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Mercredi 18 Août 2010

 

Okhtuu insiste pour vous guidez jusqu'à un pont. Cela semble a priori inutile, mais il a son idée derrière la tête. Au moment de partir, il vous demande 10000 tugrugs pour acheter de l'essence pour sa moto. Soit... Vous faites tous de l'essence, et il demande à nouveau 20000 tugrugs pour la nourriture. Tu lui expliques que vous avez déjà dépensé 40000 tugrugs en nourriture et vodka pour la famille. Il accepte de réduire à 10000. Ses exigences n'étaient pas prévues. L'idée lui en est venue probablement assez tard. Pourquoi ne pas demander ? Les Mongols sont pragmatiques.

 

David n'apprécie guère le procédé. Entre Okhtuu et David, le courant ne passe pas trop. Tu trouves que Okhtuu exagères un peu, mais il vous aura bien rendu service. Tu ne veux pas te fâcher avec lui.

 

Vous partez donc, guidés par Okhtuu qui prend sur sa selle l'un de ses amis et une bouteille de vodka. Il veut vous faire passer par le Nord pour éviter une hypothétique rivière. Pourquoi pas... Le détour ne vous fait perdre qu'une vingtaine de kilomètres. Si il s'avère qu'il y a effectivement une rivière à traverser, tu seras content de l'éviter.

 

Il vous conduit à un pont, mais ce pont n'enjambe aucun cours d'eau. Juste une zone de sable fin.

 

On se quitte après une dernière séance de photos. David est pressé de quitter Okhtuu. Vous longez des dunes, et rejoignez la piste principale après une bonne heure. Au final, tu te dis que David a probablement raison : le gué à passer était probablement imaginaire, mais ce n'est pas bien grave.

 

Tout le long, un grand ciel bleu. La lumière est pure, les couleurs magnifiques. Vous ne croisez pratiquement personne sur la piste, et rares sont les yourtes et les troupeaux.

 

La piste n'est pas facile. De larges flaques d'eau. Parfois des zones de sables. David tombe souvent. Sept fois dans la journée. Il n'aura cassé qu'un rétroviseur. Il s'en sort plutôt bien. De ton coté, tu roules toujours prudemment, avec de la marge. Tu ne veux pas tomber.

 

Lorsque vous passez près d'une yourte, vous demandez souvent aux habitants qu'ils vous confirment votre direction. Une fois, David comprend qu'il vous faut tourner. Tu croyais que vous étiez sur la bonne piste mais tu vois David partir vers le Sud, rejoindre une piste secondaire. Tu renonces à le rattraper et tu le suis. Vous avez assez d'essence pour faire des détours.

 

Quand tu retrouves David, il reste convaincu d'avoir pris la bonne décision. Soit. Un détour peut être intéressant. En fin d'après midi, vous vous arrêtez pour camper. Vous montez sur une hauteur, près des arbres. David fait un feu pour vous réchauffer. Tu utilises le GPS de ton appareil photo pour déterminer votre position. Vous avez effectivement choisi une mauvaise piste, plein Sud. Vous déciderez le lendemain ce qu'il convient de faire.

 

Dès que le soleil tombe, la fraîcheur s'installe. Tu restes aussi longtemps que possible près du feu. Tu te résous ensuite à gagner ta tente. Il fait froid. Tu te couches avec ton pantalon de laine, ton pull-over. Ton sac de couchage est beaucoup trop léger et tu grelottes malgré la couverture et le sac-drap. Tu te décides à te recouvrir de la couverture de survie, une mince feuille métallisée. C'est magique... D'un seul coup, tu as moins froid. Tu n'imaginais pas qu'un si petit objet puisse être aussi efficace.

 

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Au petit matin, le soleil te réchauffe. Il fait fondre la glace qui s'est fixée sur les selles des motos, et sèche rapidement l'humidité des tentes. Une nouvelle belle journée s'annonce.

 

Vous décidez de poursuivre vers le Sud. Vous devriez retrouver une piste qui rejoint la piste principale après une vingtaine de kilomètres. La piste n'est pas bien délimitée. David hésite plusieurs fois. Change d'avis. Tu le laisses prendre les décisions. A plusieurs reprises, vous coupez à travers les collines pour rejoindre la piste principale. Celle-ci est bien loin.

 

David perd sans arrêt ses sacoches souples. Il refuse qu'on l'aide à mieux les fixer. Parfois il tombe. Moins souvent que la veille. Il est fatigué, énervé, mais roule toujours aussi vite. Il semble pressé de quitter la Mongolie. Toi, tu voudrais en profiter davantage. Prendre le temps de parler aux gens. Mais voyager à deux est effectivement plus sécurisant. A chacune ses chutes, tu aides David à redresser sa moto. Tu le pousses quand il est embourbé. Quand son câble d'embrayage casse, tu lui places le nouveau. Si tu n'avais été pas avec lui, il aurait bien souffert. Ou il aurait été plus prudent. Tu es aussi son banquier car il n'a pratiquement pas changé d'argent. Tu ne le comprends pas bien, mais c'est un gentil garçon.

 

David travaille à Londres, à la City, dans la finance. Sa petite amie l'a laissé tomber. Ce fait est certainement la clé de son voyage. Peut-être a-t-il besoin de se prouver quelque chose. C'est tout à fait respectable, surtout à vingt cinq ans, mais ce n'est pas ton problème. Toi tu veux prendre le temps d'apprendre, de communiquer, d'échanger. Souvent tu te dis que voyager seul te conviendrait mieux. Mais que deviendrait David ?

 

Pour vous repérez, vous utilisez le GPS de ton appareil photo et placez des croix sur ta carte. Tu demandes à David de prendre un stylo dans la poche de ton petit sac à dos. David oublie de refermer la poche, et tu perds tes lunettes de vue. Il faudra que tu en achètes une nouvelle à Moron si tu veux lire tes mails. De son coté, David aura cassé l'écran de son notebook dans ses chutes. Tu relativises la perte de tes lunettes.

 

Une fois sur la piste principale; les choses ne sont pas plus évidentes. Plusieurs embranchements qui ne sont pas indiqués sur vos cartes. Vous essayez de vous faire guider par les bergers, mais ce faire comprendre n'est pas toujours évident. David s'énerve, il est fatigué.

 

Vous traversez parfois des gués. Pas trop profonds, et vous arrivez secs de l'autre coté. Le dernier est plus méchant. David repère un passage. Tu t'en sors de justesse : l'eau est montée jusqu'au genoux, et tes pieds sont trempés. Heureusement, Toeuf Toeuf ne semble pas avoir pris l'eau. L'huile est normale, et le filtre à air est sec. David passe à son tour, sans problème.

 

Vous poursuivez jusqu'au prochain village. Tu demandes si il existe un hôtel. On vous guide effectivement jusqu'à une maison, près d'une yourte. La propriétaire vit dans la yourte et loue la maison, un dortoir où vous serez rejoints par plusieurs personnes.

 

Tu es content de trouver un toit au chaud. Ton pantalon est trempé, et tu dois le faire sécher. La propriétaire démarre le chauffage. Elle vous prépare aussi un diner.

 

Pendant la nuit, un groupe de personnes arrive de Moron. Ils vous réveillent, et s'installent pour s'endormir aussitôt. L'un d'eux ronfle très fort. Dehors, les chiens aboient et les ivrognes chantent. C'est dur de se rendormir. David va secouer le ronfleur. Rien n'y fait. Tu écris un peu, puis tu sens la fatigue venir et tu t'endors comme un enfant.

 

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Au matin, tout le monde a oublié les difficultés de la nuit. Les arrivants, des Russes, s'intéressent à vos voyages.

 

Vous partez sur Moron vers 9h. La route est meilleure que celle de la veille, et vous avancez vite. Quelques kilomètres après une intersection, tu vas demander confirmation de la route à des gens auprès d'une yourte. Leur fille de douze ans parle un peu anglais. Ils t'invitent à prendre le thé. Tu appelles David et pour la première fois vous pénétrez dans une yourte de bergers. Elle est très belle. Enfilés sur des fils attachés au toit, des champignons sèchent un peu partout. Tu parles de ton voyage. Ils te présentent les nombreux enfants. Les Mongols que vous rencontrez dans la campagne sont particulièrement gentils. La difficulté de leur vie doit y être pour quelque chose. La rudesse de l'hiver, la solitude. Tu demandes si tu peux prendre des photos. Ils refusent. Tu n'insistes pas. Dommage, car il y avait cent belles photos à saisir.

 

Le thé en Mongolie est toujours au lait. Il est aussi salé. Vous vous êtes habitués à cette boisson. Il fait froid. Elle réchauffe le corps et le coeur.

 

Vous repartez et tu roules vite pour te réchauffer. Pour une fois, plus vite que David. Vos réserves d'essence ont fondu et Toeuf Toeuf est bien maniable. Pendant une heure ou deux, le temps et le paysage sont tristes. Tu te concentres sur la piste.

 

A un col, tout change. La piste débouche sur une belle rivière, et le soleil fait son apparition. Tu commences à t'arrêter pour prendre des photos. Tu ralentis pour profiter du paysage.

 

A chaque col, on trouve des tas de pierres avec dessus des branches supportant des tissus. Des sites de prières? Les voyageurs ont besoin de se rassurer le long de la route. Et de remercier la providence de les avoir aider à atteindre ces cols. Ce n'est pas toujours évident.

 

A vingt kilomètres de Moron, David accélère vers votre destination. Les pistes sont multiples et tu penses ne plus le revoir avant le centre ville. Mais tu l'aperçois faisant des grands gestes à cinq kilomètres de l'arrivée. Il est en panne d'essence. De ton coté, tu avais prévu large et tu peux le dépanner sans souci.

 

Vous trouvez un hôtel, propre, avec de l'eau chaude. Une bonne douche. Le rêve. La réception te propose même un service pour laver ton linge. Tu acceptes sans hésiter. David préfères laver son linge lui même. Ton jean est tellement sale qu'il t'aurait fallu deux heures pour le récupérer.

 

La vie est belle. Il fait beau, tu achètes une nouvelle paire de lunettes pour quatre euros et tu trouves un cyber-café. Que demander de plus ?

 

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