Barunturuu ICON_SEP Print ICON_SEP

Lundi 15 août 2010

 

Au matin, plusieurs personnes vous rejoignent. Ils sont juste curieux de voir vos motos. Comme tu es curieux de voir leurs tenues, leurs chevaux. Deux curiosités qui se rencontrent.

 

Ils vous aident à faire votre paquetage, et vous les quittez. La piste est toujours bien roulante. Vous vous arrêtez plusieurs fois pour photographier des animaux : chameaux, chevaux mais aussi une étrange troupe d'oiseaux : des vautours. De loin, on dirait d'énormes dindes noires, posées sur une crête. Mais quand tu t'approches, ils prennent leur envol et leur envergure est impressionnante.

 

Il est 11h. A une dizaine de kilomètres de Barunturuu, vous vous arrêtez devant une rivière. Le gué n'est guère attirant et tu recherches un passage plus large, où le courant serait moins fort. Mais rien d'évident... il vaut mieux faire comme tout le monde, et passer sur le gué dans la continuité de la piste.

 

Tu as des souvenirs de grosses frayeurs sur des passages de gués en Algérie et tu hésites. David lui est volontaire et se décide à foncer. Il fait une dizaine de mètres... et se couche dans la rivière. Tu retires tes bottes et ton pantalon et vas l'aider à sortir sa moto. Elle a été complètement immergée.

 

Arrive Bora sur une 150cm3. Il rigole de vous voir ainsi. Les Mongols rigolent beaucoup. Tu l'as déjà souvent remarqué. Tu aimes rigoler avec eux.

 

Bora hésite un peu, puis, décidé, rentre dans l'eau sur sa moto. Après quelques rebonds périlleux il atteint l'autre rive. Tu le félicites.

 

De ton coté, tu décides de passer tes affaires à pieds, puis de traverser sur Toeuf-Toeuf allégée. L'alternative serait de demander à David de passer avec toi, en marchant coté opposé au courant, mais il est bien occupé. Tu n'oses le déranger. Tu rentres donc dans la rivière, et, au même endroit que lui, le courant t'emporte et te couche. Tu as l'air malin... Tu aurais du prendre le passage de Bora : un peu plus profond, mais moins de courant. Tu t'attendais à être secoué par les pierres, mais pas à être emmené par le courant. Tu n'as pas su réagir. Tu sauras la prochaine fois.

 

David te rejoint pour sortir Toeuf-Toeuf. Bora repasse aussi, à pieds, sur votre rive pour vous aider. Bora est souriant, timide même si il rit facilement. Il semble bien connaître le problème de l'immersion, et tu suis ses conseils. En Mongolie, tomber dans une rivière avec sa moto doit être quelque peu ordinaire.

 

Vous retournez Toeuf-Toeuf pour la vider de l'eau accumulée. Une bonne dizaine de litres s'écoule du pot d'échappement et du filtre à air. Vous purgez le carburateur ainsi que le réservoir, séchez la bougie et le filtre à air. Enfin, vous asséchez le cylindre avec de l'essence. Après avoir répété plusieurs fois l'opération, Toeuf Toeuf démarre... Tu es surpris que le circuit électrique ait si bien résisté. Reste un souci : l'huile moteur n'est plus de l'huile, mais du café au lait. Heureusement, Barunturuu n'est pas loin et tu espères y trouver de l'huile pour une vidange.

 

Vous faites les mêmes opérations sur la BMW de David, mais cela ne fonctionne pas. Sa moto est à injection, donc pas de carburateur, et vous ne savez comment purger le fond du réservoir d'essence.

 

Passe un Suisse sur une moto locale qu'il a achetée à Moron. Tu lui conseilles le passage à pieds. Cela lui réussit bien. Tu t'en veux de ne pas avoir appliqué toi même la même méthode. Passe aussi un couple de Canadiens en vélo. Pour eux, un peu de temps pour transférer tout leur paquetage à pieds, mais pas de souci particulier. Ils peuvent poursuivre leur long voyage.

 

A force d'essais infructueux, la batterie de la béhème est à plat. Comme par miracle, arrive alors un petit camion chargé de bois. Ses occupants rigolent bien de votre mésaventure. Ses rires et le soleil vous font du bien. Ils relient par des câbles la batterie de David à celle du camion, mais rien n'y fait. Il faut purger l'eau du réservoir. Vous ne trouvez pas comment faire. Chacun semble donner son avis, mais c'est le chauffeur du camion qui trouve la solution : siphonner le réservoir. Après avoir remis de l'essence propre et quelques séances de séchage de bougie... la béhème repart. Bien sûr, son huile n'est pas dans un meilleur état que celle de Toeuf Toeuf, mais on peut au moins rouler doucement jusqu'au village.

 

Vous faites vos adieux à Bora, rechargez vos bagages, et repartez doucement jusqu'à la station service de Barunturuu. Plusieurs personnes vous accueillent. Ils ont de l'huile, mais pour moteur diesel... Tu n'as aucune idée de la différence, mais tu crains que des additifs ne soient pas compatibles avec vos embrayages. Pourquoi faire une distinction entre diesel et essence ? Un homme, Okhtuu, connait quelques mots d'Anglais. Il comprend votre mésaventure dans la rivière, qui, à nouveau, fait bien rigoler tout le monde. Il vous demande d'attendre, et revient une demi-heure plus tard avec une dame qui a les clés d'une maison voisine de la station. Là, quelques dizaines de bidons d'huile. Du 5W30 alors qu'il vous aurait fallu du 15W40, mais il ne faut pas faire les difficiles. L'huile ici est adaptée aux hivers rigoureux.

 

Vous demandez si il y a des hôtels. Il y en a un, mais Okhtuu vous propose de vous héberger chez lui. Les rencontres les plus intéressantes se font toujours quand on a des problèmes.

 

Vous vous rendez chez Okhtuu. Là, vous effectuez d'abord votre vidange. Okhtuu insiste pour que vous laissiez l'huile s'écouler dans le jardin... Tu as honte, mais tu lui obéis. Il n'y a aucune gestion des ordures ici, et encore moins des déchets polluants. Et pas question de repartir si vous ne vidangez pas. L'alternative aurait été d'aller dans un endroit éloigné du village, mais cela semble bien compliqué.

 

Le temps à changer. Au soleil qui vous a bien aidé pour sécher les motos succède une pluie anglaise. Le ciel est désormais tout gris.

 

Vous retrouvez ensuite la famille d'Okhtuu pour diner. Ils vivent, comme la plupart des villageois dans une maison en bois. Pas de salle de bain, et les toilettes se réduisent à une cabane au dessus d'un trou au fond du jardin. Mais leur maison est probablement plus moderne et mieux équipée que que la moyenne.

 

Tu montres tes photos du jour et celles de ta famille. Le camionneur qui nous a secouru est un ami d'Ohlu, et ils semblent aussi connaître Bora. La densité de population est si faible, que tout le monde connait tout le monde à 100 km à la ronde.

 

Okhtuu te propose d'aller acheter une bouteille de Vodka. Tu sais que cela lui fait plaisir, donc vous y aller et tu achètes au passage du Coca Cola et de l'eau minérale, ainsi que du chocolat pour offrir à votre hôtesse.

 

Comme beaucoup de Mongols, Okhtuu boit beaucoup de Vodka. Il est fréquent d'être abordé par un homme saoul, et dans les épiceries, les bouteillles de Vodka occupent un large espace.

 

Okhtuu est contrôleur aérien. Tu ne sais pas trop ce que cela signifie ici. Son Anglais est plus que limité, et tu imagines que son rôle doit se limiter à enregistrer le passage quotidien de l'avion qui va d'Oulan Baator à Olungum. Ce job lui laisse donc du temps pour se consacrer à sa famille, et à la vodka.

 

Les discussions sont limitées. Vous échangez surtout par gestes, sourires et rigolades. La vodka aide à rigoler mais tu essayes de ne pas suivre Okhtuu trop loin sur ce terrain. Les verres sont petits, mais ils se remplissent souvent.

 

Vous vous couchez dans la salle à manger. Pour une mésaventure qui aurait pu signifier la fin du voyage, vous vous en sortez bien. Au final tu as juste tes bottes imbibées d'eau, et ta visière est cassée en deux. Tu ne sais pas comment cela est arrivé. Il serait aussi souhaitable que tu fasses une nouvelle vidange rapidement, mais cela attendra.

 

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Mardi 16 août 2010

 

La pluie n'a pas cessé. Vos hôtes vous proposent de rester une journée de plus avec eux. C'est ce que vous avez de mieux à faire. Une journée de repos, mais sans Internet car le cybercafé est fermé. Probablement à cause du manque de clients.

 

Dans le village, les gens vont chez les uns et les autres. Ils rentrent simplement. S 'assoient et discutent un moment avant de passer à une autre maison. Le village est triste, et ses réunions sont bien la seule animation. Okhtuu est parti tôt travailler. Le reste de la famille est plus discrète, et les échanges sont plus difficiles. Heureusement, les visites des voisins animent la journée.

 

Vous êtes nourris par vos hôtes. Tu fais des courses que tu amènes à la mère de famille, mais tu comprends que leur menu quotidien est peu varié : des raviolis à la viande qu'elle et sa fille confectionnent avant chaque repas. La Mongolie n'est pas un pays pour les végétariens. L'alimentation des familles de nomades doit se réduire à la viande fournie par leur troupeaux. La farine pour les raviolis est certainement importée car tu n'as vu aucun champ cultivé. La Mongolie semble est un immense pâturage.

 

En fin de journée, le soleil réapparaît. Vous partirez demain matin, quelque soit la météo. Depuis quatre jours, vous n'avez pas beaucoup avancé.

 

La soirée se passe avec les voisins. Un jeune couple avec deux belles petites filles. Elle est institutrice du village. Tu montres tes photos de voyage, et David ses vidéos prises avec la caméra fixée sur son casque. Okhtuu essaye de faire boire tout le monde, mais il semble qu'il y ait une coalition pour lui résister. Tu auras moins mal au crâne demain matin.