouvé un peu d'ombre, et un repas, même léger. Pour se faire pardonner, le patron te propose de t'allonger sur le tapis pour te reposer un peu. Tu n'en espérais pas tant. Tu ne te fais pas prier et fais une bonne sieste.

Tu te réveilles d'un coup à quinze heures. Content d'avoir laissé passer les heures les plus chaudes. Les personnes sur les autres tables sont contentes de te voir éveillé. Souvent une bouteille de vodka accompagne leur repas. L'Islam est bien différent de celui de l'Iran. Mais à la fin du repas, tout le monde fait une rapide prière, sans exception.

Tu discutes avec le patron, Jimmy, toujours jovial. Rares sont les personnes qui connaissent deux ou trois mots d'anglais. Comme dans toute l'Asie Centrale, la seconde langue est le russe. Il t'explique que Darvaza est un ancien centre d'exploration du gaz, et est connu pour ses cratères par les soviétiques. Tu avais lu cela dans le Lonely Planet. Il en reste un qui brûle toujours, à 5-6 kilomètres à l'Est. Il faut revenir en arrière et prendre sur la gauche, une bonne route, qu'il dit. On peut t'y conduire.

Tu as le temps, donc c'est d'accord. Tu hésites à laisser tes sacoches, mais si la route est vraiment bonne... Après être revenu 7 kilomètres au Sud, on te laisse devant une piste qui serpente entre les dunes. Tu essayes. Un kilomètre de sable et tu t'arrêtes sur une portion rocheuse. Pas vraiment à l'aise, déjà fatigué. Tu continues un peu à pied, en haut d'une dune qui semble surplomber le coin. La piste redescend sur des zones plates et tu crois bien voir, au loin, une légère fumée. Trop loin. Tu renonces et regrette tout ce sable. Il aura abimé ta chaîne pour rien.

En repassant devant la buvette, tu prends deux bouteilles d'eau supplémentaires. Avec 30 litres d'essence et 5 litres d'eau, tu n'as rien à craindre pour les 300 derniers kilomètres.

A partir de 5 heures, le soleil commence à être suffisamment bas pour que tu puisses t'arrêter et t'installer à l'ombre de Toeuf-Toeuf. Tout le monde est content de ces pauses. Sauf que tu découvres que les bouteilles d'eau fraîche que l'on t'a vendues sont de la limonade... Déjà réchauffée.

Tu essayes aussi de trouver un endroit pour dormir. Tu fais plusieurs essais mais à chaque fois, trop de sable et tu fais demi-tour rapidement. Tu as peur de t'ensabler. Toeuf-Toeuf est trop chargée.

Quand tu étais dans le Sahara, il y a 25 ans, tu avais croisé plusieurs motards qui n'avançaient pas dans le sable, du fait de leur chargement. Ils s'ensablaient, et s'épuisaient pour repartir. Tu les trouvais inconscients et tu les abandonnais à leur sort. Aujourd'hui, tu penses à eux, et tu ne fais pas le fier.

A force de renoncer à partir dans les dunes, tu as bien avancé et tu as rejoint une zone 'verte', agricole. Tu as atteint la zone habitée du Nord, la fin du désert. Tu quittes la route pour rentrer dans un petit village, histoire de visiter. Tu demandes si il y a du « Benzine » quelque part, mais tu connais d'avance la réponse. Puis si il y a « Shop », un « Magasin »... Le mot « Magasin » est compris! On te conduit à une maison, semblable aux autres. Tu te déchausses pour rentrer, et on te fait rentrer dans une petite pièce où sont accumulées quelques provisions, mais surtout des allumettes, des ampoules ou encore des savonnettes. Tu choisis une savonnette, des biscuits et une bouteille d'eau minérale, malheureusement gazeuse (encore de la limonade?).

Avant de partir, tu restes un moment à discuter avec les villageois. Une dizaine de personnes ont rappliqué, pour regarder cette moto étrange. Un homme, plutôt bien habillé parle quelques mots d'anglais. Tu expliques ton voyage. Il traduit aux autres ce qu'il comprend. La vendeuse du magasin te prend en photo avec son téléphone portable, et tu en profites pour sortir ton appareil photo et lui rendre la pareille.

Tu as bien fait de t'arrêter. Tu devrais aussi demander si il y a une possibilité de dormir dans le village, mais tu n'oses pas. Et puis, dormir à la belle étoile te fait envie.

Tu repars jusqu'à une petite ville, dans le style Achkabat, mais en miniature. Seulement une vingtaine de petits immeubles modernes, bien déplacés dans ce lieu. Cette ville n'est pas sur ta carte. Il y a aussi une route – la route principale - qui part vers l'Est, directement sur Dachd-Guz mais cette nouvelle route n'est pas non plus sur ta carte. Tu la prends par erreur. Après quelques kilomètres, tu t'arrêtes, et t'installes dans des petites dunes pour la nuit. Tu laisses la moto derrière un buisson, et t'écartes un peu de la route pour atténuer le bruit du passage des véhicules. De l'autre coté de la route, des champs cultivés et quelques maisonnettes bien espacées.

Une fois allongé, tu réalises que les moustiques sont bien nombreux. Trop d'eau stagnante de l'autre coté de la route. Tu essayes le spray anti-moustique. Totalement inefficace pour les moustiques indigènes. Tu déplis donc ta tente et tu rentres dans la toile, sans la monter. Tu as laissé la porte ouverte sur la moustiquaire. Tu dormiras ainsi, le visage et le haut du corps collés à la moustiquaire sur laquelle des dizaines de moustiques viennent s'énerver. Mais tu es fatigué, tu sais qu'ils ne te piqueront plus, et tu t'endors serein malgré leur musique incessante.

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